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photo_bilger_1Depuis l’instauration de l’état d’urgence et la concrétisation – enfin ! – de la volonté de l’Etat de se donner les moyens de lutter contre le terrorisme, le débat ne cesse pas au sujet du rôle respectif des magistrats, des procureurs notamment, de la police et des préfets.

Il est normal que le nouveau projet de loi antiterroriste qui pour l’essentiel vise à élargir les pouvoirs du parquet, de la police et des préfets, tout en prévoyant certains contrôles – le parquet devra obtenir l’accord du JLD pour poser un micro ou une caméra chez un suspect, les procureurs seront tenus d’enquêter à charge et à décharge et les juges d’instruction ne pourront plus écouter parlementaires, avocats ou magistrats que sur décision motivée du JLD – suscite des réactions et puisse être perçu comme un désir d’ancrer des dispositions au caractère exceptionnel dans la justice du quotidien. Une urgence et son efficacité qui deviendraient en quelque sorte la norme (Canard enchaîné).

Faut-il s’en plaindre ?

Le 12 janvier, le tribunal correctionnel de Bordeaux a relaxé le majordome de Liliane Bettencourt qui avait enregistré durant un an les conversations de la milliardaire et les cinq journalistes qui en avaient publié des extraits choisis parce que le processus incriminé relevait « d’un acte socialement utile ». La juridiction a épinglé rudement au passage le procureur Courroye et le conseiller Justice de Nicolas Sarkozy, Patrick Ouart, qui tenaient informée l’une des parties à la procédure de l’évolution de celle-ci et de la décision à venir (Le Monde).

C’est au regard de cet épisode et de la tonalité générale d’un quinquennat, peu acceptable pour la magistrature honorable, qu’il convient d’appréhender la suite. On sait que la fonction de juge d’instruction a été paradoxalement sauvée par le cynisme intéressé du pouvoir qui a pu compter sur quelques auxiliaires bien placés.

Le quinquennat de François Hollande nous confronte à cette réalité d’une politique ministérielle calamiteuse conjuguée, il faut l’admettre, à une plus grande liberté et indépendance des pratiques dans la gestion des dossiers sensibles. Le pire et le meilleur donc depuis 2012. Avec une courtoisie à l’égard du corps judiciaire qui avait oublié durant cinq ans qu’elle pouvait exister.

Il est hors de question de relancer la problématique liée au maintien ou non du juge d’instruction. Il ne bougera plus de notre paysage judiciaire. Il est sacré mais peut-être va-t-on le priver de sa pitance ?

Le projet de loi qui va être débattu tient compte de son existence, de son influence mais réduit celle-ci. Le juge d’instruction n’est pas effacé mais contourné avec habileté et force est de reconnaître que les tragédies de janvier puis de novembre 2015 n’ont pas rendu absurde la configuration qui nous est dorénavant proposée et ne nous entraîne pas vers un Etat policier, avec ce qu’une telle définition a de négatif dans la bouche par exemple d’un Gilbert Collard.

Face à l’obligation pour le pouvoir de modifier ses paramètres et sa vision habituels, on peut considérer que la focalisation sur le parquet et surtout sur la police est susceptible de répondre, au-delà du catéchisme symbolique sur les juges du siège, à une double préoccupation.

La Justice proprement dite a-t-elle été ou serait-elle si efficace que cela ? J’ai bien compris la teneur du discours du plus haut magistrat de France, un professionnel légitimement respecté, mais le regret de Bertrand Louvel de voir les juges laissés de côté par ce dispositif de protection et d’attaque n’élude-t-il pas la question de leur véritable utilité en ces temps troublés, par rapport aux autres forces et autorités mises à contribution (Le Figaro) ?

Puisqu’aucune solidarité authentique ne s’est jamais manifestée entre police et justice et que la seconde a toujours trouvé à redire aux actions de la première, alors que pourtant, pour le combat d’aujourd’hui, la cohérence est plus que jamais nécessaire, la concentration sur le parquet et la police et, sur un autre registre les préfets, va au moins assurer une unité de vue et une coordination inspirée peu ou prou par le même esprit.

Le climat ne s’y prête pas mais il y aurait matière à ironie dans la constatation que François Hollande est vigoureusement, voire violemment décrié au moment même où il proclame et met en oeuvre une résolution qui, derrière la tactique, est toute de rigueur, de sévérité et de rupture à l’encontre du terrorisme mais le conduit à maintenir une garde des Sceaux qui, récemment encore, a été fustigée par la Conférence des procureurs à cause de l’écart choquant entre les missions multipliées et la pénurie des moyens, son président allant jusqu’à déplorer « la faillite du service public de la justice ».

Le président de la République cerné par les protestations d’une majorité des socialistes et de la gauche de la gauche d’un côté, par le supplice de Tantale que lui fait endurer la droite prête à voter le projet de révision constitutionnelle mais on ne sait jamais ! de l’autre, n’oublie pas les magistrats. Comme la justice a été déclarée clairement indésirable parce qu’il faut aller de l’avant et qu’elle serait à la traîne, François Hollande veut les apaiser par ailleurs. Il va inscrire dans le projet de révision la réforme du parquet et du CSM visant à augmenter le nombre de magistrats en son sein et à aligner le statut des magistrats du parquet sur celui du siège.

Je ne vais pas faire de surenchère mais, en cas de révision, le CSM va devenir de plus en plus corporatiste et l’assimilation du parquet et du siège ne rendra pas, pour le citoyen, le monde judiciaire plus lisible, bien au contraire. La séparation organique, dans deux univers distincts, indépendants l’un de l’autre, du siège et du parquet, loin de les affaiblir, renforcerait l’un et l’autre. On sortirait de l’air du soupçon permanent.

La justice est-elle indésirable ? En tout cas, il ne suffit pas qu’elle se déclare nécessaire mais qu’elle le démontre.

http://www.philippebilger.com/blog/2016/01/la-justice-est-elle-ind%C3%A9sirable-.html

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D’abord, la confusion du vocabulaire.

Reculer sur les libertés, ce serait capituler (L’Obs). C’est le contraire. Si le courage est de se laisser abattre dans la pureté des règles, vive la lâcheté républicaine.

Boire, consommer, se réunir, ce n’est pas lutter contre le terrorisme. C’est seulement continuer à faire ce qu’on a toujours fait et qui renvoie à une irrésistible pulsion de vie.

L’émotion collective, douloureuse et sincère, place de la République ou ailleurs, est un rituel qui rend hommage aux disparus mais qu’on ne nomme plus résistance ces rassemblements qui démontrent aux assassins islamistes comment ils ont massacré atrocement « juste » et épandent un coeur pluriel qui leur a fait défaut et qu’ils méprisent.

Mais il y a infiniment plus grave que ce télescopage entre la dignité et le combat, ce besoin français de se persuader qu’on mène la lutte au moment même où on s’efforce le moins mal possible de rester debout en acceptant de refaire de la quotidienneté un abri et une alliée.

Il n’a pas fallu une semaine pour passer de l’indignation absolue à l’égard de ces crimes organisés et multiples, ayant éparpillé les tragédies, et de la dénonciation totale de leurs auteurs, à autre chose.

Un état trouble, une sévérité moindre, une compréhension perverse, une complaisance souvent déguisée en expertise à l’égard des causes et des motivations, une volonté polémique de refuser au pouvoir socialiste une adhésion que sa découverte même tardive de la dangerosité du monde justifierait, une détestable focalisation sur le doigt irénique qui pourtant désigne la lune du terrorisme.

Il n’a pas fallu une semaine.

A Strasbourg, pour le World Democracy Forum, devant une assemblée internationale, au Conseil de l’Europe, je dois défendre les journalistes et rappeler cette évidence qu’il y a un journalisme pour les temps paisibles avec ses pudeurs, ses exigences et ses délicatesses et un autre en période de crise et que le nôtre n’a pas été indigne depuis le 13 novembre (Le Monde).

Il me revient aussi, au grand dam de la salle, de déclarer que perdre un peu de ma liberté pour la sécurité de tous, privilégier l’altruisme social au détriment de mes susceptibilités égoïstes ne me semble pas une insurmontable épreuve. C’est davantage un honneur qu’une contrainte et il n’est même pas nécessaire de souligner que « la sécurité est la première des libertés ».

Lors de l’émission spéciale d’Envoyé Spécial consacrée au 13 novembre et à ses suites (France 2), un rien, une tonalité plus molle, une objectivité dégradée, des commentaires équivoques – pourquoi prétendre, à toute force, qu’il ne peut y avoir des futurs terroristes dans les migrants ? -, aucune réaction face à des réponses scandaleuses – notamment celles du frère flouté d’un assassin parti en Syrie – ont fait clairement apparaître qu’on était presque revenu au climat émollient d’avant le 13 novembre.

BFMTV, dans un autre registre, a accompli sa mission avec honnêteté et rigueur en tenant compte du passé mais sur le terrain, que de journalistes médiocres qui, pour occuper l’antenne, mêlaient le bon grain à l’ivraie et confondaient l’information avec la répétition !

Je ne surestimais pas notre capacité à nous tenir sur une ligne de crête exigeante et éthiquement sans nuance ni contrition.

Mais tout de même qu’il n’ait même pas fallu une semaine pour cet infléchissement douteux est indécent.

Le rejet massif et inconditionnel des assassins s’est métamorphosé subtilement non pas encore en une justification – c’est trop tôt, sauf pour Daech, les compagnons de route, ces Français au coeur de notre société qui haïssent leurs concitoyens – mais en une surabondance d’explications, d’informations et de témoignages dont la seule finalité est en définitive de noyer la nudité intolérable et crue des monstruosités sous un tapis sociologique, historique et géopolitique. Des barbares qu’on ennoblit en en faisant la plupart du temps inutilement ou banalement un objet d’étude !

Bien sûr il y a, dans le souvenir du pire, des îlots, des accalmies.

J’ai éprouvé une joie mauvaise quand j’ai appris la mort d’Abaaoud à Saint-Denis, lui qui a certainement mis la main aux crimes puisqu’il s’est trouvé dans le métro à Montreuil, le 13 novembre, vers 22 heures 15. Le sentiment intense, profond d’une justice rendue, aussi singulière qu’elle a été, et d’une malfaisance ostensible – qu’on songe à ses vidéos – effacée.

L’extraordinaire travail et courage du Raid, de la BRI et des policiers « ordinaires » sans lesquels nous serions encore aujourd’hui en train de trembler. Je n’ai pas besoin de les accabler sous les hyperboles puisque, contrairement à d’autres, je n’ai pas cessé de les défendre durant quarante ans et que je ne suis pas obligé de tomber dans une surenchère ponctuelle. Etre d’ailleurs obligé de les défendre, quel scandale au quotidien, quel signe de délitement ! Je n’ai jamais fait partie, à leur détriment, des donneurs de leçons en chambre et et des audacieux de salon. Trop de respect pour eux tous.

L’appel solennel du CFCM dénonçant « l’idéologie de haine des criminels terroristes » lu dans 2400 mosquées (Le Figaro).

Il y a eu le 13 novembre. Il y a l’hôtel Radisson à Bamako, la prise d’otages avec tant de victimes et les deux assaillants tués.

La réalité est suffisamment anxiogène en elle-même sans que le Premier ministre, dont je comprends de plus en plus mal la communication, en rajoute en nous assombrissant avant l’heure le futur. Alors que la France se redresse et fait face avec une tranquillité inquiète mais vigilante et solidaire.

Pourquoi venir jeter, dans cet état d’esprit collectif qui se restaure, d’abord qu’il pourrait y avoir « dans plusieurs jours ou plusieurs semaines » de nouveaux attentats, ensuite que « des attaques chimiques sont à craindre », des propos véritablement explosifs comme si Manuel Valls n’avait pour souci que de transmettre aux Français sa propre angoisse ?

Il n’a pas fallu une semaine pour que le vent tourne un peu, pour que coule, dans certaines consciences, le poison du relativisme et que guette la nostalgie d’une démocratie dont la faiblesse la rendait aimable aux yeux d’une minorité influente.

Le pouvoir saura-t-il remplacer les larmes par les armes ?

Ma PhotoPhilippe Billger

http://www.philippebilger.com/

 

 

 

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VIDÉO. L’ancien magistrat commente les récentes déclarations du leader de la CGT qui a refusé une réforme des retraites complémentaires. Par

Publié le 23/10/2015 à 06:12 | Le Point.fr

VIDÉO. « Le Point » consacrait sa une de cette semaine au pape François, « exceptionnel et fédérateur », selon le magistrat honoraire Philippe Bilger.

Par

Publié le 13/10/2015 à 08:01 | Le Point.fr

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p bilgerLa justice selon François Hollande…

Il y a un mot que François Hollande a prononcé plus que celui de « jeunesse » durant sa campagne présidentielle : celui de justice. On l’a entendu dans tous les sens et appliqué à de multiples situations nationales et internationales. Ce devait être une constante de son futur quinquennat.

Force est de considérer qu’il s’est moqué de nous ou qu’on n’a rien compris.

Pour la justice, dans sa définition judiciaire, après avoir cru naïvement qu’elle le préoccupait, j’ai pu constater une heureuse indifférence de sa part à son égard. Il laisse faire et sans que j’y voie une relation de cause à effet, depuis quelques mois plusieurs personnes qui avaient été mises en cause durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, à commencer par celui-ci pour certaines affaires, se trouvent relaxées, bénéficient de non lieu ou s’apprêtent sans doute à en profiter comme Christine Lagarde à la désescalade pénale impressionnante.

Faut-il voir dans cette épidémie de mansuétude le triomphe de l’état de droit ou une forme d’intuition judiciaire qui anticipe dans deux ans l’échec de la gauche ?

Le président de la République, par ailleurs, est si peu soucieux de l’institution judiciaire que s’il la traite courtoisement, et ceux qui la servent, il maintient cependant contre vents et marées et déceptions un calamiteux garde des Sceaux, seulement sauvé parce qu’elle est le marqueur solitaire d’une gauche qu’on ne veut plus, et d’abord François Hollande.

Au-delà de ce désinvestissement qu’on ne déplore pas parce que Nicolas Sarkozy l’investissait trop, la justice, dans la société, dans la gestion des crises, les innombrables aléas et épreuves d’une vie collective, est clairement gangrenée par le « deux poids deux mesures ». On n’agit pas de la même manière avec tout le monde, on réprime ou on s’abstient, on encourage des manifestations ou on en brise d’autres. L’inégalité est la règle et la justice sur ce plan est à la tête du citoyen ou de son étiquette politique. Sous l’onction républicaine se cachent des choix et des préférences. Derrière le verbe démocratique, des parti pris et des indulgences. L’état de droit est dans un état partisan et manque de droit.

Sur le plan international, il convient de créditer François Hollande et son ministre de la Défense de la libération de nos otages, quelles qu’en aient été les modalités.

Mais que d’étranges sinuosités, contradictions et reniements !

On a joué les moralistes contre Saddam et Kadhafi, on les joue à l’encontre de Bachar el-Assad et de Poutine, on insulte Viktor Orban mais à la fois l’argent des Rafale n’a pas d’odeur et celui de l’Arabie saoudite non plus, qui va aider l’Egypte à payer les Mistral achetés à la France.

De quel poids éthique la France, aujourd’hui, peut-elle se prévaloir quand, pour les affaires et la rentabilité, elle pactise avec les monarchies conservatrices et ferme ses yeux sur ce qui pourrait déranger son commerce ?

Si l’Arabie saoudite, demain, décide de mettre fin à l’horreur et de ne pas décapiter et crucifier ce jeune opposant chiite de 21 ans, Ali Mohamed al-Nimr, parce qu’il avait manifesté contre le régime quand il était âgé de 17 ans, ce ne sera pas grâce à la France. Notre pays ne peut plus être entendu, ou alors en étant renvoyé à ses propres contradictions, avec une éthique hémiplégique, une conscience intermittente et un réalisme qui n’est plus une vertu quand il n’est plus inspiré par la moindre boussole idéale.

J’en ai vraiment assez de cette justice selon François Hollande. Qui choisit ses victimes et ses bourreaux. Qui oublie les unes, parfois, pour mieux pactiser avec les autres.

Ce n’est pas clair, pas net. Ce n’est même pas de la raison d’Etat. Celle-ci a encore sa logique.

Mais de la déraison et du cynisme d’Etat. On consolide nos positions en même temps qu’on détruit nos valeurs. La France, patrie des droits de certains hommes seulement.

S’il est décapité et crucifié, je parie que François Hollande présentera ses condoléances au roi d’Arabie saoudite.

photo_bilger_1ONPC : le dernier salon où l’on insulte…

Il faut y revenir, sans cesse et toujours.

Contre les dédaigneux de l’univers médiatique, souvent parce qu’ils n’y sont pas conviés, il convient de mettre l’accent sur les enseignements et les lumières que ce monde offre, pour le meilleur et le pire, sur notre société.

Commençons par une anecdote éclairante.

Il y a quelque temps par un tweet j’avais reproché à Pierre Ménès d’user trop volontiers de grossièretés, le dimanche, lors du Canal Football Club, alors qu’il pouvait évidemment s’en dispenser. Il m’avait vertement repris mais de tweet en tweet, il me semble que nous nous étions apaisés en nous accordant sur le fait que la liberté, la spontanéité et la sincérité se rapportaient au fond et n’exigeaient pas un dévoiement de la forme.

Ce débat microscopique ne l’est pas tant que cela si on veut bien s’attacher à ce que charrie l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché ».

Guy Bedos invité se permet, après avoir traité Nadine Morano de « conne » et de « salope » lors d’un spectacle, de l’insulter à nouveau en la qualifiant de « connasse ».

Yann Moix qui a remplacé Aymeric Caron, alors que Michel Onfray avait été sollicité par Laurent Ruquier mais avait refusé, s’autorise, parce que Patrick Devedjian est absent, l’injure « salaud » pour un propos dont celui-ci s’était déjà excusé.

Je pourrais citer d’autres vulgarités de ce type mais il m’importe de dénoncer l’air de supériorité avec lequel elles sont généralement assénées comme si elles relevaient du courage et de l’anticonformisme quand elles sont le contraire et révèlent une étrange perversion de la classe intellectuello-médiatique.

Il y a une dégradation par le bas en même temps qu’il y a une frilosité dans le haut. Plus la télévision s’enivre d’une chienlit qui ne choque plus personne mais suscite une adhésion indécente, plus la pensée vraie, vigoureuse, âpre, non consensuelle effarouche. Ce n’est pas sans lien. Etiqueter quelqu’un de « salaud  » évite d’avoir à questionner, dans la nuance et l’intelligence, ce qui a été proféré ou écrit. C’est la déplorable rançon d’une médiatisation qui répudie le complexe parce que le sommaire est son registre naturel, son confort de tous les instants.

Pourquoi Eric Zemmour, Eric Naulleau, Natacha Polony ou Audrey Pulvar, qu’on les approuve ou non, avaient-ils une classe, une allure qui leur étaient reconnues ? Parce que leur souci constant, en même temps qu’ils affichaient des points de vue contrastés, était, sur le service public et à ces heures de très grande écoute, de ne pas malmener une langue suffisamment ductile et inventive pour justifier, dans la courtoisie, les assauts les plus acerbes et les plus vigoureux.

Comment, après ce dérapage de Yann Moix sur Patrick Devedjian, s’étonner de l’empoignade entre Léa Salamé et lui-même avec Michel Onfray ?

Celui-ci, qu’on a attaqué stupidement, a réagi brillamment autant que les interruptions constantes de Yann Moix le lui ont permis. Il est clair qu’un procédé est de plus en plus cultivé qui fait du questionnement un réquisitoire mais interdit la plaidoirie.

Il est imputé à Michel Onfray d’intervenir partout, ce qui est un grief aberrant, puisque sa présence résulte des nombreuses sollicitations qui lui sont adressées même s’il en décline un certain nombre. En réalité, l’intolérable est qu’à chaque fois, par écrit ou par oral, il ne paie pas sa dîme au parisianisme convenu et à l’élitisme mondain et éditorial. Comme il serait porté aux nues s’il avait l’habileté, contre ses convictions et accordé à l’humus dominant, de célébrer BHL, d’idolâtrer France Inter ou de se priver d’analyser le réel au prétexte que la gauche authentique devrait lui interdire cette démarche dangereuse !

Alors que, pour France Inter notamment, il a dit ce qu’il fallait, qui était cinglant et quotidien ! En effet, une radio de service public se devrait d’être vraiment pluraliste alors qu’elle fait couler un flot unique où les bons sentiments, le corpus obligatoire et les visions hémiplégiques et biaisées torturent le réel !

Yann Moix se croit trop et Léa Salamé, qui s’acharne à imiter la musique et les paroles de gauche, aurait dû demeurer sur i-Télé où ses invités l’aidaient, alors qu’aujourd’hui, à la télévision comme à la radio, elle affronte seule des exercices où, pour la première, elle est écrasée et, sur le seconde, inspirée par une gravité banale dont je n’irais pas jusqu’à soutenir qu’elle me fait regretter Pascale Clark.

Pour sortir des miasmes de « salaud » et de « connasse » et des piètres répliques à Michel Onfray, je préfère terminer sur la belle définition du peuple que Yann Moix lui a demandée sur ton comminatoire mais qu’il n’a pas écoutée quand elle lui a été donnée.

Le peuple, c’est ceux sur lesquels le pouvoir s’exerce.

Sujet trop insignifiant pour ONPC !

Le dernier salon où l’on insulte…

Philippe Bilger

http://www.philippebilger.com/

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Fais ce que je dis, pas ce que je fais…

50 000 emplois publics non déclarés… et pendant ce temps-là, voilà comment l’Urssaf et les RSI perdent le sens de la mesure dans le contrôle des entreprises privéesAtlantico : Cité par plusieurs médias, le rapport des inspections générales des Finances, des Services judiciaires et des Affaires sociales estime que près de 50 000 personnes seraient des « collaborateurs occasionnels du service public » employés par différents ministères, dont « 40 500 pour le seul ministère de la Justice ». Certains crient même au travail au noir. Qu’en est-il ? Y a-t-il d’autres exemples de dérives de ce type par l’Etat français ?

Jean-Yves Archer : Les situations décrites dans les rapports que vous mentionnez sont assez stupéfiantes car elles parcourent presque tout l’arc possible du non-respect du droit du travail. Effectivement certaines personnes sont des vacataires que l’on dit démunies de fiches de paie et donc de cotisations sociales.

D’autres sont des contractuels quasi-permanents non régularisés à l’instar de ce qui se trouve encore trop fréquemment au sein du Ministère de l’Education nationale.

Clairement, le ministère de la Justice est en ligne de mire avec des dérives dont la cessation (« la remise d’équerre ») coûterait entre 26 à 45 millions d’euros. La bonne conduite a un coût et il est clair que l’Etat s’en affranchit assez allègrement au détriment des intéressés et des organismes sociaux.

Par-delà l’aspect juridique, il y a bien entendu une dimension politique qui fait dire au magistrat honoraire Philippe Bilger que « si Madame Taubira donnait moins de leçons, à la droite et à la gauche qui ne lui plait pas, avec une pompe et une enflure orales qui impressionnent de moins en moins, elle aurait eu sans doute plus de temps et aurait pu consacrer plus d’énergie à la mise en ordre de la place Vendôme ».

Dont acte, elle n’a guère été active sur ce dossier pas plus que ses prédécesseurs car il faut garder à l’esprit que ces dérives remontent aux années Perben, Dati, etc. et sont, selon les cas, effectivement qualifiables de travail dissimulé.

Read more at http://www.atlantico.fr/decryptage/50-000-emplois-publics-non-declares-et-pendant-temps-voila-comment-urssaf-et-rsi-perdent-sens-mesure-dans-controle-entreprises-2310486.html#x2SYxKZZrFfE4GU2.99

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Home FIGARO VOX Vox PolitiquePar Philippe Bilger

Mis à jour le 26/08/2015 à 15:14

FIGAROVOX/CHRONIQUE

Philippe Bilger analyse la crise familiale et politique au Front national. Il rappelle le goût de Jean-Marie Le Pen pour les affrontements partisans et les guerres internes.


Philippe Bilger est magistrat honoraire et président de l’Institut de la parole. Il est chroniqueur au FigaroVox. Vous pouvez aussi le lire sur son blog.


Comme citoyen, on a le droit de s’inquiéter de l’évolution de partis qui sont pourtant aux antipodes de ses convictions. Que ce soit pour LR, le PS ou le FN.

Pour ce dernier, je suis lassé de devoir sans cesse montrer patte démocratique pour que me soit concédée l’autorisation de me pencher sur lui trop vite qualifié depuis des années, par facilité et paresse, de non républicain.

Ce qui se déroule en son sein dorénavant et qui suscite une curiosité médiatique abusive était prévisible et aujourd’hui cette interrogation centrale vient à l’esprit. Marine Le Pen, la présidente du FN, pouvait-elle agir autrement? Aurait-elle dû continuer, par affection filiale et complaisance politique, à laisser son père consciencieusement détruire une «dédiabolisation» qu’il ne supportait pas puisqu’elle le constituait comme un diable et semblait donner raison à ses adversaires?

Je n’ose pas imaginer que Marine Le Pen ait été à ce point dénuée d’intuition psychologique qu’elle n’ait pas pressenti ce qui allait advenir avec son père mis inévitablement sur la touche, dépossédé doublement de son aura: d’abord parce qu’elle avait pris officiellement sa relève et surtout comme elle avait mieux réussi que lui.

Lire toute l’analyse de Philippe Bilger: http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/08/26/31001-20150826ARTFIG00165-philippe-bilger-jean-marie-le-pen-a-toujours-eu-la-passion-des-affrontements.php

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La promotion Voltaire est-elle inépuisable ?

Par Philippe BilgerMa Photo

Suis-je absolument naïf ou pourra-t-on un jour, malgré les déconvenues multipliées par la réalité, être présidé par une personnalité qui respectera les citoyens ?

On sait ce qu’il était advenu avec le quinquennat de Nicolas Sarkozy qui avait fait procéder à des nominations inspirées par l’amitié, la récompense ou le clientélisme le plus ostensible. Est-il besoin de rappeler que son emprise ne s’arrêtait pas là et que notamment sur le plan médiatique, il n’hésitait pas à conseiller des exclusions et des mises à l’écart – n’est-ce pas, Alain Genestar et Patrick Poivre d’Arvor ? – qui étaient concrétisées car les désirs d’un président de la République sont des ordres sauf résistances suicidaires.

On aurait pu espérer que de telles dérives susciteraient au moins une pratique présidentielle inverse. Ce n’était pas tant parce que François Hollande avait promis un retour à la normalité démocratique mais à cause de la constatation généralement partagée qu’une République ne pouvait pas durablement tenir avec des transgressions aussi cyniquement affichées et incarnées par rapport à son esprit.

François Hollande, il convient de tristement l’admettre, s’est moqué comme d’une guigne des engagements qu’il avait pris et comment ne pas considérer, face à la constance de ses trahisons, qu’il avait formulé ses propos de campagne comme autant de vœux qu’il savait pieux ?

Il y a des traumatismes encore plus graves certes mais il n’empêche qu’un écœurement saisit le citoyen, de droite bien sûr qui a oublié hier et de gauche, je l’espère, s’il a un peu de conscience, face à un aussi cynique et solidaire favoritisme. C’est une honte.

A lire « Les parasols dorés de la République exemplaire » (Le Canard enchaîné), on est effaré par l’exploitation jusqu’à plus soif de la promotion Voltaire comme s’il suffisait d’avoir été alors au côté de François Hollande, qui ignorait que ses ambitions seraient couronnées de succès, pour être touché par la grâce et miraculeusement investi d’une compétence universelle.

D’une certaine manière, ce favoritisme est pire que le précédent car purement relié au décret subjectif et arbitraire du président de la République considérant, au mépris de toute vraisemblance, que tous ceux qui l’avaient approché, écouté et admiré méritaient d’être promus à des postes de très haute responsabilité. C’est l’expression d’un narcissisme qui dépasse les bornes. L’État c’est moi, mes appétences, mon humeur !

A qui fera-t-on croire qu’il y avait dans cette promotion Voltaire une mine tellement riche et inépuisable qu’elle puisse être ainsi cultivée avec une désinvolture et un systématisme aussi accablants ?

Ce serait à mourir de rire si ce n’était pas démocratiquement à pleurer.

Encore ce clientélisme ne se limite-t-il pas à cette promotion bénie de François Hollande mais bénéficie au « Chiracopinage, aux Préfets à l’abri, aux Cabinets particuliers et aux Chics apparatchiks… » selon les dénominations acides choisies par cet hebdomadaire attendu chaque mercredi avec crainte ou espoir, c’est selon.

La dernière foucade mêlant magouille parlementaire et risque pour l’éthique publique concerne le député socialiste François Brottes à la tête du Réseau de transport d’électricité. Les protestations n’auront pas plus d’effet que d’habitude ! Si le fait du Prince pouvait être contredit, il perdrait tout son charme.

Pour montrer à quel point cet impérialisme du bon plaisir présidentiel est scandaleux, il suffit de le comparer avec certaines pratiques ministérielles qui ont tenté autant que possible d’introduire un peu de cohérence et d’objectivité dans leurs nominations. Je songe, par exemple, hier à Aurélie Filippetti et à Christiane Taubira qui sur ce plan au moins n’a pas été catastrophique.

Je ne sais si la promotion Voltaire est inépuisable. En revanche, l’exemplarité d’un pouvoir présidentiel en France est une exigence qui a de l’avenir, une idée neuve.

Elle est intacte : jusqu’à aujourd’hui, personne ne l’a altérée en tentant d’en imprégner la pâte du réel

source:http://www.philippebilger.com/blog/2015/08/la-promotion-voltaire-est-elle-in%C3%A9puisable-.html

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lire aussi

FRANCE (ENA): les privilégiés de la promotion Voltaire.

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PHBILG

L’ouvrage

Philippe Bilger a passé quarante ans dans la magistrature. Au cours de sa carrière, il a requis dans des affaires qui ont marqué la justice : il a notamment représenté l’accusation aux procès de François Besse, de Bob Denard, de Maxime Brunerie, d’Émile Louis, d’Hélène Castel ou du gang des barbares de Youssouf Fofana.

Sous la forme d’un abécédaire intime et original, cette éminente personnalité du monde judiciaire et de la société civile sort des sentiers battus de l’autobiographie et se raconte sans faux-semblants. Il revient sur sa jeunesse, ses convictions et ses engagements, ses failles et ses combats. D’Abandon à Twitter, de Charlie Hebdo à Michel Houellebecq, de Connard à Vanité, de Divorce à Religion, d’Hugo Lloris à Sarkozy, de Meryl Street à Sexe, il aborde les 105 entrées sans langue de bois, ose les sujets qui fâchent et prend position sur les grands débats de notre temps. Sa plume incisive n’épargne personne, à commencer par lui-même, et révèle un homme sensible, complexe et passionné.

Ce livre dévoile les lumières et les ombres du magistrat qu’il a été, du citoyen, de l’intellectuel, de l’homme qu’il est et qu’il aurait rêvé d’être.

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Le Point – Publié le 09/05/2015 à 10:45 – Modifié le 09/05/2015 à 16:55

L’ancien avocat général publie un abécédaire aux accents d’autoportrait. Il tord le cou aux fausses valeurs et au conformisme.

Par

Sa voix métallique et son phrasé un peu traînant ont rythmé quelques-uns des plus célèbres procès de ces dernières décennies. Lorsqu’il requérait contre François Besse, Bob Denard, Émile Louis ou le gang des barbares, Philippe Bilger, avocat général à la cour d’assises de Paris, ne faisait pas dans le sentiment. Ce n’était d’ailleurs pas ce qu’on lui demandait et cela tombait bien : « Je dois m’avouer que j’ai toujours été plus à l’aise avec l’esprit qu’avec le coeur », confesse-t-il page 49 de son abécédaire titré Ordre et désordres.

En une centaine d’entrées, il esquisse un autoportrait très éloigné du personnage que les prétoires et les médias nous brossaient. Bilger aime Brassens, la Callas, Onfray, Michel Platini, Rudolf Noureev, Jean-Jacques Goldman, Le Suicide français d’Éric Zemmour, Paul Valéry, Meryl Streep et Michel Houellebecq.

Galerie de portraits savoureuse

Au rang de ses aversions, Claire Chazal, risible et piètre intervieweuse : « On la devine empêtrée dans ses relations mondaines en amont dont elle n’arrive pas à se défaire lors des entretiens. » Plus loin : « Être mauvaise ne devrait jamais représenter un plus. Ce n’est pas un péché mortel, mais ça devrait au moins être une incitation à la discrétion. » Valérie Trierweiler, « à l’évidence, elle aurait préféré rester à l’Élysée, car elle se prenait pour plus qu’elle n’était : une sorte de président de la République. » Mais également Bernard-Henri Lévy : « Je ne l’ai jamais entendu défendre, avec son aura et son emprise, la liberté d’expression d’un adversaire. »

Sa galerie de portraits d’avocats est savoureuse. Éric Dupond-Moretti, « un panzer avec des finesses de dentellière », le « misérable » Francis Szpiner, Thierry Lévy, son « ami ». Tout fait farine à son moulin, les hommes, les femmes, la fidélité, le divorce, les travers de l’époque et les tutus de la société.

Philippe Bilger trempe sa plume dans l’encrier de la réflexion et de la raison. Ses phrases ne sont dictées ni par la dictature de l’émotion ni par la vague du conformisme. L’auteur ne cherche pas à plaire et c’est pour cela qu’il convainc…
Ordre et désordres de Philippe Bilger (Le Passeur Éditeur), 228 pages, 18 euros.

Philippe Bilger, avocat général à la cour d'assises de Paris, publie "Ordre et désordres".
Philippe Bilger, avocat général à la cour d’assises de Paris, publie « Ordre et désordres ». © MARTIN BUREAU / AFP

http://www.lepoint.fr/livres/philippe-bilger-passe-a-table-09-05-2015-1927320_37.php

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photo_bilger_1Philippe Bilger, magistrat honoraire, est affligé par les propos de Laurent Ruquier qui affirme regretter avoir donné la parole à Zemmour pendant cinq ans.

De 2006 à 2011, Eric Zemmour a fait, avec Eric Naulleau, le succès de l’émission ONPC animée chaque samedi soir par Laurent Ruquier.

Parce qu’il faut être clair. Ce n’est pas le bavardage profus et narcissique de ce dernier qui, durant ces cinq années, a maintenu devant l’écran de télévision des gens qui n’avaient pas l’habitude de la regarder ou de veiller aussi tard.

Ils attendaient la confrontation de l’invité avec Zemmour et Naulleau et, de fait, ils n’étaient jamais déçus.

Forts de leur intelligence, de leur culture, de leur complémentarité, voire de leurs contradictions, ces deux personnalités ont fait briller d’un vif éclat une émission qui, sans elles, n’aurait été que du vulgaire divertissement promotionnel.

Elles n’abusaient pas de la complaisance, tout en restant courtoises, et, de surcroît connaissaient les œuvres – livres, films et musique – sur lesquelles elles allaient questionner.

La décision de les faire partir a été mal comprise mais, le moment de grande déception passé, on n’avait pas d’autre choix que de se retirer tristement ou de comparer en souffrant.

Zemmour et Naulleau ont magnifiquement rebondi. Ils ont ajouté à leur présent le regret dont ils étaient honorés.

Eric Zemmour a publié un très grand livre: Le suicide français, qui est un triomphe de l’édition et a suscité un immense et passionnant débat.

Sa première prestation médiatique, en sa qualité d’auteur, a été pour Laurent Ruquier qui, d’ailleurs, s’en est félicité en jugeant naturelle cette priorité en raison de la durable collaboration de Zemmour avec ONPC.

Aussi, quelle stupéfaction d’entendre Laurent Ruquier, au cours de la soirée du 14 mars, «regretter» d’avoir permis à Zemmour d’exprimer ses idées durant cinq ans et ainsi d’avoir facilité la banalisation de celles-ci avec lesquelles, apparemment, il s’est découvert en désaccord très tardivement!

Cette contrition, de surcroît, a été formulée devant Aymeric Caron et Léa Salamé, comble d’inélégance.

Ainsi Laurent Ruquier a eu besoin de huit années pour se rendre compte du caractère prétendument dangereux et choquant des pensées et des questionnements de Zemmour.

Outre ce que cette appréciation révèle d’absurde – mais Laurent Ruquier est homme à s’accrocher au wagon du politiquement et socialement correct -, elle manifeste surtout le faible caractère de cet histrion autosatisfait qui, avec une lâcheté indécente et une lucidité d’autant plus assurée qu’elle est rétrospective, vient «cracher» sur Zemmour, après avoir bénéficié de son aura intellectuelle si remarquablement complice de celle de Naulleau sur un autre registre.

Je n’ai jamais aimé Laurent Ruquier, d’abord pour ce motif parfaitement dérisoire, je l’admets, mais agaçant: sa manière de rire, avant tous les autres, de ses propres plaisanteries pour imposer ses saillies comme il y a des décrets d’autorité.

Maintenant je sais que j’avais sans doute l’intuition, le pressentiment de transgressions plus graves, de petites saletés humaines. A l’égard d’Eric Zemmour, c’est précisément ce qu’il a accompli et qui a confirmé mon approche négative.

I Télé a rompu le contrat d’Eric Zemmour parce que celui-ci dominait trop son contradicteur et devenait maître d’un débat sur lequel cette chaîne voulait garder la main. Mais cette exclusion, aussi controversée qu’elle a été, n’a pas été hypocrite. Chaque partie peaufinera ses arguments devant le tribunal de commerce de Paris.

Laurent Ruquier a privilégié le coup de poignard dans le dos d’un absent, un acte franchement bas qui a dû beaucoup le faire s’esclaffer!

Je ne crois pas qu’Eric Zemmour sera étonné par cette ruade médiocre. L’opinion longuement mûrie et enfin proférée d’un Laurent Ruquier sur lui sera sans doute la moindre de ses préoccupations.

Parce que depuis son départ en 2011, il a sa vengeance avec Eric Naulleau. Assister, sur Paris Première, aux échanges passionnants, libres et pluralistes qu’ils animent en face de leurs invités – récemment, en face de Frank Riester et de François Kalfon: un régal – est la plus subtile des ripostes.

Laurent Ruquier peut bien honteusement se désolidariser d’un homme qui lui a apporté beaucoup. Quand il n’a plus rien à craindre et qu’il sera applaudi, avec sa bienséance sur le tard, par une camarilla médiatique prompte à détester qui la dépasse ou n’est pas assez du sérail.

Laurent Ruquier, avec ses obséquiosités rigolardes, avait bien besoin d’une contrepartie: regretter en 2015 la présence de Zemmour de 2006 à 2011!

Depuis quelque temps, il nous claironnait qu’il était de gauche. Son esprit apparemment n’est pas aussi vif qu’on le prétend: il s’est seulement rendu compte maintenant que Zemmour ne l’était pas.

ONPC va pouvoir poursuivre son train-train. Personne ne viendra plus troubler le «Ruquier correct».

source:http://www.lefigaro.fr/vox/medias/2015/03/16/31008-20150316ARTFIG00057-zemmour-onpc-la-charge-de-philippe-bilger-contre-laurent-ruquier.php

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Taubira face à Caron à «ONPC» : jamais on n’a autant regretté Zemmour, Naulleau et Polony !

FIGAROVOX/HUMEUR – La ministre de la justice, Christiane Taubira, était l’invitée d’On n’est pas couché, présentée par Laurent Ruquier. Philippe Bilger, magistrat honoraire, a regardé l’émission pour FigaroVox.
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Chaque semaine, Philippe Bilger prend la parole, en toute liberté, dans FigaroVox. Il est magistrat honoraire et président de l’Institut de la parole. Il est l’auteur de «Contre la justice laxiste», publié aux Éditions de l’Archipel (2014). Son dernier livre un roman judiciaire intitulé «72 heures» (Lajouanie) est disponible depuis le 4 décembre.

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L’émission du samedi soir, animée, plutôt absorbée par Laurent Ruquier, porte si mal son nom: On n’est pas couché!

Alors qu’il y a des moments où, au contraire, on se couche tout le temps.

J’ai été étonné quand j’ai lu que Christiane Taubira était l’invitée politique du 21 février parce qu’en général, elle s’est fait une spécialité non seulement de la rareté médiatique – en hommage personnel à son caractère précieux – mais de sa volonté, quand elle offre sa présence, d’échapper à toute véritable contradiction.

En l’occurrence je lui reconnais un grand mérite: elle avait compris ce qui l’attendrait.

Elle est venue, elle a parlé, elle a vaincu. Évidemment sans gloire mais avec la tranquille arrogance de qui domine par l’oralité et subjugue par l’incapacité où se trouve autrui de lui opposer la moindre réplique argumentée et compétente.

Le plateau était composé de telle manière, avec ce mélange vulgaire de promotion narcissique et corporatiste – la série Chefs étant vantée, la télévision se célébrant elle-même – et d’idéologie dominante et rigolarde, que la garde des Sceaux était assurée d’avoir des alliés et des admirateurs quasiment partout.

Philippe Torreton, dont la pureté revendiquée n’est pas contradictoire avec l’appétence médiatique, François Rollin dont on aurait pu espérer mieux, Aymeric Caron qui est demeuré dans sa ligne plus que favorable à Christiane Taubira et Léa Salamé qui en matière de justice ne pouvait faire qu’avec ce dont elle disposait. Plus Laurent Ruquier davantage préoccupé par ses bons mots réels ou prétendus que par l’instauration d’une contradiction authentique.

Univers exemplaire donc, si j’ose dire, incestueux par la connivence et la complaisance et gangrené par l’ignorance.

Quand on a la chance exceptionnelle d’avoir une Christiane Taubira en face de soi et qu’on maîtrise un peu la psychologie, on ne favorise pas avec enthousiasme et sans pudeur la double faiblesse de sa nature. D’une part la très haute opinion qu’elle a déjà d’elle-même – l’encens a été déversé avec profusion – et d’autre part sa propension à nous inonder de son verbe en nous faisant croire qu’il a été ou sera de l’action.

Difficile, il est vrai, de rompre le cours d’un monologue à peine troublé par quelques aimables et respectueuses interpellations cherchant à donner le change et à persuader les téléspectateurs que la ministre de la Justice était questionnée. Alors qu’elle n’était que courtisée.

On soutiendra que c’est la rançon de ce divertissement qui se pique de gravité et de pensée au cours d’une parenthèse de moins en moins crédible, plausible. Cela aurait été un miracle que la programmation publicitaire fasse apparaître un contradicteur de qualité sur le fond.

Je n’ai jamais plus regretté l’absence d’un Eric Zemmour, d’un Eric Naulleau, d’une Natacha Polony qu’au cours de cet entretien à la fois long et unilatéral. Rien ni personne n’ont entravé la marche irrésistible de Christiane Taubira vers l’adoration d’elle-même.

Avec une parole profuse, lyrique, emplie de généralités miséricordieuses et brillantes. Mais fuyant aisément la quotidienneté médiocre et dangereuse de sa politique pénale – on a été ravi d’apprendre qu’elle en avait une! – puisque sa logorrhée avait toute latitude pour échapper à la pauvreté dogmatique d’un bilan et au réquisitoire d’un peuple français oublié, méprisé dans ses peurs et ses attentes.

Je n’aurais pas accepté de demeurer ainsi devant un spectacle à la fois crispant et vide puisqu’il n’apprenait rien, ne prenait rien en compte de ce qui n’était pas lui dans son autarcie artificielle et, profondément, se moquait du citoyen. S’il ne s’était pas agi justement d’une exigence démocratique fondamentale: a-t-on le droit, pour se parer indûment des plumes de paon, de s’approprier une rigueur voulue par d’autres et des mesures dont on n’a pas approuvé la nécessaire sévérité?

Plus que jamais on est resté à la porte du débat qui aurait eu lieu d’être: sur l’état des prisons, sur la déplorable loi édictant non pas une contrainte mais une douceur pénale, sur le projet heureusement retardé visant à rendre encore plus molle et compassionnelle la justice des mineurs, sur l’abolition des rares dispositions à sauver du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Sur une philosophie doctrinaire et aveugle – le «marqueur de gauche» comme a dit François Hollande qui n’est pas dupe da sa tactique en l’occurrence cynique – aussi éloignée d’un état de droit ferme et honorable que Christiane Taubira d’un examen de conscience modeste et lucide sur elle-même.

A la longue, c’est une forme de nausée qui vous envahit. Cette manière honteuse dont le peuple français est exilé de son propre espace pour que lui soit substituée une communauté rêvée, fantasmée et arbitraire. La multitude dont Christiane Taubira a besoin. Des citoyens à éduquer et des transgresseurs à ménager.

Notre garde des Sceaux voudrait être une Antigone avec des mains. Mais c’est une Antigone habile et protégée au-delà de tout et ses mains n’ont pas saisi ni empoigné grand-chose.

Le comble est venu à la fin. Alors que tout s’était merveilleusement déroulé pour elle car rien de réel n’avait entravé l’enchantement d’elle-même et de sa singularité, on a donné le coup de grâce.

François Rollin, comme un cheveu sur cette pantalonnade, une digression sur cette catastrophe, a porté aux nues Christiane Taubira parce qu’elle avait fait un beau discours – «sans notes» – lors de l’enterrement de Tignous. Voilà qui était décisif pour la qualité technique et démocratique d’une ministre de la Justice qui précisément se sert de la parole pour se détourner de l’intolérable présent!

On devine comme Christiane Taubira a été ravie de cet hommage ultime et intempestif. Avec un sourire qu’elle sait rendre merveilleux, elle a charmé Rollin en lui promettant de l’embrasser «dans les coulisses».

Le pire, le scandaleux, c’est que, tout au long de cette époustouflante supercherie intellectuelle et politique, celui qui est resté désespéré dans les coulisses était condamné au silence.

Le peuple français. Le vrai. L’insupportable.

SOURCE: http://www.lefigaro.fr/vox/medias/2015/02/22/31008-20150222ARTFIG00056-taubira-face-a-caron-a-onpc-jamais-on-n-a-autant-regrette-zemmour-naulleau-et-polony.php

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Bilger-Croisic

Contre les démocraties gnangnan…

Il y a des crimes qui ne laissent plus le choix.

Il y a un devoir de dureté que la réalité impose.

Il y a une obligation d’abandonner les fausses querelles et les procès injustes pour se consacrer au seul combat qui doive mobiliser nos démocraties : l’affrontement avec un ennemi qui déteste leurs valeurs et qui est fanatisé par une certaine conception de l’islam et de très mauvais maîtres.

Les mille polémiques et controverses périphériques deviendraient indécentes si elles continuaient à nous détourner de l’essentiel qui est de parvenir à sauvegarder nos principes alors que d’autres ont pour visée exclusive de les détruire.

Paris hier et Copenhague aujourd’hui : c’est la continuation d’une guerre qui a ses méthodes, sa cohérence, sa logique, son rythme et qui va durablement confronter, par la violence et la mort, des démocraties longtemps trop molles à des adversaires persuadés d’avoir, avec le crime et la religion en poupe, le dessus.

Charlie Hebdo, Hyper Cacher, dix-sept assassinats, trois terroristes abattus.

Deux morts et cinq blessés à Copenhague, dans un Centre culturel où un débat avait lieu sur la liberté d’expression et l’islam en présence notamment de l’ambassadeur de France et d’un intellectuel ayant aussi caricaturé Mahomet puis devant une synagogue.

Selon la police danoise, la personne « d’apparence arabe » abattue, après avoir fait feu, serait responsable de ces deux méfaits, vers 15 heures puis minuit. Elle aurait agi par « mimétisme », s’inspirerait de l’Etat islamique et serait connue des services danois (lefigaro.fr).

Il est exclu que cet antagonisme cesse ou même fasse halte dans ses expressions les pires. Les signaux donnés sont clairs, sans équivoque aucune : on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. Contre la liberté d’expression, contre les Juifs, contre la police.

Contre cet équilibre à peu près respecté dans nos Républiques entre les idées, les croyances et les interdictions, entre les libertés intimes de croire ou de ne pas croire, les offenses admissibles, les dévoiements insupportables mais illustrant, même par le pire, notre aptitude à un masochisme honorable, entre les débats vigoureux et les transgressions pénales, entre nous, notre pluralisme, notre diversité, et le pouvoir comme une synthèse s’efforçant de n’être pas trop médiocre.

Contre l’indignation trop humaine ou la pitié. Depuis les assassinats de Paris, un très grand nombres de convertis à la religion musulmane ! (RTL)

Qu’on cesse, devant de tels terrifiants réquisitoires criminels, d’avoir une défense de mauvaise conscience, des plaidoiries humanistes vides de sens, plus préoccupées de démontrer notre intégrité morale et politique que notre efficience réactive et conquérante. Nous ne gagnerons jamais à force de vouloir conserver l’estime ou susciter la bienveillance des massacreurs qui, d’ailleurs, se moquent de ce qu’ils prennent à juste titre pour la chronique de notre mort annoncée et consentie.

Si l’on tient à tout prix à conceptualiser avant de disparaître, l’analyse la plus pertinente est celle de Fabrice Hadjadj qui énonce que « l’islamisme profite de la faiblesse d’une Europe techno-libérale qui a rejeté ses racines gréco-latines et ses ailes juive et chrétienne ».

Cela conduit à mettre au rancart beaucoup de discours et de propos convenus et de poncifs qui, les uns et les autres, ne sont de nature à convaincre que les déjà convaincus, un humanisme destiné aux humanistes, mais n’ont et n’auront pas la moindre incidence sur l’islamisme radical et criminel.

Par exemple, ces assassins n’ont rien à voir avec l’islam.

C’est faux car ils s’en revendiquent et Michel Onfray a lumineusement démontré qu’il y avait le meilleur et le pire dans le Coran. Par ailleurs, et à rebours, des citoyens danois font eux-mêmes un lien puisque certains dénoncent un manque de respect à l’égard des musulmans.

Par exemple, toutes les religions constituent un problème comme Gérald Darmanin l’a laissé entendre avec légèreté.

C’est faux car le christianisme et le judaïsme représentent un exemple et une solution plus qu’une difficulté et le second en l’occurrence est tragiquement ciblé depuis le début du mois de janvier. Dispensons-nous de cette neutralité de façade au profit du constat réaliste que le sang décrète : c’est l’islam qui, aujourd’hui, doit être seul interpellé !

Par exemple, attention aux amalgames et au choc des civilisations.

On n’en est plus là et le souci dominant est moins d’identifier quelques alliés dans le camp de l’ennemi que de vaincre ce dernier.

Les gloses, les commentaires, les vœux pieux, les avertissements, la semonce aux démocraties qui pourraient être tentées de dépasser les bornes – tout cela qui était appréciable dans un monde où l’espoir d’une réconciliation, d’une paix était envisageable ne l’est plus aujourd’hui où deux obsessions, en se nourrissant l’une de l’autre, en s’empoignant partout, vont sans cesse engendrer catastrophes, tragédies et morts en chaîne.

La première, démocratique, ne cédera jamais sur ses valeurs et en pleine connaissance de cause, puisqu’elle ne pourra plus feindre de supposer une seconde la tolérance de l’autre, maintiendra un processus d’absolue liberté et de banalisation du sacré aux effets prévisibles dans la tête d’illuminés étrangers à toute émotion si ce n’est celle de leur sacrifice et de leur martyr.

La seconde, perverse, réactive, avec l’extrême danger de solitudes armées et prêtes à tout, continuera, comme à Paris et à Copenhague, à rendre coup pour coup à une liberté honnie, à une banalisation insultante, à des États mécréants.

Qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est plus du conjoncturel qui nous menace mais du permanent. Nos dispositifs de sécurité ne vont pas se dissiper, une fois l’orage passé, car précisément il ne passera pas. Non seulement ils demeureront mais, pour que nos démocraties soient capables de se défendre et, surtout, de sauver leur être même, l’essence de ce qui les constitue irremplaçables, elles devront quitter toute mollesse, se durcir, accepter d’être qualifiées d’autoritaires pour le service de leur honorable cause, laisser les arguties stériles et ceux qui en raffolent au bord du chemin pour tirer toutes les conclusions de Paris et de Copenhague. La force d’un État, sa puissance, son absence de soumission ne seront plus une honte mais une fierté. Mais ce sera à plein temps.

Non, « ils n’ont pas osé recommencer » (Le Parisien). Le recommencement était inscrit dans Paris et, dans Copenhague, il y a déjà un autre sombre avenir.

Un combat de longue haleine. La mobilisation de tous. Et d’abord de ceux qui nous gouvernent.

Se dire Charlie Hebdo ou Danois ne suffit plus.

Gnangnan, nos démocraties seront une proie trop facile. Corsetées et armées, elles ne feront plus rire et on n’y tuera plus comme dans du beurre des journalistes, des juifs, des policiers, des citoyens.

Philippe Bilger

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Son dernier roman

bilTrois jours, c’est le temps que Frédéric Loriot va passer dans le box des accusés au cours de son procès. Trois jours pendant lesquels la cour d’assises va tenter de déterminer si, oui ou non, il a poussé sa maîtresse dans le vide du haut d’un immeuble. Les témoins se succèdent, les experts tergiversent, les avocats plaident… l’accusé observe, écoute, analyse… et raconte ce procès par le menu : il s’étonne de la désinvolture des jurés, dit sa défiance initiale vis-à-vis de son avocat, raille l’outrecuidance des experts, dénonce la froideur des magistrats… Rien ne lui échappe. Ces 72 heures de débat le mèneront-elles pour trente ans derrière les barreaux ? C’est tout le talent et l’art de Philippe Bilger que d’entretenir le suspense jusqu’à la dernière ligne de ce passionnant roman judiciaire.

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Bilger-CroisicPhilippe Bilger est venu passer un week-end au Croisic à l’invitation de son ami Jacques Bruneau, maire adjoint du Croisic en charge de la culture et ancien avocat général près la Cour d’appel de Paris. Philippe Bilger est réputé pour son indépendance d’esprit et il l’a une nouvelle fois démontré en refusant de s’associer à la grande marche du 11 janvier dernier. Dans l’entretien exclusif qu’il nous a accordé, il évoque évidemment l’actualité et il nous parle de son dernier livre, « 72 heures », qu’il présente comme un roman judiciaire où il se met dans la peau d’un accusé.

Extraits de l’entretien diffusé sur Kernews lundi 19 Janvier 2015.

Kernews : Vous aviez commencé à vous faire connaître en évoquant des sujets liés à la justice. Progressivement, on vous a entendu vous exprimer sur la politique, puis sur la culture… Or, on constate que tout est finalement lié à la justice ou la politique… 

Philippe Bilger : Jusqu’au mois d’octobre 2011, en tant que magistrat, j’étais soumis à une obligation de réserve et, même en la réduisant au maximum, j’étais tenu de la respecter. À partir de mon départ de la magistrature, j’ai pu en effet aborder tous les thèmes politiques, culturels et sociétaux, qui me passionnent. J’avais déjà commencé à les aborder en qualité de magistrat car le quinquennat de Nicolas Sarkozy permettait de traiter de la justice et de la politique, évidemment…

Vous êtes venu au Croisic à la demande de votre ami Jacques Bruneau pour animer une réunion publique sur le thème « Faut-il avoir confiance en la justice ? » Il y a toujours cette fameuse phrase, très politiquement correcte : « J’ai confiance en la justice de mon pays… »

D’abord, cette réunion avec les Croisicais a été un grand bonheur, un honneur même, parce que j’ai trouvé une salle absolument formidable par la qualité de son écoute et la pertinence de ses interrogations. En effet, à partir du moment où l’affirmation de confiance en la justice est quelque chose de purement formel, comme c’est trop souvent le cas de la part de la classe politique, parce qu’elle-même est très ignorante de la réalité judiciaire, cela ne vaut pas grand-chose. En réalité, si l’on veut bien se pencher sur la justice pénale dans sa quotidienneté, j’ose dire, en tant qu’ancien avocat général, que l’on doit avoir confiance dans la justice et il est grave, de la part du citoyen de base, d’avoir une sorte de populisme hostile et, de la part des élites, de mettre en œuvre un populisme élitiste qui est très dangereux. C’est aujourd’hui dévastateur pour la confiance qui doit être donnée à la justice. Bien sûr, cela dépend en grande partie des magistrats, mais c’est la collusion entre ces deux populismes qui attaquent la justice par le bas et par le haut.

Mais la justice n’est-elle pas en train de prendre le virage des politiques ? Les politiques ne réagissent plus à froid, ils réagissent dans l’instantanéité de l’événement, avec des phrases fortes destinées à tourner en boucle sur les chaînes d’information continue. En matière de justice, on peut avoir parfois le sentiment qu’elle réagit aussi en fonction de la pression médiatique. Par exemple, récemment des jeunes un peu bêtes ont tenu des propos maladroits, cela méritait une fessée ou une leçon d’éducation civique, mais cela s’est traduit par des peines de prison ferme… Donc, on observe bien cette influence du climat…

Je ne suis pas totalement d’accord avec vous. Bien sûr, il y a un climat terrible depuis le 7 janvier. Au fond, la circulaire qui vient réclamer aux procureurs une sévérité pour ces transgressions, je ne la trouve pas en elle-même scandaleuse, même si je regrette que le pouvoir politique, comme vous le dites très bien, soit trop sensible à l’émoi de l’opinion publique. J’aurais souhaité surtout, au fond, que cette circulaire qui réclame rigueur et sévérité de la part des procureurs, de manière très conjoncturelle, ait été appliquée depuis le mois de mai 2012 à l’ensemble des transgressions délictuelles et criminelles, qui sont en augmentation et qui angoissent notre société. Ce n’est pas la rigueur d’aujourd’hui qui me fait peur : c’est le fait que tout à coup, on la demande uniquement pour ces tragédies et ces assassinats et qu’en réalité la délinquance et la criminalité ordinaires, qui agitent et bouleversent nos concitoyens, elles, n’ont jamais fait l’objet d’une telle exigence de rigueur. Je dirais même l’inverse de la part de ce calamiteux Garde des Sceaux !

Vous avez travaillé il y a quelque temps sur le procès de Robert Brasillach. Cela montre aussi que la justice subit une pression qui peut la faire sortir de ce que l’on pourrait penser être la justice…

J’espère que les magistrats, et je n’en doute pas une seconde, ne se laisseront pas dominer par une sorte d’indignation plus publique que juridique. C’est là qu’il me semble qu’aujourd’hui on peut davantage avoir confiance dans la justice qu’à l’époque terrible que j’évoque, où la peine de mort existait, où Brasillach a été fusillé dans les conditions que vous savez. Il me semble qu’il y a tout de même de la part de ce pouvoir politique, depuis le mois de mai 2012, un respect, au moins démocratique, du corps judiciaire. Malgré le déplorable et dévastateur « Mur des cons », j’espère que l’on saura faire la part des choses dans les jugements et les réquisitions, parce qu’il n’y a rien de pire, en dépit de circonstances exceptionnelles et tragiques, que la justice pour l’exemple.

Lorsque l’on parle de la justice, on a souvent une image de dureté : justice, justicier, sévérité, méchanceté… Mais quand on lit vos billets, on constate que vous êtes finalement un amoureux de la liberté…

En effet, la justice pour l’exemple est une catastrophe parce qu’elle appréhende une globalité, alors que la véritable justice est celle qui prend le singulier dans toute sa richesse pour éventuellement l’insérer dans un pluriel social. Mais la justice n’est pas le fait de méchants. La justice n’est pas le fait de gens qui, sadiquement, voudraient sanctionner et envoyer en prison. La justice est faite tout simplement d’êtres, de magistrats professionnels et exemplaires, qui veulent équilibrer, sanctionner, apaiser, consoler ou incarcérer quand c’est nécessaire. Je cite souvent cette phrase de Simenon pour le commissaire Maigret : « J’ai toujours rêvé que mes collègues soient aujourd’hui des raccommodeurs des destinées humaines ». Cela n’exclut pas la sévérité, mais cela conjugue la sévérité avec l’humanité : c’est cela le grand magistrat.

Notre pays a vécu un moment de solidarité nationale très fort, avec des manifestations dans toute la France, mais on s’aperçoit maintenant que les gens ne sont pas allés protester pour les mêmes raisons : ils étaient ensemble, mais pas véritablement ensemble… On observe aussi que le message lancé par la France, au nom de cette liberté que nous défendons, est parfois maladroit avec des conséquences comme des églises brûlées ou l’embarras du Roi de Jordanie, venu manifester contre la barbarie et qui, quelques jours plus tard, se retrouve gêné par la publication de nouvelles caricatures du prophète…

J’ai été autant, voire plus que d’autres, choqué par les assassinats, tous les assassinats, du 7 au 9 janvier. Je n’ai pas de leçons à recevoir sur le plan de la liberté d’expression parce que celle de Charlie Hebdo m’apparaissait orientée et ciblée, alors que pour ma part, très modestement, j’ai défendu la liberté d’expression depuis quarante ans, pour tout le monde et pour toutes les causes, notamment celle des gens qui ne m’aimaient pas. Donc, je ne voyais pas de raison fondamentale à participer à cette fusion républicaine du 11 janvier, qui a eu une ampleur exceptionnelle et dont je reconnais qu’elle semble être suivie d’effets opératoires. En effet, vous évoquez le fait que la liberté d’expression, dans notre pays, doit être considérée comme une exigence fondamentale, notamment à l’égard des idées, mais je serais plus réservé en ce qui concerne les croyances. Je suis très attentif au fait que, même s’il y a la loi et les interdictions qu’elle formule, il me semble que, demain, il faudra peut-être que les porteurs emblématiques de notre liberté d’expression s’interrogent parfois eux-mêmes sur les limites à ne pas dépasser. Je ne dis pas qu’ils doivent le faire, je ne dis pas qu’il est nécessaire qu’ils s’autocensurent en permanence, mais je crois qu’il n’y a pas que la loi pour entraver. Il faut parfois que la conscience des conséquences dévastatrices de ce que l’on accomplit librement imprègne certains esprits.

72 HeuresVous venez de publier « 72 heures » : c’est la première fois que vous écrivez un roman…

Absolument. C’est un roman judiciaire, j’insiste beaucoup là-dessus, parce que tout naturellement on a tendance à l’insérer dans la rubrique policière. C’est un roman judiciaire parce que j’ose dire, sans aucune prétention, qu’il n’y en a pas beaucoup en France, alors qu’aux États-Unis certains romanciers sont très spécialisés dans le roman judiciaire. Bien sûr, je ne me mets pas au même niveau de ces romanciers… Le terreau de ces 72 heures, c’est la Cour d’assises, avec ses rites, sa fraternité, ses drames, sa vie collective… J’ai eu le bonheur un peu pervers de réaliser quelque chose que parfois j’ai été tenté d’être : être l’accusé, alors qu’en principe je me suis plutôt dressé contre eux pendant plus de vingt ans. Le terreau est la Cour d’assises, mais j’ai tenté d’y mettre un certain nombre d’éléments, avec notamment une fin surprenante… Il m’a toujours semblé que les romans gagnaient à s’insérer dans un cadre technique indiscutable pour y mettre une histoire surprenante, riche, émotive, intelligente si possible, avec des portraits à clés…

Justement, à la fin, vous utilisez certains mots, il y a une scène un peu chaude… Tout cela ne vous ressemble guère…

Si, cela me ressemble… Je vais publier en avril un livre intitulé « Ordre et désordres ». Cela me ressemble absolument, mais il est évident que dans ma pratique judiciaire, je ne pouvais pas mettre sans arrêt au jour les contrastes de ma propre nature. Je développe dans ce roman quelque chose qui a été une grande passion intellectuelle : c’est comprendre autrui et l’obscurité de ces chemins. Je vois bien à quelle scène vous faites allusion, mais probablement elle rejoint un goût profond que j’ai pour les extrémités et les intensités. J’ai moi-même eu la chance de les vivre en étant à la Cour d’assises, qui a été beaucoup moins pour moi un métier qu’une continuation de vie qui aime l’extrémité et l’intensité. Le roman permet d’écrire des choses que la quotidienneté judiciaire et même mon statut d’aujourd’hui ne me permettent pas forcément de dire. Dans les débats médiatiques, il n’est pas fondamental de savoir ce qui réside dans l’obscurité de mon être et le roman permet de dire cela à partir d’éléments autobiographiques, à partir de portraits à clés ou à partir d’une tentative de narrer la vie fabuleuse, fraternelle ou tragique d’une Cour d’assises.

Avec ce roman, on devine que vous vous êtes souvent mis à la place et dans la peau des accusés que vous aviez en face de vous…

Je me suis toujours mis dans la peau de l’accusé pour le comprendre. Cela aboutissait la plupart du temps à des peines qui, j’espère, étaient équilibrées, mais qui pouvaient être extrêmes. Le roman judiciaire répond à quelque chose qui, souvent, est arrivé dans ma tête comme une frustration. Je me disais, en écoutant l’accusé et en voyant le président : « Si j’étais accusé, je n’aimerais pas être dans une Cour d’assises présidée par cette personnalité-là…» J’ai pu me consoler de cette frustration en écrivant ce livre où je me mets à la place de l’accusé. Le gros problème de la justice, vous l’évoquiez tout à l’heure, on connaît le poncif, c’est à la fois une institution et une vertu mais, même quand elle est une institution, il est fondamental que nous ayons des magistrats à la hauteur de cette fabuleuse institution qui doit susciter de l’orgueil et non pas de la vanité, ce qui est une différence radicale.

Ce roman judiciaire, c’est un film idéal !

J’en rêverais parce que, fondamentalement, dans les grands films, je crois beaucoup à la règle des trois unités. Les Américains sont des maîtres dans ce domaine.

Avant de venir au Croisic, vous ne connaissiez pas ce petit port de pêche breton…

C’est un délice, un charme fou auquel s’ajoute une amitié chaleureuse et infiniment généreuse.

Bilger-et-Bruneau

Philippe Bilger est venu passer un week-end au Croisic à l’invitation de son ami Jacques Bruneau, maire adjoint du Croisic en charge de la culture et ancien avocat général près la Cour d’appel de Paris.

source: http://www.kernews.com/philippe-bilger-il-faut-parfois-que-la-conscience-des-consequences-devastatrices-de-ce-que-lon-accomplit-librement-impregne-certains-esprits/1223/

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Le Point – Publié le 02/02/2015 à 17:18

VIDÉO. Invité d’Audrey Crespo-Mara sur LCI, le magistrat honoraire donne son avis tranché sur le procès du Carlton de Lille et sur le rôle tenu par DSK.

Le procès pour proxénétisme, où l'ex-directeur du FMI comparaît aux côtés de 13 autres prévenus, a commencé lundi à Lille.
Le procès pour proxénétisme, où l’ex-directeur du FMI comparaît aux côtés de 13 autres prévenus, a commencé lundi à Lille. © AFP PHOTO / MARTIN BUREAU
Propos recueillis par

Audrey Crespo-Mara : DSK est aujourd’hui renvoyé devant le tribunal correctionnel de Lille pour « proxénétisme aggravé en réunion ». À votre avis, ressortira-t-il blanchi ?

Philippe Bilger : Je ne sais pas. On se trouve face à une contradiction qui est très rare dans les procédures importantes : le parquet a requis un non-lieu et les juges d’instruction ont décidé de renvoyer pour « proxénétisme aggravé ». Donc, on aura une audience un peu étrange où le Ministère public ne soutiendra pas l’accusation, mais la relaxe, et de l’autre côté on aura des parties civiles qui viendront dire qu’il est coupable. Tout cela va donner des audiences passionnantes, très contradictoires, intenses sûrement…

Est-ce le procès d’un proxénétisme mondain ? L’enjeu est de savoir s’il existait un réseau de prostitution organisé autour de DSK…

Oui et ce qui est certain, c’est que la procédure engagée contre lui et d’autres n’est ni légère ni farfelue ! Il ne s’agit pas des bonnes copines invitées, comme le dit l’avocat Dupont-Moretti. Mais par ailleurs, on ne sait pas si le proxénétisme aggravé, reproché à Strauss-Kahn, est établi. Reste que c’est assez sérieux, car les deux éléments du proxénétisme lui sont reprochés : d’une part d’avoir aidé au proxénétisme, de l’avoir organisé, de l’avoir facilité, et d’autre part (et cela est plus discutable), d’en avoir bénéficié puisque les prostituées – à supposer qu’il l’ait su – lui ont offert leurs services gratuitement, donc implicitement il a eu un gain.

Compte tenu de ce que vous connaissez du dossier, DSK est-il un client ou un proxénète ?

REGARDEZ – La réponse de Philippe Bilger :

DSK est-il, selon vous, libertin ou proxénète ? Les parties civiles soutiennent que les scènes étaient tellement hard, violentes, des scènes « d’abattage », que DSK ne pouvait ignorer que ces femmes étaient des professionnelles…

On se demande si on est dans le domaine du libertinage avec ce pluralisme organisé, ces ébats qui semblent tout de même caractérisés… Avec la mise à disposition par Dominique Strauss-Kahn d’un appartement, ce qui constitue un des éléments du premier terme du proxénétisme. Donc, pour le moins, il y a un doute sérieux. Est-ce qu’il loue l’appartement en sachant que des prostituées vont y venir pour le faire bénéficier gratuitement de leurs charmes ?

Mais, l’une des femmes témoigne : « On avait pour ordre de ne pas lui dire qu’on était des prostituées ! »

Bien sûr, mais j’ai du mal à considérer que lorsqu’il y a une sorte de massification du sexe tarifé, on peut dire que c’est du libertinage. Mais, peut-être que c’est le réactionnaire amoureux qui parle !

Me Dupont-Moretti a déclaré : « Je pense qu’on veut se faire DSK ! Pour comprendre cette instruction, il faut quitter le domaine du droit ! »

Je ne crois pas, je ne crois pas… Je n’irai pas jusqu’à soutenir que par exemple le point de vue du parquet général qui requiert le non-lieu est uniquement fondé sur le droit, il y a parfois des opportunités politiques non méprisables. Mais, il me semble qu’au contraire on va avoir droit à une contradiction bienfaisante, pour une fois, un débat franc authentique !

Pour près de huit Français sur dix, DSK serait meilleur président que François Hollande (sondage Odoxa pour Le Parisien – Aujourd’hui en France). Donc, si l’on suit ce sondage, tout le monde est perdant dans l’histoire, Strauss-Kahn et les Français…

Oui, c’est très intéressant de voir le point de vue des Français ! Ils le jugent immoral, mais ils pensent qu’il aurait été un meilleur président que François Hollande qui doit être plus humilié par cela que par le fait que Manuel Valls le déborde dans les sondages. Mais, ce que les Français oublient un peu, c’est que l’immoralité d’un être n’est pas sans incidence sur la pratique politique – c’est mon point de vue.

Vous avez rencontré DSK et vous avez écrit sur sa personnalité complexe. DSK a une dimension romanesque et tragique. C’est un vrai personnage de roman…

Oui, j’ai été frappé lorsque je l’ai rencontré lors d’un dîner et ensuite en examinant bien, en tant qu’avocat général passionné par la psychologie, ses ressorts fondamentaux. Il y a l’homme officiel, l’homme de devoir, de compétence, l’homme sérieux, l’homme qui cherche à faire croire qu’il maîtrise toutes les responsabilités. Et derrière, de manière complètement déconnectée du premier, l’homme de plaisir, victime de son appétence des plaisirs. Et c’est fascinant de le voir… Quand il était au FMI, il savait à la fois être le meilleur dans la conférence et, en même temps, organiser à la perfection la bureaucratie de ses plaisirs, dans l’heure qui suivait.

source:http://www.lepoint.fr/societe/philippe-bilger-dsk-est-plus-proxenete-que-client-02-02-2015-1901735_23.php

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Ma PhotoIl est clair que la classe politique française a gagné en Grèce, à voir et à entendre ses réactions quasi unanimes à l’annonce de la victoire de Syriza et de son leader Alexis Tsipras. Celui-ci va devenir le plus jeune Premier ministre de ce pays depuis un siècle.

Avec, à deux députés près, la majorité absolue. Syriza aura les mains libres et les coudées franches (Le Monde, Le Figaro) Mais pour quoi faire avec un gouvernement déjà constitué avec une rapidité impressionnante ?

L’enthousiasme français révèle dans quelle déliquescence l’Europe est tombée. Comme si n’importe quel bouleversement, même aux antipodes du classicisme des choix et de la politique soumise peu ou prou à l’étau franco-allemand, suscitait l’adhésion, tant l’espoir a déserté et la morosité gagné. L’important est que cela bouge, on verra après le sens de ce mouvement.

Pourtant, pour Syriza et son responsable, plus les élections se rapprochaient, plus de l’eau était mise dans le vin, plus le réalisme de la responsabilité et des limites prenait le pas sur l’exaltation initiale du programme, plus la conscience du pluriel l’emportait sur la rafraîchissante ferveur du singulier.

Que le Front de gauche et le FN saluent la victoire de Syriza, en dépit de leur antagonisme idéologique, est tout à fait explicable : Alexis Tsipras est celui qui a proclamé qu’il allait desserrer le nœud coulant de l’austérité. Sa volonté, son succès vont évidemment bénéficier à ceux pour qui l’alternative existe et qui rêvent d’opposer à Bruxelles le bonheur des peuples et l’élan de la croissance.

Mais pour tous les autres partis, quel étonnement de les sentir presque heureux de ce triomphe grec comme si les électeurs avaient exprimé, là-bas, tout haut ce que nos politiciens, droite et gauche confondues, pensaient tout bas et n’avaient pas osé dire.

Cette étrange satisfaction montre à quel point les discours officiels sont du vent. François Hollande n’étant nullement parvenu à infléchir le collectif européen vers l’exigence prioritaire de la croissance, le pouvoir, paradoxalement, va s’appuyer sur ce séisme grec qui défie en apparence sa vision orthodoxe et austère de l’Europe. Le président de la République accueille avec bonheur un loup dans la bergerie.

Je songe au peuple grec qui a subi et va continuer à subir des épreuves qui tiennent à la fois, de son fait, au laxisme de la gestion des finances publiques et à l’immoralité civique de beaucoup mais aussi au sadisme européen ayant puni avant d’aider. On a donné les conseils après le fouet. Il aurait fallu faire l’inverse.

On ne peut pas, même obscurément, aspirer à ce que Syriza perde son pari qui est de tout changer mais en ne reniant pas les fondamentaux européens. La Grèce est nécessaire à l’Europe. Son passé, son histoire sont une lumière qui nous a éblouis.

Son avenir dépend maintenant de Syriza.

Le stupéfiant consensus qui a salué sa victoire va-t-il, pour les instances européennes, déboucher sur une compréhension opératoire ?

Il faut que tout change, en effet, pour que l’essentiel soit sauvé : la grandeur, la pureté du rêve européen.

http://www.philippebilger.com/

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Des progrès mais peut mieux faire !

Que l’union nationale ait volé en éclats était prévisible car on n’imaginait pas que l’UMP, avec son président, puisse demeurer durablement coincée entre un FN critique et un pouvoir revigoré (Le Monde).

Ce qui est choquant en revanche est la dénonciation que Nicolas Sarkozy a cru devoir faire de la décapante et lucide observation du Premier ministre sur la situation dans certains quartiers : un apartheid territorial, social et ethnique. NKM avait la première engagé l’UMP sur cette critique purement politicienne et que le FN, par la voix de Florian Philippot, ait lui aussi fustigé cette description forte et infiniment réaliste laisse pantois.

Faut-il donc absolument détester ce que l’on a toujours pensé mais qui est exploité par l’adversaire ? On a suffisamment reproché à la gauche de ne jamais avoir le courage de nommer ce qui gangrenait le réel ici ou là et on irait intenter un procès à Manuel Valls parce qu’il a placé avec vigueur, sans fard ni fausse prudence, des mots sur ces zones de non droit, précisément parce qu’elles sont à la fois protégées et dégradées par les exceptions territoriale, sociale et ethnique qu’elles constituent. Pourquoi pas leur mise sous tutelle de l’Etat, comme Malek Boutih l’a avancé ?

Attaques d’autant plus injustes et spécieuses contre le Premier Ministre que ce dernier, avec son verbe clair et net, n’a fait que reprendre, de manière éclatante, ce que le maire d’Evry et le candidat à la primaire socialiste n’avaient cessé de mettre en évidence en affichant leurs craintes pour la République et son unité.

Manuel Valls n’a pas eu tort de répliquer à cette joute partisane, menée par une UMP impatiente d’en découdre parce que son président a des fourmis dans l’opposition, en regrettant ce manque de hauteur.

Est-ce à dire que le plan annoncé par le Premier ministre, qui augmente et renforce les moyens matériels et humains des forces de l’ordre, est parfait et que, pour l’école, le discours du président de la République représente véritablement le changement de cap espéré ?

Bien sûr que non. Mais, en même temps, compte tenu des limites et des contraintes d’aujourd’hui, du délitement quotidiennement constaté et de ce qu’exigeait la série terroriste récente, il me semble qu’en vertu d’une sorte de « fair play » démocratique, on doit donner acte au pouvoir que pour une fois il ne s’est pas contenté de nommer le mal mais qu’il a formulé des propositions pour entraver son développement à défaut de l’éradiquer.

Le président de la République ne peut pas être contesté quand, se préoccupant de la faillite de l’autorité dans le milieu scolaire, il considère comme prioritaire la restauration de celle-ci avec ce qu’elle implique : que l’élève ne soit plus le maître et que tout manquement de sa part, et de ses parents, soit relevé et sanctionné (Le Parisien).

Reste qu’à nouveau la déception s’attache à l’hémiplégie régalienne du gouvernement qui consacre sa vigilance à la police mais se désintéresse de la justice en feignant de ne pas comprendre que, sans révision de la politique pénale, notamment sur le plan de la cohérence et de la sévérité des sanctions et de leur exécution, rien de décisif ni d’opératoire ne pourra vraiment être accompli.

Il est absurde d’imaginer que l’attelage formé par une police efficiente et une justice défaillante puisse donner autre chose qu’un résultat désastreux.

Comment qualifier autrement que de calamiteux, d’une offense grave au bon sens, ce décret « qui aligne le régime des réductions de peine des multirécidivistes sur celui des non-récidivistes » ? Ainsi nous avons un garde des Sceaux qui ne cesse de proclamer sa volonté de lutter contre la récidive – en désignant la prison comme principale coupable, ce qui est aberrant – mais délie les récidivistes de la charge d’avoir à subir une peine évidemment plus rigoureuse que celle appliquée aux primo-délinquants!

Alors même que les dix-sept assassinats du 7 au 9 janvier ont prouvé, une fois de plus, que les « apprentis djihadistes se recrutent d’abord chez les délinquants multirécidivistes » (Le Figaro). Comprenne qui pourra !

Pour montrer à quel point il ne suffit pas de prévoir des avancées que les événements récents justifient, mais aussi de les imposer à une idéologie qui les refuse, évoquons l’idée que Manuel Valls a formulée et qui se rapporterait au sein de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) à la création, à titre préventif, d’une unité de veille et d’information. Rien qui heurte le moindre principe !

Cependant, immédiatement, un éducateur et syndicaliste monte au créneau et se permet de persévérer dans un registre trop entendu : « On confond notre rôle et celui de la police. Aujourd’hui déjà, si on sent une dérive chez un môme, on fait une note au juge… »(Libération). Il est clair que la PJJ ne sera jamais satisfaite de ce qui préserve la société et qu’en généralisant, les ambitions pénales de Christiane Taubira sont aux antipodes du volontarisme sincère d’un Premier ministre que le citoyen se réjouit, après ces désastres mortels, de retrouver dans ces dispositions.

Un débat de bonne tenue, toutefois, doit continuer à envisager, comme possibilités symboliquement dégradantes, l’indignité nationale, la déchéance de nationalité pour les binationaux et peut-être, plus profondément, même si cela dépend du président de la République, une remise en question de nos orientations internationales comme le suggère François Fillon ( Le Monde).

Pour terminer sur une note moins sombre, peut-être de ce pragmatisme qui dans l’urgence – heureusement sans loi nouvelle – cherche à rendre plus redoutable et redouté notre combat contre le terrorisme, le pouvoir va-t-il induire l’obligation, pour lui, de réduire aussi la délinquance et la criminalité ordinaires qui augmentent, si j’ose dire, dans l’anonymat ?

L’arbre raffermi contre le terrorisme – le procureur de la République Molins a dit ce qu’il fallait en penser avec la sévérité requise dans les condamnations et leur exécution – pourra, je l’espère, être le premier d’une forêt hostile, avec la même constance et rigueur, aux crimes et aux délits du quotidien.

S’il faut évaluer la copie du pouvoir, je dirais : des progrès mais peut, doit mieux faire !

Philippe Bilger

http://www.philippebilger.com/blog/2015/01/des-progr%C3%A8s-mais-peut-mieux-faire-.html

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Un mauvais citoyen ?

Suis-je un citoyen indigne parce que je n’irai pas demain « marcher contre la terreur », pour écrire comme Le Monde, ou « me lever contre le terrorisme », selon l’exhortation du président de la République ?

Je pourrais déjà tenter de m’absoudre en soulignant que cette immense émotion, depuis le 7 janvier, et qui culminera le 11 va constituer, sur un mode pervers, la victoire odieuse de criminels qui ont atteint leur but puisque l’ampleur de l’indignation était évidemment espérée par ces sanguinaires de l’intégrisme. Notre pays certes solidaire a ainsi, aussi, manifesté la gravité des blessures qui lui ont été causées.

En ce sens, il est clair que cette « marche républicaine » va être purement symbolique, quoique multiforme, puisqu’elle ne va rigoureusement pas avoir le moindre effet sur les menaces, les attentats, les représailles et les tragédies à venir et qu’elle n’est destinée, dans une sorte de béatitude collective satisfaite d’elle-même, qu’à persuader la nation que durant quelques jours elle aura été à peu près unie et qu’elle résiste.

J’entends bien que cette argumentation peut apparaître mesquine en refusant à la communauté nationale le droit de se faire du bien parce qu’elle se rassemble autour de l’abjecte malfaisance contre Charlie Hebdo, la policière abattue à Montrouge, les quatre otages, qu’on n’évoque pas assez, supprimés dans l’épicerie casher.

Avec des assassins que nos forces de police exemplaires ne pouvaient que blesser mortellement puisque leur rêve était de mourir en « martyrs » et que probablement ils le sont devenus pour des émules, des admirateurs, leurs inspirateurs, si on se fonde même seulement sur les innombrables messages téléphoniques de haine adressés à divers commissariats dans la soirée du 9.

J’ose soutenir, si cette compétition n’était pas indécente et absurde, avoir éprouvé autant de révolte, de peine et de besoin de justice que quiconque devant ces actes répétés innommables. Ces sentiments ne conduisent pas forcément à la fusion de dimanche.

Mais y aurait-il une obligation à la fois morale et civique qui contraindrait « l’honnête homme » à se rendre dans ce défilé dominical qui va mêler tant de publics hétérogènes, tant de pensées contradictoires, pour ne pas dire incompatibles, tant d’attitudes conventionnelles, tant d’hypocrisies à tant d’illusions ?

Cette union nationale qui ne pointe son visage emblématique qu’après les désastres et pour si peu de temps.

Malgré le comportement apparemment irréprochable de nos gouvernants, le soupçon de l’instrumentalisation politique d’une terrifiante et multiple douleur qui aurait pu demeurer sincère avec plus de discrétion et un Etat moins omniprésent.

Dans cette « marche contre la terreur », combien sont profondément épris de la liberté d’expression sous toutes ses latitudes, et pas seulement de celle de Charlie Hebdo ? Combien, au contraire, ne se sont souvenus de cette dernière qu’après les massacres, défenseurs opportunistes sur lesquels le dessinateur Willem et Charlie Hebdo « vomissent » ?

Pour se lever contre le terrorisme au sein d’une multitude, encore faut-il être assuré que l’humanisme n’est pas hémiplégique et que pour d’autres causes jugées moins nobles, moins « porteuses », on ne moquerait pas notre exigence de sécurité au nom d’une idéologie discutable et compassionnelle ?

Combien, dans cette masse, pourront dire, en conscience, comme Patrick Modiano a su magnifiquement l’exprimer dans son seul commentaire sur ces crimes, qu’ils rejettent toute violence ?

Que signifie ce consensus factice, cette concorde superficielle qui prétendent, au prétexte que nous aurions le cœur sec en nous abstenant, faire oublier, sans y parvenir, les déchirements, les fractures, les divisions profondes de la France ?

Le verbe, la résistance de proclamation et défiler seraient-ils essentiels alors que, se recueillant sur le passé si proche encore, ils n’auront pas la moindre incidence sur le futur ?

Est-il honteux de proférer que plutôt que de concevoir cette phénoménale marche internationale, avec un incroyable risque d’insécurité, il n’aurait pas mieux valu, modestement, efficacement, appréhender l’avenir pour convaincre le citoyen que non seulement il ne doit pas avoir peur mais que notre état de droit rendra, autant que faire se peut, inconcevable cette angoisse parce que notre démocratie sera mieux armée, saura mieux suivre et contrôler, sera moins laxiste et libérera moins vite ?

Pour l’analyse et les enseignements, les destinées des trois assassins abattus auraient dû être prioritaires, plus qu’une grande messe républicaine sans conséquence opératoire.

Et ce, d’autant plus qu’on sait maintenant que dans le courant de l’année 2014 la DGSI a arrêté toute prise en charge de ces dangereux personnages pourtant déjà signalés, sur le plan national comme au niveau local (lefigaro.fr).

Et lundi, on fera quoi ?

Non, décidément, je ne crois pas être un mauvais citoyen parce que je vais m’abstenir demain.

http://www.philippebilger.com/

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Du dogmatisme à la naïveté : un itinéraire judiciaire de gauche

La loi sur la contrainte pénale a placé, au cœur de la démocratie, un dispositif calamiteux et inutile.

Pour prétendument prévenir la récidive des majeurs et lutter contre une surpopulation carcérale qu’on a déplorée sans tenter de la réduire par des moyens qui n’auraient pas mis la société en danger.

Maintenant il s’agit, pour le pouvoir et Christiane Taubira, de se pencher – le risque est pour ce sur quoi ils se penchent ! – sur la délinquance des mineurs et des adolescents.

Le dogmatisme d’hier, avec la volonté d’imposer au peuple ce qu’il ne veut pas parce qu’il le sent, le sait désaccordé à ses attentes et à ses besoins, est remplacé aujourd’hui par une naïveté partisane. On récusait que notre monde fût sombre. On s’obstine à le concevoir rose.

La garde des Sceaux a tellement favorisé des consultations sectaires et hémiplégiques – ce qui était à droite et peu enthousiaste d’une vision à la fois compassionnelle et rigide étant écarté sans ménagement – qu’on est obligé de prendre pour un acquis ce qui devrait être une démarche normale en République : le projet de réforme va être soumis, du 5 au 13 janvier, aux syndicats et autres organisations concernés par le sujet et il n’y aura pas moins de vingt-quatre rendez-vous à cette fin.

J’espère, sans trop y croire, que l’Institut pour la justice qui a le tort, pour la place Vendôme, de ne parler qu’au nom des victimes ne sera pas à nouveau oublié (Le Figaro).

Par ailleurs, si c’est un point secondaire, il convient tout de même de saluer la création d’un « dossier unique de personnalité ».

Il aurait fallu aller plus loin et veiller, sur le fond, également pour les majeurs, à simplifier celui-ci en évitant les doublons et les approches superfétatoires. Il s’agit en effet, souvent, moins d’une pluralité intéressante de regards et d’analyses que d’une évaluation surabondante, enflée et dont la tonalité est faite d’apports quasiment identiques.

Ce double aspect positif admis, l’essentiel est marqué par ce qui demeure le vice fondamental de cette gauche persévérant dans l’erreur.

Elle défait ce qu’il aurait fallu maintenir.

Les tribunaux correctionnels pour les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans, créés en 2011, étaient une excellente initiative de Nicolas Sarkozy et le fait que les magistrats ne l’aient pas approuvée ne la rendait pas pour autant moins nécessaire. Une circulaire de 2013 avait déjà mis fin à cette pratique et cette nouvelle juridiction va officiellement disparaître. L’idéologie sera assouvie et l’insécurité tranquillisée.

Elle invente une césure pénale qui va dissocier culpabilité et sanction.

Il paraît que des psychologues de l’enfance – on en trouve toujours au service de la cause qu’on décrète légitime – ont validé un tel processus qui semble pourtant battu en brèche par l’expérience et accessoirement par le bon sens.

En effet, ce que la transgression commise par un adolescent exige est, au contraire, une décision la plus rapide possible, qu’elle le condamne ou l’exonère. Rien de pire pour ces jeunes personnalités que l’attente, l’atermoiement, le retard, même apparemment pour d’excellents motifs. Ce que l’adulte confronté à l’autorité judiciaire perçoit déjà imparfaitement, pourquoi voudrait-on que le mineur, par miracle, l’appréhendât autrement ?

Si ce délai de six mois pouvant être prorogé de six mois sera rarement mis à profit par l’adolescent déclaré coupable, dans la majorité des cas, en revanche, ce délai aura une tonalité d’indulgence, un parfum d’atténuation anticipée et pour tout dire la déclaration de culpabilité risquera de lui apparaître comme une mesure purement symbolique puisqu’elle ne sera pas accompagnée sur-le-champ par la traduction concrète de cette dernière.

C’est mal mesurer la nature de ces mineurs au demeurant déjà singuliers, car impliqués dans une délinquance légère ou grave, que de leur octroyer un laps de temps considérable pour réfléchir et démontrer quand ils auront tendance à l’exploiter sinon pour le pire, du moins pour n’en rien faire.

Sous ces erreurs aussi bien psychologiques que techniques, se dissimule l’obsession de contrarier les évidences et de prétendre à toute force leur substituer un irénisme qui n’est ni conforme à l’évolution de la minorité depuis 1945 ni favorable à la sauvegarde de la société.

Il y avait consensus, pourtant, sur le fait que l’ordonnance de 1945, si on décidait de la modifier pour en faire « un Code de la justice pénale des enfants et des adolescents » – comme ce pouvoir adore les sigles solennels qui lui donnent l’impression d’avoir amélioré le réel ! – ne pouvait pas l’être dans un sens qui amplifierait l’éducatif au détriment du répressif. Pour le moins, il convenait de donner toute sa part à celui-ci ou, au mieux, de l’accroître.

Le projet de réforme s’applique à l’inverse en vertu d’une tendance dévastatrice qui, du dogmatisme à la naïveté, est fondée sur le même terreau : occulter ce qui crève les yeux et l’esprit, nier ce que le quotidien fait subir, plaquer sur une réalité éprouvante des concepts inadaptés, se donner bonne conscience en traitant ces « enfants et adolescents » comme si rien ne les distinguait de tous les autres.

Le premier trimestre 2015 était prévu pour l’examen de ce projet mais le calendrier parlementaire ne le permettra pas.

Il est triste de devoir compter, pour la sécurité et la justice, plus sur les embarras législatifs que sur la lucidité de nos gouvernants.

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Ma PhotoOn ne va pas passer notre temps à analyser le comportement de celui qui a tenté de tuer des policiers au nom d’Allah, comme à Joué-lès-Tours, ou qui a fauché délibérément onze piétons, en criant Allah akbar, comme à Dijon (Le Parisien).

Interview réalisé le 5 décembre 2013
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Eric Zemmour, soumis aux questions de Philippe Bilger.

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Ils ne tendent plus l’autre joue !

Il y aura toujours du soufre autour d’Eric Zemmour et de Robert Ménard.

Je n’ai pas envie, une nouvelle fois, de monter au créneau, moins en leur faveur que pour la défense de la liberté d’expression.

Ce qui m’importe plutôt est de tenter d’analyser ce qui, à leur encontre, suscite une hostilité quasi systématique.

Robert Ménard, maire de Béziers, décide de rebaptiser la rue du 19-mars-1962 rue du Commandant Hélie-Denoix-de-Saint-Marc. Si les pieds-noirs applaudissent, son initiative suscite les foudres de la gauche. Et sa volonté de mettre à l’honneur toutes les religions bouscule les tenants d’une laïcité étriquée, incapable d’ouverture !

Eric Zemmour, qui a écrit un livre beaucoup vendu mais très peu lu (seulement 7% de ses acheteurs le connaissent dans sa totalité), a donné une interview au journaliste italien Stefan Montefiori du Corriere della Sera, sur l’immigration, l’islam et les musulmans.

Elle a fait scandale parce que Jean-Luc Mélenchon, dont on peut apprécier chaque jour la modération!, a pourfendu « la déportation » que Zemmour aurait évoquée dans cet entretien.

Et tout le monde a suivi, trop heureux de cette aubaine renouvelée de s’en prendre à l’auteur du Suicide français.

Stefan Montefiori, d’une honnêteté rare dont beaucoup de ses confrères français devraient s’inspirer, a assumé la responsabilité du terme « déportation », conséquence d’une malencontreuse synthèse de sa part (Figaro Vox).

Le livre d’Eric Zemmour non seulement est d’autant plus vilipendé que nous sommes très peu nombreux à l’avoir lu intégralement mais que, par ailleurs, il s’agit d’un ouvrage long, dense, difficile, complexe, à la fois engagé et documenté. Tout sauf l’essai rapide et désinvolte d’un journaliste pressé !

Est-il d’ailleurs encore un membre de cette profession alors qu’à l’évidence, son statut d’aujourd’hui renvoie plus à celui d’un essayiste et polémiste passionné par l’Histoire, mêlant le temps long et le temps court, préoccupé par son pays et stimulé par les controverses ?

Les journalistes de RTL s’indignent après ses propos sur les musulmans. Leur protestation collective s’inscrit dans un combat et une opposition légitimes. Ils ont le droit de ne pas apprécier les propos d’Eric Zemmour qu’ils continuent à juger prioritairement comme un confrère.

En revanche, quand Bruno Le Roux prône un boycott médiatique pour interdire à Eric Zemmour de s’exprimer, en feignant d’oublier qu’il n’a pas prononcé le mot « déportation », on n’est plus dans le même registre. Mais dans une chasse à l’homme, au citoyen ! Un étouffement pour dissidence !

Considérant Ménard et Zemmour, il me semble que plusieurs raisons expliquent l’antagonisme répétitif dont ils font l’objet. Je n’écris pas : dont ils sont victimes, parce qu’il est inévitable que la liberté qu’on s’octroie ait une rançon.

D’abord, il est clair que, plus que leurs œuvres, leur personnalité déplaît, est même détestée par certains. J’ai l’impression de retrouver ce que j’avais éprouvé dans le monde judiciaire qui avait envie de me « faire payer » mon être plus que mon comportement professionnel.

Ils auront beau dire et faire, Zemmour et Ménard n’ont pas des caractères qui en feront les « chouchous » des intellectuels bienséants et des médias convenables. « Grandes gueules » mais pas seulement : le pire est qu’on ne peut pas les taxer de bêtise.

Plus profondément, ils ont pris des initiatives et des positions qui n’ont pas eu besoin, pour exister, de l’aval de leurs adversaires. Quoi qu’on pense des unes et des autres. Ils ne sont pas restés immobiles, l’esprit au pied et l’énergie en berne, en attendant tranquillement d’être massacrés par tous les registres du « correct » qui évidemment est prédéfini et sanctifié même s’il ne vaut rien.

Ils ont pris les devants et, de cette manière, mis fin à un défaitisme de la pensée conservatrice ou réactionnaire, en livres ou en actes, parce qu’elle acceptait trop volontiers la mainmise sur elle d’une chape idéologique que par ailleurs elle dénonçait. La lutte a changé d’âme.

Au fond, l’insupportable, chez ces deux bretteurs, tient paradoxalement à leur similitude, mais à rebours, avec les processus de la gauche.

Ce n’est plus elle qui débaptise, c’est Ménard.

Ce n’est plus elle qui appréhende globalement notre société et en démontre les lignes de force, les variations et les ruptures depuis tant d’années, c’est Zemmour.

Ce n’est plus le socialisme ou l’idéologie éructante et vindicative d’un Mélenchon qui donnent le la mais des pensées et des personnalités qui seront d’autant plus honnies par quelques-uns qu’elles sont agréées par une majorité du peuple.

Pour résumer, Ménard et Zemmour nous offrent cette nouveauté bouleversante qui devrait être exploitée à outrance : ils ne tendent plus l’autre joue.

Ma Photo

 

 

 

 

 

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A chacun son Jihad !

Entre les monstruosités et les crimes ordinaires, si on peut les qualifier tels, il y a un point commun en amont : jamais, de la part de ceux qui ont connu leurs auteurs avant, la moindre réserve, le plus petit bémol. Non, les assassins étaient serviables, gentils, on n’aurait jamais pu soupçonner que le pire surviendrait.

En effet, le crime n’imprime pas sa marque sur les visages, comme pour nous prévenir. Il surgit à la suite de circonstances qui laissent croire à celui qui l’accomplit qu’il n’avait pas d’autre choix. Ou pour des motifs obscurs et délirants quand il aboutit aux massacres ignominieux de Daesh. Alors, on ne dissimule plus ce qu’on est, ce qu’on fait, parce qu’on n’en a pas honte et qu’on espère que cette transparence attirera, convaincra, mobilisera. Que le visage de la terreur sera contagieux.

On a beaucoup évoqué le parcours de Maxime Hauchard et Mickaël Dos Santos, qui ont rejoint Daesh en Syrie et participé, sûrement pour l’un d’eux, aux décapitations de prisonniers syriens et de l’otage américain (Le Figaro, Le Parisien).

Le message d’adieu de Dos Santos à sa mère au cours de l’été 2013 donne évidemment une idée de ce qui l’animait : « Convertis-toi à l’Islam, maman, et tu auras le bonheur ».

On peut sans doute considérer que cette attitude est révélatrice de la démarche de quelques-uns de ces jeunes gens s’étant convertis à l’Islam, souvent par réaction – 80% des familles concernées seraient athées et de classe moyenne ou aisée (Le Monde) – et désireux de quitter une France trop tiède pour eux et sans espoir.

Il me semble que ce sentiment de vacance, cette attente, cette intuition d’avoir un vide à combler, une mission à accomplir, cette incertitude sur demain et sur son sort sont propres à un âge – 15, 16, 17 ans – où dans l’ambiguïté on cherche, on se cherche un chemin. Il n’est pas besoin, face à un tel désir équivoque avant qu’il identifie sa voie, de s’étonner, tant il y a là quelque chose de général.

La quête d’un destin à la hauteur de ses exigences relève de la banalité honorable de jeunes existences qui, la plupart du temps, découvriront l’ancrage qui leur convient et le futur qui les justifiera. A chacun son rêve de Jihad en quelque sorte !

Ce qui est singulier et déplorable à cause des horreurs collectives qui vont suivre tient au choix non pas évidemment de l’islam en tant que tel – j’ai besoin de continuer à croire que cette religion est fidèle à elle-même aussi dans la paix et la modération – mais de sa forme extrême, la plus sanglante, la plus radicale. Comme si cette foi n’avait été adoptée qu’à cause de son intégrisme sans limite et des débordements meurtriers qu’elle semble légitimer.

Quel besoin auraient donc eu Hauchard et Dos Santos, si l’islam seul avait conquis leur coeur et leur tête, de passer de cette croyance même cultivée dans l’exaltation à cette barbarie ? Si ce glissement a été si vite effectué qu’en réalité chez eux il est apparu instantané, c’est que la passion de tuer, l’obsession de faire mal, le sadisme, les tortures et la provocation suprême qu’est l’assassinat perpétré de sang-froid au nom d’une prétendue bonne cause, se sont trouvés au coeur de ces humains singuliers. Ils ont choisi ce type de destin parce qu’il impliquait la destruction des autres, les mécréants, les ennemis.

On peut soutenir qu’une conception perverse de l’islam a engendré ces monstruosités mais aussi que celles-ci ont pu d’autant mieux être accomplies que la religion semblait les cautionner. Est-ce elle la coupable, ou le jeune homme qui portait en lui des dispositions pour la radicalité à l’encontre d’un monde trop mou, trop tolérant, trop consensuel ?

J’incline à concevoir ces folies meurtrières comme la possibilité donnée à certains esprits malades de commettre le pire, avec l’assurance absurde que leur action est nécessaire puisque pour eux, de la mort surgit le Bien. C’est se donner le droit de tuer impunément en plaidant sa totale innocence, sa parfaite éthique, la pureté de son âme. Le comble de l’hypocrisie ou le paroxysme du délire.

C’est une différence essentielle avec les cours d’assises où les accusés, avouant ou non, ne mettent pas en question le caractère gravement transgressif des agissements qui leur sont imputés. Même un Maxime Brunerie ayant tenté d’assassiner Jacques Chirac pour mettre de l’éclat dans sa vie, de la célébrité dans sa grisaille et être promu au rang de personnage historique n’avait absolument rien de comparable avec ces fous d’eux-mêmes plus que d’un Mahomet dévoyé par leur aveuglement et leur bêtise. Son narcissisme était modeste et national quand leur démence est internationale, politique et sauvage.

Impossible de faire l’économie du point de départ qui est l’être lui-même, sa résolution et ses choix. C’est d’abord là que réside le mal et que le remède devrait s’appliquer.

Ma Photo

Philippe Bilger

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Larmes à gauche

Si Le Canard enchaîné et Mediapart n’existaient pas, il faudrait les inventer.

On sait ce que je pense du formidable apport, pour la démocratie, la vérité et la justice, du site créé par Edwy Plenel.

Toutes proportions gardées, je le considère comme beaucoup ont lu et admiré les romans de Balzac. Le talent et le génie de celui-ci étaient plus forts que le bric-à-brac fumeux dont il prétendait s’inspirer. Mediapart, pour l’enquête et l’investigation, réunit bien au-delà de l’idéologie de Plenel.

Si on peut regretter un point de vue parfois hémiplégique – par exemple, ce qui importe, ce ne sont jamais les blessures et les violences dont gendarmes et policiers sont victimes mais les seules atteintes causées à des manifestants forcément irréprochables ! -, reste que je n’ose imaginer ce que serait devenue notre République, toutes latitudes politiques confondues, sans l’action obstinée et efficace de ce journalisme qui n’a pour ambition que de laisser rapidement le judiciaire prendre sa relève.

Il est honteux de prétendre que Mediapart a été condamné pour fraude fiscale avec la connotation dégradante qui s’attache à cette qualification alors que personne n’ignore qu’il s’est agi d’un débat de principe ouvert et transparent sur l’application du même taux de TVA que celui de la presse aux sites d’information, conclu par une victoire de l’Etat. Une anticipation honorablement provocatrice. Rien d’indigne donc.

Longtemps, tout en lisant chaque mercredi Le Canard enchaîné, j’ai éprouvé comme une sensation d’insignifiance et d’impudeur, comme si l’on me permettait de regarder par le trou de la serrure des scènes sans réelle portée ni incidence.

Je ne le pense plus du tout aujourd’hui parce que si cet hebdomadaire demeure avec esprit l’espace privilégié pour les anecdotes et les saillies politiques, culturelles et médiatiques, il serait absurde de ne pas admettre que cette part qu’il assume et incarne avec une verve souvent sarcastique et pertinente est constitutive d’une appréhension plus vaste de l’univers et des personnalités publiques.

Il est clair que dorénavant les grandes idées ne sont pas exclusives des petits gestes et que les petites phrases ne jurent pas forcément avec les grands desseins. La personne privée et l’être politique, l’officiel des propos et l’officieux des confidences ne sont plus séparés par un gouffre et éclairent, à leur manière, le citoyen, le lecteur.

Aussi, il est étrangement voluptueux de lire que des ministres se laissent aller à déclarer, au sujet de l’affaire Jouyet : « C’est un coup supplémentaire porté au système hollandais…Tout ça a un côté Pieds Nickelés…On ne sait pas sur quoi ça peut déboucher…Il va rester de toute cette affaire un pouvoir un peu plus déstabilisé… », avec ce résumé cinglant par l’un d’eux : « Pour la plupart d’entre nous, Jouyet est un irresponsable, Hollande un rigolo, Sarkozy un truand, et les journalistes (du Monde) des dingues » et, pour tel autre, cette charge : « Le résumé de la situation est simple : il y a un traître à l’UMP, Fillon ; des amateurs, les socialos ; un branquignol, Hollande ; et un Sarko aux anges ».

Le reste qui serait trop long à citer nous annonce tout de même, de la part d’un pessimiste clairvoyant : « Si l’élection présidentielle avait lieu aujourd’hui, Marine Le Pen serait à 30%. Tout cela va mal finir ».

Pourquoi ai-je évoqué une « étrange volupté » ? Parce que percevoir, derrière la façade des mots creux et de la langue de bois, des soutiens et des apologies mécaniques, de la part d’un camp – en l’occurrence celui de la gauche -, une lucidité amère, une cruauté d’autant plus acide qu’elle accable d’abord ce à quoi on a cru et ceux qu’on a surestimés, représente un plaisir intellectuel pour un citoyen qui place au-dessus de tout sincérité et vérité, le contraire donc de l’attitude présidentielle à l’égard du démenti démenti de Jean-Pierre Jouyet et de l’entêtement à le maintenir à son poste comme si de rien n’était.

Je sais bien que ces aperçus dévastateurs ne seront jamais confirmés publiquement mais cela fait du bien de pouvoir considérer qu’il y a une entente des intelligences, des analyses et des dérisions sous le velours lassant et conventionnel des cocoricos partisans, des affrontements de comédie.

Sous la guerre affichée, le consensus obligatoire qu’impose, dans une discrétion prudente, l’attention au réel. Le caractère univoque du désastre. Il y a des connivences qui dament le pion, en profondeur, aux proclamations. Pourquoi l’officieux, en politique, n’ose-t-il jamais venir à la surface pour enrichir l’officiel et lui donner sens et authenticité ?

Le Canard enchaîné, dont sa longue histoire, démontre qu’il a été très rarement poursuivi et encore moins condamné, en offrant ces phrases à notre réflexion civique participe, sur son registre qui n’est pas mince, à l’émergence décapante d’un sentiment de plus en plus vif, de plus en plus inquiétant : un désabusement partout et de la part de tous.

Que la lucidité soit aussi à gauche ne console pas de ce sombre tableau. On va vers le pire mais, progrès, on le sait de plus en plus et de mieux en mieux.

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Philippe Bilger

http://www.philippebilger.com/blog/2014/11/la-lucidit%C3%A9-est-aussi-%C3%A0-gauche.html

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Antoine Gosset-Grainville, le 3e homme du déjeuner Fillon/Jouyet.Antoine Gosset-Grainville, le 3e homme du déjeuner Fillon/Jouyet. Photo : MIGUEL MEDINA / AFP

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Une histoire de flous !

Dans quelle nasse François Fillon s’est-il encore mis ?

Il a annoncé à l’AFP son intention de porter plainte pour diffamation à l’encontre du Monde et des deux journalistes Davet et Lhomme mais il ne devrait pas oublier, si la procédure est en effet initiée et suit son cours, que le procès de presse est souvent dévastateur aussi pour la partie civile.

François Fillon affirme par ailleurs qu’il faut cesser « les boules puantes » et qu’il y a peut-être eu une volonté de déstabiliser un membre de l’opposition, « une forme de complot » (JDD).

Il s’expliquera ce soir 9 novembre sur TF1. Il ne reste à espérer que Claire Chazal, médiocre et placide intervieweuse à l’ordinaire, ait miraculeusement un état de grâce !

Pour qui cherche à considérer objectivement ce qu’il est convenu d’appeler maintenant l’affaire Fillon-Jouyet, un certain nombre de données sont incontestables.

Gérard Davet et Fabrice Lhomme qui décidément, avec leur dernier livre au demeurant tout à fait passionnant, font beaucoup parler d’eux ces derniers jours, ont rencontré le 20 septembre Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Elysée, et leur entretien a été enregistré avec son assentiment. Nous en avons quasiment un verbatim dans Le Monde paru le 8 novembre.

Jean-Pierre Jouyet leur révèle à cette occasion que François Fillon, qu’il connaît bien et apprécie pour avoir été son Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes du mois de mai 2007 au mois de décembre 2008, a déjeuné avec lui et Antoine Gosset-Grainville dans un restaurant proche de l’Elysée le 24 juin 2014. Jouyet avait informé le président de la République de ce contact et François Hollande lui avait recommandé de faire ce repas ailleurs qu’à l’Elysée.

Au cours de ce déjeuner, François Fillon aurait vivement insisté auprès de Jouyet pour que soient poussés au maximum les feux judiciaires contre Nicolas Sarkozy, en particulier à la suite du paiement par l’UMP – un abus de confiance selon l’ancien Premier ministre – de l’amende personnelle infligée à Nicolas Sarkozy par le Conseil constitutionnel. François Fillon aurait pressé Jouyet pour que l’Elysée incite la justice à se mobiliser rapidement et efficacement.

Jean-Pierre Jouyet faisant le compte rendu de leurs échanges au président de la République s’entend répondre par ce dernier que l’Elysée n’a pas à intervenir parce que la justice est indépendante.

Coïncidence ou non, une enquête est ordonnée le 2 juillet 2014 – selon le parquet de Paris, sur le seul rapport, en date du 30 juin, des commissaires aux comptes de l’UMP – sur cet éventuel abus de confiance se rapportant à une somme de 516 615 euros et une information ouverte de ce chef le 6 octobre. On vient d’apprendre également que deux notes de Bercy, l’une par Bruno Bézard, l’autre par le Directeur des affaires juridiques, validaient, en 2013, juridiquement, la prise en charge, par l’UMP, des pénalités pour le dépassement des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy (lepoint.fr).

Jean-Pierre Jouyet, avant de connaître l’existence du verbatim, a démenti la relation de la conversation, telle qu’il l’aurait communiquée aux deux journalistes et qu’ils l’ont rapportée, puis s’est rétracté, confirmant leur version. Une variation qui commence par un mensonge.

Antoine Gosset-Grainville a confirmé l’existence du déjeuner à trois le 24 juin mais nié que François Fillon ait tenu les propos qui lui étaient prêtés par Jean-Pierre Jouyet dans la présentation faite à ses interlocuteurs.

En prenant d’infinies précautions, quelques plausibilités psychologiques et politiques sont susceptibles d’éclairer.

Le rapport de force, voire de violence, entre Nicolas Sarkozy et François Fillon depuis la défaite du premier et l’ambition présidentielle du second est à l’évidence d’une telle intensité que tout est possible, et en particulier le recours à des manoeuvres à la fois imprudentes mais qu’on espère décisives de la part de l’un des rivaux.

Il n’est pas non plus indifférent que Jean-Pierre Jouyet ait été sollicité, non seulement à cause de leur collaboration sous la présidence de Nicolas Sarkozy mais aussi en raison de la psychologie du secrétaire général, personnalité souple, très intelligente, tolérante, trop bavarde paraît-il, capable de tout comprendre et fidèle plus que jamais au président de la République après une parenthèse de plus d’un an qui avait suspendu leur amitié profonde et complice.

Comment Jean-Pierre Jouyet a-t-il pu cependant se laisser aller devant ces deux journalistes compétents et redoutables à de telles confidences dont il ne pouvait pas ignorer qu’un jour elles sortiraient et feraient des ravages ? Sans lui, sans cette indiscrétion capitale, le déjeuner du 24 juin, en tout cas ce qui s’y est dit, serait demeuré inconnu. Henri Guaino qui raffole de la « castagne » lui demande évidemment de s’expliquer.

S’il y a eu machiavélisme de la part de Jouyet, on en percevrait mal la motivation à l’encontre de François Fillon évidemment à protéger par rapport à l’ennemi prioritaire Nicolas Sarkozy !

Pour l’ancien Premier ministre – je l’affirme sans ironie -, il n’a sans doute pas compris qu’il avait changé de quinquennat et que ce président de la République préférait, par une heureuse indifférence, la liberté et l’indépendance de la justice ; alors que son prédécesseur, par un déplorable impérialisme, prétendait entraver l’une et l’autre dans les affaires qui regardaient, selon lui, l’Etat, ses manipulations et ses coulisses discutables.

François Fillon est aussi malheureusement révélateur de l’attitude d’une classe politique qui non seulement n’a pas intégré le rôle éminent de la Justice mais s’obstine à la vouloir soumise au pouvoir en place. Si elle vante pour la façade son importance, elle est toujours prête à demander au président ou à ses collaborateurs de faire le nécessaire pour que les magistrats n’aillent pas pratiquer comme s’ils étaient réellement libres !

Le seul qui, dans cette histoire de flous, sauve sa mise est le président de la République. Il confirme que l’unique crédit dont il doit bénéficier, la seule anaphore réussie et concrétisée concernent l’indépendance de la justice. Ce n’est pas rien. L’écart n’en est que plus aveuglant, plus brutal entre la politique pénale calamiteuse du garde des Sceaux et cette indéniable avancée démocratique par rapport au quinquennat précédent.

Mais dans quelle nasse Jean-Pierre Jouyet a-t-il donc mis François Fillon ?

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Philippe Bilger

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