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Bonjour Stéphanie Gibaud, pouvez-vous vous présenter ?
J’étais Responsable Marketing et Communication de la banque UBS en France, j’ai rejoint la filiale Gestion de Fortune à l’ouverture du bureau parisien, en 1999. Mon métier était de mettre en valeur la marque UBS, notamment lors d’événements sportifs, culturels, artistiques, financiers et de nouer des partenariats avec des maisons de luxe ; le nom UBS étant à l’époque peu connu en France, la stratégie était de développer la notoriété sur le territoire national et donc de capter les fortunes afin que la banque devienne l’un des premiers gestionnaires de fortune dans notre pays notamment face aux banques françaises.
Au quotidien, quel était votre travail ?
Avec les équipes Marketing d’UBS International basées à Genève, nous organisions conjointement des plateformes VIP où les banquiers d’UBS basés en Suisse et ceux d’UBS France invitaient leurs clients et leurs prospects. Les budgets très conséquents ont permis de participer à l’organisation d’une centaine d’événements par an de Bordeaux à Lille, de Nantes à Strasbourg, de Cannes à Lyon, de Marseille à Paris ou encore Toulouse. D’autres événements en direction des clients français étaient par ailleurs organisés en Suisse. Toutes ces actions étaient validées par mes hiérarchies basées à Paris, Genève et Zurich et par les banquiers. La France appartenait à la division “Western Europe”, qui incluait l’Espagne, le Portugal, Monaco mais aussi les entités « France International » et « Iberia International » basées en Suisse. Ceci signifie que j’étais par ailleurs régulièrement en contact avec les collègues basés dans ces pays lorsque cela était nécessaire pour répondre à la satisfaction d’une demande quelconque d’un client ou d’un prospect.
A quel type de demande faites-vous référence ?
En gestion de fortune, il est question de transmission de patrimoine d’une génération à  l’autre, la confiance est donc l’élément fondamental de la relation. UBS étant la plus ancienne banque suisse et la plus puissante depuis sa fusion en 1997 avec la Société de Banque suisse, sa réputation tenait à la fois à son image, la gestion de ses portefeuilles financiers et les services rendus à sa clientèle. Les clients de gestion de fortune pouvant tout s’offrir, la complexité de mon métier tenait à proposer des choses que les clients ne pouvaient pas acquérir en payant, la difficulté était donc d’offrir des événements sur – mesure et de l’émotion – par exemple un dîner avec un chef d’orchestre mondialement acclamé, un dîner privé avec un ténor en Espagne, autoriser le client à pouvoir suivre des régates avec son propre yacht, lui trouver un billet pour une finale de match de coupe du monde de football jouée à guichets fermés etc. En effet, la concurrence en gestion de fortune étant sévère, l’importance des budgets alloués permettaient d’offrir une image exceptionnelle de la banque et d’acquérir de nouveaux clients plus facilement.
Pourquoi tout a t-il été remis en question ?
En 2008, le paquebot UBS a failli sombrer, se retrouvant à la fois pris dans la crise des subprimes aux Etats-Unis, dans le dossier Madoff dont les fonds étaient hébergés chez UBS au Luxembourg mais par ailleurs dans la tourmente du dossier Birkenfeld, le banquier américain travaillant pour UBS à Genève qui a dénoncé aux autorités américaines le fait que son métier permettait à des clients américains fortunés d’échapper à l’IRS (le fisc américain). S’en est suivi un bras de fer entre Washington et Berne, le dossier créant une brèche dans le sacro-saint secret bancaire suisse. Washington, via sa Secrétaire d’Etat Hillary Clinton, a alors demandé des informations sur 4.450 comptes offshore détenus par UBS Genève. Les dirigeants d’UBS ont été obligés de s’excuser devant le Sénat américain et UBS a payé une amende d’un peu moins d’un milliard de US dollars. Cette affaire américaine a créé un séisme dans toutes les filiales UBS à l’international puisque le modèle économique de la banque de gestion de fortune venait d’être révélé au grand jour.
Concrètement, que s’est-il passé en France ?
La banque s’est retrouvée être un avion sans pilote. Le management était en panique, essayant de calmer les banquiers dont les clients transféraient tour à tour leurs fortunes à la concurrence. Beaucoup de banquiers ont claqué la porte, inquiets. D’autres ont été licenciés. L’ambiance était électrique, les tensions entre les divisions, entre les dirigeants étaient terribles. Cela étant, les collaborateurs ne recevaient aucune information en interne et étaient livrés à des spéculations, des bruits de couloir, des paniques avec la presse pour seul vecteur d’information et de compréhension. A titre personnel, j’ai vécu un véritable cauchemar. J’étais à mon bureau un jour de juin 2008 lorsque ma supérieure hiérarchique a surgi face à moi, m’expliquant très nerveusement que le bureau de Patrick de Fayet, Directeur Général, venait d’être perquisitionné. Elle n’a pas répondu à mes questions concernant cette perquisition, m’a uniquement ordonné de détruire le contenu de mes archives informatiques “étant donné les circonstances”.
De quelles archives s’agissait-il ?
Je gérais tous les événements dans des matrices, des tableaux Excel, me permettant de savoir qui était invité, qui accompagnait l’invité, quelques détails personnels les concernant et également le nom du banquier gérant la relation avec cet invité. Ne comprenant strictement rien à cette demande de destruction de fichiers, je n’ai pas exécuté cet ordre, qui me sera répété dans les semaines suivantes.
Entre temps, des banquiers français, qui eux-mêmes avaient des problèmes avec leur hiérarchie et notamment Patrick de Fayet, m’ont expliqué que mon métier servait à ce que les banquiers suisses démarchent des clients français sur notre territoire, ce qui est interdit. J’ai mis beaucoup de temps à comprendre ce qu’ils me disaient puisque j’avais depuis presque dix ans travaillé avec ces banquiers, je n’avais jamais été auditée, je n’avais jamais eu affaire aux autorités de contrôle. Je recevais effectivement des documents en provenance de Zurich concernant les précautions lors des passages aux frontières mais j’ignorais tout de l’évasion fiscale, du blanchiment de capitaux, du démarchage bancaire illicite puisque je travaillais souvent à l’extérieur du bureau et je n’avais jamais reçu de formation ou d’information sur ces thématiques.
Que s’est-il donc passé ?

Ces collègues m’ont fait très peur, m’expliquant que la banque s’était servie de ma non-connaissance du métier bancaire et que je risquais d’avoir des problèmes de niveau pénal si une enquête était menée en France – et peut-être également à cause de la perquisition. Par ailleurs, ils m’informaient que les transactions des clients français vers l’offshore n’apparaissaient pas dans la comptabilité de la banque en France mais étaient consignées, manuellement et mensuellement dans un cahier appelé “carnet du lait”, en référence aux carnets des vachers suisses, qui notent chaque soir le nombre de litres de lait produits par chacune de leurs vaches…N’ayant pas détruit les données, j’ai rencontré un à un les dirigeants d’UBS en France qui m’ont chacun répondu que j’étais fatiguée, que je racontais des bêtises puisque je n’y connaissais rien en finance etc. Étant une élue du personnel, j’ai alors pris la décision de prendre rendez-vous à l’inspection du travail. Après plusieurs entretiens, l’inspection du travail m’a suggéré de poser des questions aux dirigeants de la banque en réunion officielle avec les autres élus et de consigner les échanges dans des procès-verbaux.

Ma situation est devenue cauchemardesque, je l’ai décrite en détail dans mon premier ouvrage “La femme qui en savait vraiment trop” (Cherche Midi). Je me suis retrouvée isolée, harcelée, placardisée. J’ai été dégradée professionnellement au point de devenir la responsable des hôtesses au troisième étage des bureaux Boulevard Haussmann à Paris, à vérifier si les plantes vertes étaient bien arrosées. Mon métier a été confié à une jeune femme, qui n’avait ni mon expérience ni mes compétences en matière de communication. Début 2009, j’ai été arrêtée par mon médecin traitant plusieurs semaines pour dépression et j’ai ensuite accumulé des arrêts maladie jusqu’à mon licenciement. A l’été 2009, l’inspection du travail m’a demandé de porter plainte contre UBS. Mon état de santé, mon état psychologique m’ayant affaiblie considérablement, les pressions exercées étant terriblement fortes, j’ai mis plusieurs mois avant de me rendre sur l’Ile de la Cité à Paris où j’ai déposé plainte contre la banque suisse UBS avec la complicité d’UBS France concernant les motifs de démarchage illicite, d’évasion fiscale, de blanchiment de capitaux en bande organisée mais aussi concernant le harcèlement subi et l’entrave à ma mission d’élue.

Comment êtes-vous entrée en relation avec les douanes judiciaires ?
Alors que l’inspection du travail me demandait de porter plainte contre mon employeur, elle a, au même moment, refusé mon licenciement demandé par UBS via un Plan Social concernant une centaine de collaborateurs. Je me suis retrouvée “enfermée” dans une banque qui fraudait dont je dénonçais la fraude. Ma santé empirait, mon travail ne correspondait plus à mes compétences, mes collègues s’étaient éloignés de moi, les arrêts maladie se multipliaient. Après une visite surprise de l’inspection du travail dans les bureaux, les dirigeants d’UBS ont été mis en demeure de me rétablir dans mes fonctions et c’est ainsi qu’en mai 2011, j’ai pu gérer pour la banque le tournoi de tennis de Roland Garros. Alors que le tournoi allait commencer, j’ai reçu un appel en numéro masqué d’une femme. Après quelques phrases, j’ai compris qu’elle travaillait pour une cellule des douanes du Ministère des Finances et qu’elle souhaitait me rencontrer au plus vite. Le rendez-vous a été fixé devant le magasin Vuitton sur les Champs-Elysées. Cette cheffe de mission du SNDJ (Service National des Douanes Judiciaires) m’a alors annoncé que je serai suivie pendant les quinze jours par des membres de son équipe et que certains prendraient des photographies. Selon elle, la fraude continuait. Effectivement, à plusieurs reprises lors du tournoi, je me suis retrouvée nez à nez avec des collègues suisses, des problématiques avec des clients français bookés à Genève etc. Ces fonctionnaires étant assermentés, je n’ai pu me soustraire aux obligations de répondre à leurs demandes. Ma première audition a duré neuf longues heures au bureau du SNDJ ; j’ai été convoquée à plusieurs reprises jusqu’à l’été 2012 pour remettre des documents qui appartenaient alors à mon employeur et répondre à des questions très précises sur des clients, des prospects, des banquiers. Entre ces convocations, ils me téléphonaient régulièrement sur des points précis. Alors que ces fonctionnaires ne pouvaient ignorer mon état de faiblesse, acté à la fois par le médecin du travail et l’inspection du travail, je pensais bien évidemment être protégée. Jamais je ne m’étais posé la question de ma sécurité ni de mon avenir professionnel. Jamais je n’aurais imaginé que mon honnêteté et ma collaboration avec ces services des douanes judiciaires me conduiraient à des ennuis et des problèmes graves. UBS m’a licenciée en 2012, étant très probablement informée de ma collaboration avec les douanes. J’ai mis plus d’une année à aller un peu mieux, j’ai ensuite répondu à des centaines d’annonces de recrutement et n’ai jamais pu me re-positionner professionnellement. Depuis huit ans, je n’ai plus d’emploi, plus de revenus.
Alors aujourd’hui, avec le recul est-ce que vous diriez, vu tout ce que vous avez déjà fait et subi.  Est-ce que ça en valait la peine ?
Ce n’est pas le problème de lancer une alerte, le problème  c’est ce que ça génère. C’est-à-dire qu’alors que vous vous attendez au soutien de vos collègues, il n’y a absolument personne. On imagine qu’on peut s’attendre à une solidarité du monde du travail, mais rien! On se dit qu’on pourra obtenir le soutien des hommes politiques de tous bords et là…on peut les compter sur les doigts de la main. Et puis, je pensais penser que la justice ferait son travail rapidement et ça a duré dix longues années. C’est pour ça que certains lanceurs d’alerte ont disparu, alors que certains autres ont été assassinés, ne supportant plus cette force qui est émise contre eux. Et si je continue de dénoncer, c’est à la fois pour les lanceurs d’alerte du secteur privé, mais aussi pour tous les  fonctionnaires qu’on peut saluer puisque, eux, dans le cadre de leur mission dévouée au service public, ils sont obligés via l’article 40 du Code de procédure pénale, de dénoncer quand quelque chose ne va pas.

Et dans mon livre « La traque des lanceurs d’alerte », les uns après les autres expliquent qu’ils se sont tous retrouvés en justice, qu’ils ont tous été complètement ostracisés, complètement placardisés, isolés. C’est édifiant. Tout est fait pour que le système perdure. En fait, c’est ça que tous les lanceurs d’alerte ont compris mais que le grand public peine à comprendre.

Je me souviens, quand Pierre MOSCOVICI, le ministre des Finances à l’époque en France, nomme la déontologue d’UBS à la  l’AMF, (l’Autorité des Marchés Financiers) à la commission des sanctions de cette autorité alors qu’UBS était déjà mise en examen plusieurs fois… Des questions se posent! C’est là où vous vous rendez compte que tout est tissé pour que rien ne change. 

Comment la justice a t-elle géré ce dossier ?
J’ai été la première à être traînée en justice pour une plainte en diffamation déposée par UBS. J’ai été relaxée, en 2010, sans appel de la part d’UBS. Le Tribunal des Prudhommes a reconnu en 2015 que j’avais été harcelée par la banque. UBS n’a pas fait appel de cette décision. UBS a ensuite déposé une deuxième plainte en diffamation concernant mon premier ouvrage après que j’ai refusé une somme de plusieurs dizaines de milliers d’euros à condition de retirer la plainte déposée en 2009. J’avais bien évidemment refusé.
Michel Sapin, Ministre des Finances, que j’ai rencontré en 2016 dans le cadre de la publication des « Panama Papers », a fait passer une loi qui porte son nom (Sapin II) avec un volet de protection des lanceurs d’alerte.
Son administration m’a répondu à plusieurs reprises, via la direction des douanes et notamment la directrice générale de la douane française, Mme Hélène Crocquevieille, que j’usurpais ce titre de lanceur d’alerte et que je n’avais été qu’un témoin utilisé dans un dossier. Après des échanges infructueux, j’ai attaqué l’Etat en justice en 2018 et le Tribunal Administratif m’a reconnue “collaboratrice du service public”. En 2019, la banque UBS a été condamnée par la justice française à une amende de 4,5milliards d’Euros (3,7 milliards d’euros plus 850 millions d’euros de dommages et intérêts). UBS a immédiatement fait appel de la décision ; les audiences en appel auront lieu à Paris en juin 2020.
Qu’en est-il de votre situation vis à vis du Ministère des Finances ?
Rodolphe Ginz, qui a succédé à Madame Croquevieille, a refusé de me recevoir et de m’appliquer la loi. Il est en effet possible de rétribuer sur le fondement de la loi de 1995, permettant la rémunération des informateurs des douanes judiciaires. Il est également possible de rétribuer grâce au nouveau dispositif de rémunération des aviseurs fiscaux dont le Ministre de l’action et des comptes publics vante les mérites.

Étant donné les refus essuyés et la non-volonté d’exemplarité face à un dossier emblématique de fraude organisée sur notre territoire national, nous avons récemment déposé une plainte avec constitution de partie civile contre les agents des douanes et leurs hiérarchies, ceux-ci ne pouvant ignorer m’avoir fait travailler de manière illégale et forcée alors que j’étais en état de faiblesse. Le Premier Ministre Edouard Philippe a été tenu informé de cette action en mars dernier.

Aujourd’hui, Stéphanie, est ce que cela vaut la peine d’être honnête?

La véritable question, effectivement, est de savoir si ça vaut la peine d’être honnête. Je ne suis pas devenue philosophe faute de temps, mais l’éthique est tout l’enjeu car ces hauts fonctionnaires, ministres, patrons divers et variés ont pris nos vies en otage et jamais ils n’ont payé pour nous avoir assassinés financièrement, professionnellement, personnellement et judiciairement. C’est une honte.

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À lui tout seul il incarne l’incorruptibilité, l’impartialité et la détermination. Médiatique magistrat du parquet, il s’est illustré dans de nombreuses affaires sulfureuses et n’a eu de cesse de montrer sa vision d’une justice irréprochable et indépendante. Il prône, à travers son livre, « Le devoir de déplaire », et nous dévoile le visage inattendu de sa personnalité.

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L’ex-Proc de Montgolfier est un peu notre La Rochefoucauld, mâtiné de Schopenhauer. Retour sur la carrière de cet homme exemplaire qui, jeune, se faisait une très haute idée de la Justice avant de comprendre que s’il ne donnait pas moult gages au « système », il en s’en verrait exclu…C’était mal le connaître, Eric n’a jamais rien lâché, il a fait le job sans accepter les compromissions et peut avoir aujourd’hui le sentiment du devoir accompli. « Devoir », vous savez, ce vieux mot tombé en désuétude…

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Général Desportes : «Les intérêts politiciens désorganisent l’armée française»

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN
Le président de la République a présenté ses voeux aux armées le 14 janvier. Dans un livre qui en appelle au renouveau stratégique de la pensée militaire française, le général Vincent Desportes estime que, dans une société occidentale qui rejette le soldat hors de son monde, l’armée est menacée.

LE FIGARO. – Alors que le 11 janvier 2016 marque le troisième anniversaire de l’engagement de l’armée française au Mali, vous estimez que celle-ci est atteinte du «syndrome de Sisyphe guerrier», reconquérant le matin ce qu’elle a abandonné la nuit précédente. Comment expliquer cette surexploitation de l’armée française?Général Vincent DESPORTES. – Ce qui mine l’armée française, c’est la dégradation continue, depuis plus d’un quart de siècle, des moyens budgétaires dont elle dispose… et donc de ses capacités opérationnelles globales. L’évolution qu’a connue l’armée correspond à l’idée fausse que la guerre n’existe plus. L’armée s’est transformée progressivement, par contractions successives, en un kit expéditionnaire dont les résultats sont excellents… mais seulement aux niveaux techniques et tactiques, sur des espaces réduits, sur un temps court, alors qu’elle est déployée sur de vastes espaces (par exemple la zone sahélo-saharienne, plus vaste que l’Europe!) et que la guerre se gagne toujours sur le temps long: en bref, si les armées françaises sont toujours capables de gagner brillamment des batailles, elles peinent à gagner les guerres.

On se désengage toujours trop tôt, sans avoir eu le temps de transformer les victoires tactiques en résultats stratégiques. De fait, la France s’engage sur un théâtre, puis, beaucoup trop rapidement, elle est obligée de se désengager pour aller s’engager ailleurs. C’est ce que j’appelle le syndrome de Sisyphe guerrier. Ce phénomène est caractéristique des opérations au Mali, puis en Centrafrique, puis dans la bande sahélo-saharienne, l’opération Barkhane. Après avoir brillamment remporté la bataille des Ifoghas au Mali, la France a été obligée de diminuer ses effectifs pour s’engager dans l’opération Sangaris – qui patine aujourd’hui, faute d’effectifs, puisque l’armée, a été obligée de monter l’opération Barkhane. Bref, on déshabille Pierre pour habiller Paul, puis Paul pour habiller Jacques…

Dans un chapitre sur le mythe du soldat Ryan, vous écrivez que les Européens n’ont jamais autant délaissé leur autonomie stratégique aux Etats-Unis, notamment par le biais de l’OTAN. Comment cet abandon se manifeste-t-il?

Notons que la France a été moins frappée que les autres pays européens par ce mythe dangereux. La pensée gaullienne persiste en France, ce qui fait que nous avons, à juste titre, moins tendance que les autres à faire confiance aux Etats-Unis pour la gestion de nos affaires militaires, malgré l’épisode du retour dans le commandement intégré de l’OTAN en 2008 sous Nicolas Sarkozy. Progressivement, les différents pays d’Europe ont profité de l’aubaine qu’était l’OTAN pour faire des économies à bas coût politique sur la défense, en expliquant à leurs citoyens qu’ils étaient défendus dans le cadre de l’OTAN, et que par conséquent, les investissements en matière de défense étaient devenus superflus. Le bilan est terrible: aujourd’hui, l’Europe est largement désarmée – à l’exception de la France, qui a conservé un volume de forces, certes insuffisant, mais bien réel. Finalement, l’OTAN est devenue une menace pour la sécurité des Européens, car elle les empêche de trouver leur autonomie stratégique. Ils s’en remettent, à tort, aux Américains pour les défendre.

Stratège avisé, de Gaulle avait compris dès la fin des années 1950 que les Américains ne reviendraient plus jamais défendre la «grand-mère patrie» européenne. Les liens entre Européens et Américains se sont distendus au fil des ans. A partir de 2040, la majorité des Etats-Uniens ne sera plus d’origine européenne et «Ramos» ne viendra plus se faire tuer pour nous. Le réflexe naturel de défense de la «grand-mère patrie» n’existera plus. Par ailleurs, il faut rappeler qu’en 1917 et en 1942, les Américains étaient avant tout venus remettre de l’ordre dans leur marché naturel, l’Europe. Aujourd’hui, les intérêts économiques étasuniens ont basculé de l’Atlantique vers le Pacifique. Enfin, les Etats-Unis sont fatigués par leurs guerres: ils ne peuvent que constater que, malgré leur énorme puissance, ils ont perdu toutes leurs guerres depuis un demi-siècle, l’Irak et l’Afghanistan n’étant que les derniers exemples d’une longue série de défaites.

Le meilleur service que les Américains pourraient rendre aux Européens (et à eux-mêmes!) serait de sortir eux-mêmes de l’OTAN pour nous imposer ainsi notre prise de conscience et notre autonomie stratégique.

Vous dénoncez également la dérive atlantique mortifère de notre modèle de forces et la transformation à l’américaine des armées de l’OTAN. Quel basculement s’est-il opéré entre le stratégique et le technique? L’engouement technologique est-il en train de tuer l’armée française?

Les armées françaises ont continué à suivre le modèle américain, fondé sur la recherche permanente du meilleur technologique, sans souci de l’efficacité globale des systèmes. Cette logique est compatible avec les budgets militaires américains supérieurs à 600 milliards de dollars par an. Pas avec les budgets européens en général, français en particulier.

Les Américains réussissent à conserver à la fois le meilleur technologique et les volumes de forces suffisants pour faire face à leurs missions. Mais le surinvestissement technologique français a conduit inexorablement l’armée à réduire ses volumes. La technologie a dévoré les formats, rendant finalement un bien mauvais service aux armées, parce qu’elle ne confère pas le don d’ubiquité. Quand les terrains d’interventions sont multiples, la réduction des formats, «l’échantillonnage» des forces, imposés par la dérive technologiste ne permet plus de faire face à la multiplication des missions. Cette dérive non maîtrisée de la technologie a conduit l’armée française à devenir une «armée coup de poing», incapable de gagner les guerres.

Ce constat est d ‘autant plus aberrant que le modèle américain que nous nous acharnons à singer s’est avéré parfaitement inefficace: les Etats-Unis ont perdu toutes leurs guerres depuis cinquante ans.

Depuis la publication de La France et son armée de Charles de Gaulle en 1938, nul n’ignore que «la France fut faite à coups d’épée» estimez-vous. Y a-t-il un lien spécifique entre la France et son armée?

Parce que depuis des siècles nos valeurs se sont répandues dans le monde, nous pensons qu’elles sont naturelles et immortelles, qu’elles se défendent d’elles-mêmes parce qu’elles s’imposent, parce qu’elles sont espérées, ailleurs, par les Autres. Nous nous aveuglons.

Les valeurs, quelles qu’elles soient, ne valent que par la puissance de l’épée qui les répand ou les défend. La France est la France pour maintes raisons, mais ce sont ses valeurs qui font sa grandeur, sa place éminente dans le monde, souvent démesurée par rapport à sa réalité matérielle. Son histoire, sa vision d’elle-même, lui ont conféré des responsabilités auxquelles elle ne peut moralement échapper. Si la France est encore un acteur majeur des affaires du monde malgré ses difficultés économiques, c’est parce ce qu’elle en est moralement capable, parce qu’elle en a tant bien que mal préservé les moyens, qu’elle a le courage politique – à droite comme à gauche – de s’engager dans les crises et d’y jouer un rôle central.

Notre place extraordinaire au Conseil de sécurité des Etats-Unis ne va pas de soi aujourd’hui, d’autant que les critères d’hier – démographiques en particulier – ne valent plus. Cette place est chaque jour remise en cause par d’autres postulants. Nul ne conteste la place des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie. En revanche, celles de la Grande-Bretagne et de la France sont fragiles et doivent être défendues. Si Washington se charge personnellement de la Grande-Bretagne, la France est seule pour préserver la sienne. Elle ne peut affirmer sa légitimité qu’en montrant chaque jour sa capacité diplomatique mais surtout militaire à intervenir concrètement dans les affaires du monde et à prendre toute sa place dans leur règlement. Une France incapable d’intervenir militairement dans le règlement des conflits serait une France qui, en quelques mois, devrait laisser sa place à des puissances démographiques ou économiques plus légitimes. Ce que disait Bismarck est toujours vrai: «La diplomatie sans armées, c’est comme un chef d’orchestre sans orchestre!»

Vous écrivez que «l’européisme militaire est un opium dangereux pour les peuples». Qualifiée d’«impasse conceptuelle» par un rapport du Sénat paru en 2013, la défense européenne est-elle néanmoins envisageable?

Notre horizon doit demeurer celui de la mise en place d’une armée européenne. Mais force est de constater que malgré plus de soixante ans d’efforts, cette idée n’a débouché que sur des résultats dérisoires. Tant que l’Europe restera incapable d’assurer la défense des pays européens, chaque pays devra conserver les moyens nécessaires pour assurer la sécurité et la défense de ses citoyens et de son territoire. Ce constat est particulièrement valable pour la France: surexposée stratégiquement, elle est sur-menacée par rapport aux pays qui ne s’engagent pas dans le monde. La France ne peut pas à la fois diplomatiquement prétendre défendre ses valeurs dans le monde, jouer un rôle important dans les relations internationales sans se doter d’une force armée capable de résister aux menaces ou aux risques qu’elle engendre en partie par sa propre posture. C’est une affaire de cohérence d’ensemble et de responsabilité vis-à-vis des citoyens

Vous pointez du doigt l’effet pervers de la dissuasion nucléaire. Quels sont les esprits que ce «marchand de sable nucléaire» a endormis?

Pour pouvoir réduire le budget des armées sans coût politique, les gouvernements successifs ont sacralisé l’arme nucléaire en expliquant aux Français qu’ils n’avaient rien à craindre: quoiqu’il arrive, ils seraient défendus par l’assurance-vie nucléaire. Les forces conventionnelles ont donc pu être continuellement réduite sans que cela émeuve grand monde ; hélas aujourd’hui, l’évidence de cette tromperie éclate au grand jour. On a ainsi endormi les Français dans un faux sentiment de sécurité en leur faisant croire qu’ils étaient défendus.

La dissuasion nucléaire n’assure pas la paix et ne dissuade pas de tout ; elle a des angles morts de plus en plus ouverts, pour reprendre l’expression d’Alain Juppé: effectivement la dissuasion nucléaire dissuade l’étatique alors que les menaces sont essentiellement désormais infra-étatiques, le terrorisme par exemple. Ces «angles morts» de la dissuasion se multiplient quand la part budgétaire prise par notre arsenal nucléaire s’accroît. Or, la dissuasion nucléaire ne peut pas fonctionner sans forces conventionnelles robustes: la stratégie atomique suppose une approche intégrale dont les forces conventionnelles ne peuvent être exclues.

En stratégie de défense – et c’est particulièrement vrai en termes de dissuasion – ce qui compte, c’est l’équilibre d’ensemble plus que la puissance de chacune des composantes. Dans le contexte budgétaire actuel, vouloir à tout prix préserver en l’état notre arsenal nucléaire, c’est altérer sa valeur dissuasive et mettre la France en danger. Stricte suffisance et équilibre global, voilà le véritable objectif! L’intelligence stratégique ne consiste pas à sacraliser notre arsenal nucléaire, mais à assurer l’équilibre dissuasif entre les deux types de forces, nucléaires et conventionnelles, entre nos capacités de dissuasion et nos capacités d’action. Le coût d’opportunité de la sacralisation du nucléaire, c’est la mort de sa pertinence: sanctuariser la dissuasion, c’est la condamner. C’est cher payé.

Quelle place le soldat occupe-t-il dans notre société?

Pour de multiples raisons, historiques et culturelles, la société française a mis au pas le soldat avant de le rejeter de son monde. Cette spécificité nous vient de la Révolution française qui a fait de l’État le référent suprême. Les armées doivent se plier sans un murmure au pouvoir politique ; c’est un changement complet par rapport aux usages en cours avant la Révolution où un équilibre harmonieux permettait au soldat de tenir toute sa place dans la Nation. Depuis la Première guerre mondiale, la voix des militaires a perdu en légitimité. Deux coups fatals leur ont été portés: la défaite de 1940 – et pourtant c’était la défaite d’un peuple et non pas simplement celle d’une armée – et le putsch des généraux du 21 avril 1961 à Alger. Depuis, l’expression militaire a été considérablement marginalisée et contenue aux problématiques technqiues et tactiques. Pourtant, l’expression libre des militaires sur les problèmes stratégiques n’est pas seulement légitime, elle est nécessaire: les restrictions à la liberté d’expression sont les meilleures ennemies de la défense de la France. L’équilibre ne peut s’établir par décret, mais il est sûr que, dans l’intérêt même de la France, l’homme d’Etat doit tout mettre en œuvre pour favoriser l’esprit et l’expression critique dans les armées: or, force est de constater que la tendance est exactement inverse. Les Français doivent en être sûrs, parce qu’ils l’ont payé très cher, en souffrances et en humiliations: la négation des dimensions politique et stratégique du soldat, son cantonnement toujours plus étroit dans ce que l’on baptise à tort son «cœur de métier» constituent une menace directe sur leur sécurité.

Aujourd’hui, l’image du soldat est rejetée par les nations européennes, qui se veulent «post-modernes», parce qu’il correspond à l’image même d’un monde que l’on souhaite oublier. Nous vivons dans une fausse bulle de sécurité dans laquelle nous voudrions que la violence soit exclue. Mais malheureusement, ce monde exécré existe: il reprend forme aujourd’hui sous ses expressions les plus barbares

La pensée stratégique militaire est-elle bâillonnée?

Depuis une quinzaine d’années, les officiers ont repris la plume et s’expriment plus fréquemment. Hélas, les publications de la très grande majorité d’entre eux constituent d’excellentes vitrines de leurs propres actions professionnelles au cours des engagements qu’ils vivent au quotidien sur le terrain… et donc d’excellentes vitrines de l’excellence encore maintenue des armées françaises. Mais le propos s’arrête là, parce que l’interdiction faite au militaire de participer au débat stratégique, sauf à exprimer la pensée officielle, a fini par l’écarter de la pensée stratégique qu’il a le devoir d’enrichir mais qu’il n’ose plus exprimer.

C’est grave. Quand les militaires ne sont pas autorisés à formuler des idées ni à élaborer des stratégies, ils se cantonnent à la pure technicité de leur métier. Ils perdent le goût de la pensée et de son expression, et les meilleurs, ceux dont la France aura besoin aux heures noires ne sont plus attirés par une profession réduite à son rôle technique où ils ne pourront plus faire grandir le meilleur d’eux-mêmes.

Le problème, c’est que les armées, bien que piliers de la nation, ne sont défendues par personne. Il n’existe pas d’organisme ou de syndicat dont la mission soit la défense des militaires. Le rôle du ministre de la Défense est d’abord d’être loyal vis-à-vis du président, pas de protéger les armées de la France. Depuis trop longtemps, les hommes politiques ont oublié l’intérêt général de la France vite sacrifié sur l’autel des intérêts politiciens ; c’est la première raison de la désorganisation de l’armée française.

Pourtant les armées françaises ont été profondément réorganisées?

Oui, et le résultat est catastrophique car ces réorganisations se sont majoritairement faites au mépris de ce qu’est le soldat et de ce qui fait l’efficacité des armées, leur essence.

En trois couches successives, au mépris de la spécificité de ce ministère et de sa fonction essentielle, un terrible excès d’interarmisation, de mutualisation mais aussi de civilianisation est venu à bout du bon fonctionnement des armées.

L’application brutale de la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances), en 2006, a constitué un premier coup majeur. Par un double mouvement d’effacement des chefs d’état-major d’armée et de rehaussement des autres grands subordonnés du ministre, le chef d’état-major des armées reste le seul chef militaire en relation directe avec le ministre, à égalité désormais avec le Secrétaire général pour l’administration (SGA) et le Délégué général pour l’armement (DGA). Le ministère oublie définitivement qu’il est le ministère des armées et que les branches administratives sont là pour les soutenir ; le vieux principe militaire «soutenu/soutenant» est oublié.

La deuxième étape, en 2009, c’est la RGPP ou révision générale des politiques publiques. Le ministère est profondément affaibli par l’application excessive de principes contraires à l’efficacité militaire. Il va se retrouver «matricialisé» – c’est-à-dire «déresponsabilisé», ce qui va produire le désastre du système de solde Louvois ou le scandale du dépôt de munition de Miramas – et «mutualisé», avec l’aberrante création des Bases de défense.

Le troisième coup, depuis 2012, c’est la soi-disant «nouvelle gouvernance» du ministère, avec de nouveaux pans de responsabilité enlevés aux chefs militaires et attribués désormais aux grands directeurs: le commandement est dépossédé de la politique des ressources humaines, bien que «l’homme ait toujours été l’instrument premier du combat» et de la réflexion stratégique avec la création de la DGRIS. Au dysfonctionnement global s’ajoute hélas la décrédibilisation des chefs militaires qui se retrouvent impuissants à corriger les disfonctionnements et carences matérielles.

Ignorante d’une histoire qu’elle préfère ignorer, la société oublie que «l’homme est l’outil premier du combat» selon l’expression d’Ardan du Picq. On constate une double banalisation, celle des armées au sein du ministère, et celle du soldat. Mais on ne peut pas traiter un soldat comme un fonctionnaire ordinaire. Lorsqu’il s’engage pour la France, il reçoit une plaque qui symbolise son destin. Cette plaque a une valeur symbolique

La plaque du soldat est composée de deux parties - plaque du général Vincent Desportes - crédits: Eléonore de Vulpillières

extrêmement forte ; le nom et le numéro de matricule sont inscrits sur les deux parties de la plaque. S’il meurt au combat, que l’on perd sa trace, on y retrouvera son indentité, lorsque on le retrouvera plus tard. On coupe alors la plaque en deux, en en laissant une partie sur le cadavre et en conservant l’autre, que l’on ramène à l’arrière. Comme l’a écrit le colonel Michel Goya, pour le militaire, «la mort est la première hypothèse de travail». Le mépris du soldat, de sa spécificité est une très grave erreur politique.

La morale chrétienne voudrait qu’on protège le muet. Ici, c’est le contraire. On tire profit du silence de la Grande Muette pour l’affaiblir à moindre coût politique et utiliser son budget comme une variable d’ajustement.

Après les attentats du 13 novembre, des milliers de jeunes Français ont manifesté leur désir de s’engager dans l’armée. L’espoir est-il possible?

La France ne s’en sortira que si elle recrée l’État régalien qui a été bradé au profit de l’État providence. Les armées, la police, la justice, la diplomatie sont aujourd’hui dans un état lamentable. La dégradation des armées est un symbole fort de la déliquescence d’un État régalien qu’il faudra impérativement reconstruire.

En effet, les jeunes Français se pressent à la porte des bureaux de recrutement. Cela s’inscrit dans un phénomène historique: la guerre appelle le soldat. Un état de guerre engendre la mobilisation. Le deuxième phénomène à souligner, c’est que les citoyens français sont désormais en avance sur leurs politiques. Ils sont prêts à entendre un discours fort, ils sentent que leur patrie est à défendre, et ils attendent que leurs politiques les conduisent vers cette France nouvelle à laquelle ils aspirent. L’indispensable prise de conscience du politique devra être à la hauteur du destin français.

Saint-cyrien, ingénieur, docteur en Histoire et ancien directeur de l’Ecole de guerre, le général de division Vincent Desportes est aujourd’hui professeur associé à Sciences Po Paris et enseigne la stratégie à HEC.

Son livre

La dernière bataille de France est paru fin octobre 2015 aux éditions Gallimard.

 

source: http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/01/15/31001-20160115ARTFIG00310-general-desportes-les-interets-politiciens-desorganisent-l-armee-francaise.php

collard2Gilbert Collard en lanceur de bombe

présentateurRappelons rapidement l’affaire, déjà relatée par mes soins ailleurs (dans une longue saga terminée sur Cent Papiers, le site de départ ne semblant pas vouloir poursuivre l’histoire sulfureuse de Charles Pasqua, pour des raisons qui lui appartiennent).  Pour ce faire, revenons tout d’abord sur l’atmosphère terrible de l’époque : en 1981, la droite est en effet plus que divisée.  Au sein du RPR, le parti héritier direct du gaullisme, l’atmosphère est délétère : on règle des comptes internes, car on soupçonne tout le monde de soutenir en « lousdé »… Giscard d’Estaing, honni par les gaullistes.  Un an et demi auparavant, le coup de tonnerre de l’assassinat le 30 octobre 1979 du ministre Robert Boulin (je ne vois pas comment appeler ça autrement, il a été retrouvé noyé dans 20 cm d’eau dans un étang de la forêt de Rambouilletlire ici le dossier) a montré à quel point de rupture les deux partis de droite étaient arrivés.  A l’époque, déjà, les barbouzes de Charles Pasqua avaient été montrées du doigt:  certains avançaient que ce type de disparition de la scène politique était tout à fait dans ses  cordes et l’excuse toute trouvée : le parti craignait alors pour son existence, ou plutôt pour l’avenir de son chef, car Boulin annoncé comme futur premier ministre de Giscard, c’en était fini de la carrière de… Jacques Chirac, le patron de « Charly » Pasqua, s’il héritait du poste envié ! Etait souvent cité comme responsable derrière la subite disparition d’un gaulliste bon teint le SAC, le service d’ordre dirigé par Pasqua, l’âme damnée du gaullisme, qui l’avait fondé avec Alexandre Sanguinetti.  Le même évoquera (bien) plus tard un assassinat, pour Boulin, dont l’un des mobiles essentiels aurait été la sortie de dossiers compromettants sur les finances du RPR, dont ceux notamment provenant d’Omar Bongo ou de Saddam Hussein (alors fort tenté par l’atome français !). De l’argent sale, qui payait les dépenses de campagne du candidat Chirac ! Etre tué parce qu’on détiendrait des documents compromettants, la thèse à la base de la disparition de Robert Boulin, c’est justement aussi le thème de la tuerie d’Auriol… qui baigne complètement dans le marigot du SAC, elle aussi.  

lcpns55Sur la photo ici à gauche les participants au débat sur LCP : « Emmanuel Fansten, journaliste à Libération, auteur de l’enquête – Dominique Perben, ancien Garde des sceaux et aujourd’hui avocat – Gilbert Collard, avocat, député RBM-FN du Gard et Secrétaire Général du Rassemblement Bleu Marine, auteur du livre  » Les dérives judiciaires : et si ça vous arrivait ?  » Paru aux Editions Eyrolles  – Marc Fievet, aviseur de la douane française, inscrit sous le matricule  » NS 55 DNRED « , auteur des livres  » Infiltré au coeur de la mafia  » paru aux Editions Hugo Doc, et  » Gibraltar « , paru aux Editions Michel Lafon ».

En 1981, le parti dirigé par Jacques Chirac était devenu paranoïaque depuis quelque temps déjà.  Selon ses dirigeants, si ce n’étaient des giscardiens, c’étaient des communistes (honnis, encore appelés par certains comme étant des « bolcheviks ») qui bientôt allaient mettre des bâtons dans les roues lors de la campagne de leur champion, menée tambour battant au premier tour, et même à l’américaine, Chirac débarquant en meeting en hélicoptère, comme ci-dessous à droite  à Clermont-Ferrand. D’où provenaient ses fonds de campagne pour hélichiracpayer les heures de vol, mystère et boule de gomme : il faudra attendre encore 7 ans (le 11 mars 1988 **) pour voir des lois fixant les règles de financement des partis, ou leur  financement public. Débarqué à Marseille, donc, le 24 février, Chirac avait durci son propos et fait un discours… plus que reaganien : « Chirac est lancé. Il frappe fort en dénonçant, le 24 février, à Marseille, « le collectivisme sournois qui s’est développé depuis sept ans ». « Si c’était cela qu’on voulait, ajoute-t-il, il fallait le dire : on aurait voté Mitterrand et ça n’aurait pas été pire. » Comme la France a atteint la cote d’alerte en matière de prélèvements obligatoires, le maire de Paris prend le contre-pied du giscardo-barrisme en proposant un grand programme de défiscalisation : la suppression de tout impôt sur le revenu pour tous ceux qui gagnent moins de 5 000 francs par mois et une baisse de 5 % pour tous les autres. Peu de temps auparavant, il prônait le volontarisme et la planification. Désormais, il plaide pour l’initiative privée et le « moins d’État ». L’étatiste est devenu libéral » dit Franz-Olivier Giesbert dans « Chirac, une vie » (***). Or, le soir du meeting à Marseille, Pasqua a dépêché ses fidèles pour assurer la protection rapprochée du candidat fraîchement descendu d’hélicoptère : il y a ainsi sur place Jean-Bruno Finochietti et Lionel Collard qui avaient déjà assuré « la protection de celui du 23 avril, organisé pour Hyacinthe Santoni et Joseph Comiti », précisent René Backmann et Georges Marion dans le  Nouvel Obs du 1er août 1981 (depuis le corse Santoni est passé chez Dupont-Aignan). Deux membres actifs du SAC, le premier étant un instituteur et le second un ancien de la légion.  Pasqua, ou plutôt son lieutenant, Pierre Debizet, ce pro-OAS qui avait laissé quelque temps sa place à la direction du SAC à… Paul Comiti, pour reprendre le secrétariat général en 1968, après les « événements » qui avaient secoué la France. Debizet avait rejoint auparavant Jean-Baptiste Biaggi, un corse maurassien (disparu en 2009), farouche anticommuniste, qui passera successivement de l’Action française, puis à la Résistance, avant de devenir gaulliste puis de le renier pour devenir partisan de l’OAS, et de soutenir le plus que droitier Jean-Louis Tixier-Vignancour, candidat à l’élection présidentielle et enfin  finir… au Front national (c’était un proche de proche de Bernard Antony).  Le soir du meeting marseillais  Chirac se garde bien d’attaquer davantage Giscard… plus tard une fois battu, il annoncera du bout des lèvres le soutenir, bien entendu…

LIRE sur: http://www.centpapiers.com/gilbert-collard-en-lanceur-de-bombe/

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Nicolas Bessone, un proc en mission

Nicolas-Bessone-726x400Des parlementaires mis en examen, des élus renvoyés devant les tribunaux, d’autres déjà condamnés… Pour ceux qui suivent les affaires corses, sous fond d’affairisme, d’assassinats de notables et de collusion entre pouvoir politique, milieux d’affaires et voyoucratie, c’est une révolution.

Un homme est au centre de cette inédite opération mains propres : à la tête du parquet de Bastia, le procureur de la République Bessone bouscule les habitudes. Et le sentiment d’impunité qui régnait dans l’île pourrait bientôt n’être plus que le signe d’un folklore désuet.

LIRE  sur: http://www.lelanceur.fr/nicolas-bessone-un-proc-en-mission-corse/

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Par Alexandre DevecchioBoualem SansalFIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN

Après les meurtres de policiers à Magnanville par un islamiste, l’écrivain Boualem Sansal compare la situation actuelle de la France à celle de l’Algérie au début de la guerre civile.

LIRE sur:

http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2016/06/17/31002-20160617ARTFIG00263-boualem-sansal-l-ordre-islamique-tente-progressivement-de-s-installer-en-france.php

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08/05/2016

Alessandro Bianchi/Reuters

Dans son nouvel ouvrage Pour en finir avec les mafias – Sexe, drogue, clandestins : et si on légalisait ?, Emmanuelle Auriol, professeure à l’Ecole d’économie de Toulouse, propose plusieurs moyens pour lutter contre le crime organisé. Opposée à la vision étatique actuelle, faisant de la prohibition la seule solution pour éradiquer ces marchés, elle estime que des politiques publiques couplant légalisation, répression et éducation auraient de meilleurs résultats – qu’ils soient économiques ou sociaux.

Vous êtes économiste. Pourquoi avoir écrit sur le sujet des marchés clandestins ?

emmanuelle_auriolEmmanuelle Auriol – Je fais de l’économie publique, donc je m’intéresse à l’action de l’Etat et, a fortiori, aux inefficacités du système. Le crime organisé est la source de beaucoup de problèmes dans notre société, avec notamment un coût social très élevé : corruption, exploitation du corps humain, maladies…. Ce marché déstabilise des zones économiques et géographiques entières. Et ça nous retombe sur la gueule, regardez les Talibans : ils se financent via le trafic d’héroïne et, après, ils font des attaques terroristes… Toute cette activité économique qui échappe à l’Etat nuit fortement à la société. C’est pour cela que ça m’intéresse de travailler là-dessus et de réfléchir à des solutions.

Dans votre ouvrage, vous expliquez que le choix de la France de baser ses politiques publiques sur la prohibition est un échec. Pourquoi ?

emmanuelle_auriolEn général, les partisans de la prohibition pensent qu’il est suffisant d’interdire un phénomène pour l’éradiquer. Mais supprimer l’offre ne suffit pas à supprimer la demande ! Dès lors que les citoyens ne peuvent avoir légalement accès à de la drogue ou aux services de prostituées, ils se tournent vers les réseaux du crime organisé, qui, eux, peuvent répondre à leur demande. Clairement, la prohibition comme seule solution est un échec : regardez le cannabis ! En France, on a la plus grosse consommation d’Europe, les arrestations se multiplient etc.

TOUT LIRE: http://www.lesinrocks.com/2016/05/08/actualite/emmanuelle-auriol-legalisation-cannabis-seule-voie-raisonnable-11824945/

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Afficher l'image d'origineExtrait de La Grande bouffe, Marco Ferreri – 1973Photo: http://www.vice.com/fr/read/la-grande-bouffe-stagiaire-918

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4 avril 2016  Par Olivier-Jourdan Roulot
Avec son association, Pour une démocratie directe, il est celui qui met les pieds dans le plat de la (petite) cuisine des parlementaires. À force de ténacité, ce prof de maths chantre du “pouvoir citoyen” a forcé l’Administration à lever partiellement le voile sur les avantages que nos élus s’octroient à l’Assemblée nationale et au Sénat. Après la réserve, le voilà qui s’attaque aux frais des parlementaires. Hervé Lebreton se dit “choqué” par l’augmentation que s’est attribuée le président de la région “Hauts de France” Xavier Bertrand, et que ce dernier à justifié par la perte de son IRFM, une indemnité destinée à couvrir les frais des députés mais que beaucoup prennent pour leur “argent de poche”.

Hervé Lebreton, un homme sort de la réserve (parlementaire)

Hervé Lebreton, président de « Pour une démocratie directe » © NICOLAS TUCAT / AFP

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Entretien.

Le Lanceur: Êtes-vous un lanceur d’alerte ?

Hervé Lebreton : Je me méfie du vocabulaire employé pour désigner les gens, par exemple quand on me qualifie d’empêcheur de tourner en rond… Il ne faut pas inverser les rôles : ce qui est anormal, c’est l’attitude des institutions et de certains parlementaires qui privilégient leur intérêt personnel en le faisant passer avant l’intérêt général, pas qu’un citoyen demande des comptes à son administration ou à son élu.

Alors, pour répondre, oui nous lançons des alertes en pointant certaines pratiques qui ne devraient pas exister, comme la réserve et l’enrichissement des parlementaires. Ou quand on pose la question du Code pénal. Maintenant, nous n’agissons pas dans le cadre de notre activité professionnelle.

Il y a eu un effort, mais ça ne suffit pas”

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L’Assemblée nationale

Le Lanceur:  Il y a quelques jours – c’est désormais une tradition – l’Assemblée a rendu public l’usage fait par les députés de leur réserve parlementaire. Ces informations vous ont-elles satisfait ?

Avec la modification de la loi organique [du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique, NdlR], il y a eu un effort de transparence. Pour autant, accéder aux informations pose encore problème : on ne nous dit pas précisément comment sont subventionnées les associations, même sous injonction des juges. Par ailleurs, les dérives n’ont pas disparu : on voit encore des associations présidées par des membres de la famille de parlementaires, quand ce ne sont pas eux-mêmes qui les président et bénéficient de cette manne, ou par des proches. Ensuite, en matière de démocratie locale, cette réserve permet d’arroser, avec des associations ou des collectivités. Et le problème est double quand il s’agit des sénateurs, élus par les grands électeurs. Alors, oui, il y a eu un effort, mais ça ne suffit pas.

Le Lanceur: Autre évolution, les montants attribués sont maintenant déterminés préalablement (130.000 euros pour un parlementaire de base, autour de 160.000 pour un sénateur), alors que ce système d’initiés reposait autrefois sur le poids politique de chacun… Estimez-vous que cette façon de financer ses bonnes œuvres avec l’argent public a tout de même été moralisée ?

Il faut voir les choses en face : dans la réalité, les parlementaires se sont partagé les parts d’un gâteau que rien ne prévoit, du point de vue de la loi. Sur le fond, ils étaient surtout inquiets de ne plus avoir autant de gâteau qu’avant, au lieu de se poser la question de savoir si c’est à eux de distribuer ou pas cet argent. C’est dramatique.

Les articles 54 et 57 de la loi organique de finances [LOLF] sont les seuls articles à faire référence à la réserve parlementaire. Ce texte post-Cahuzac sur la transparence de la vie publique précise qu’il doit y avoir un tableau dans la loi de règlement. Le Gouvernement est tenu de préciser qui a distribué quoi, et à qui. Maintenant, il va bien falloir se poser un jour les bonnes questions.

Le Lanceur: Posons-les. Dans ce qui a été publié il y a quelques jours, quels cas vous ont particulièrement choqué ?

Je n’ai pas envie de répondre, pour ne pas nourrir ce qui relève d’une opération de com… Je ne comprends pas comment on arrive en France à tolérer des pratiques qui ne devraient pas exister. Dans un référé de 2014, la Cour des comptes dit clairement que ces subventions coûtent très cher à l’État, à cause des circuits empruntés par cet argent public. C’est énorme : plus de 500 euros pour leur seule gestion par dossier. La Cour a réalisé un sondage, mettant en cause la responsabilité des ministres et des préfectures, parce que ce sont eux qui signent et qui ont laissé faire… Il y a une sorte de bulle créée, qui se dégonfle au moment des élections.

Le Lanceur: Cette bulle, que contient-elle ?

Sur 550 cas étudiés par la Cour des comptes, 40 % de ces subventions n’auraient pas dû passer. Ces demandes ne comportaient pas les documents nécessaires, ou elles n’avaient pas de rapport avec l’objet des subventions d’État. Dans le lot, certaines sont totalement légitimes, quand il s’agit de soutenir l’action d’associations d’intérêt général comme les Restos du Cœur, ou quand une commune a subi des catastrophes naturelles [au titre de la solidarité nationale]. Rien à redire dans ce cas. En revanche, quand une municipalité comme Le Perreux en profite pour gonfler son budget et construire des routes, ce n’est pas normal. Avec cette voie discrétionnaire, chacun fait un peu ce qu’il veut. Aider une commune parce que certaines personnes sont proches du pouvoir, ce n’est pas le rôle de l’État.

Les journalistes attachent plus d’importance aux communiqués de l’Assemblée et du Sénat qu’à ce que nous affirmons, sur une pratique qui n’a aucune existence légale. Ce faisant, ils font exister localement des élus nationaux qui ne représentent pas une circonscription mais l’ensemble de la nation”

Le Lanceur: Vous qualifiez d’opération de communication la publication par les assemblées de l’usage de la réserve… Pourriez-vous développer ?

Les journalistes attachent plus d’importance aux communiqués de l’Assemblée et du Sénat qu’à ce que nous affirmons, sur une pratique qui n’a aucune existence légale. Ce faisant, ils font exister localement des élus nationaux qui ne représentent pas une circonscription mais l’ensemble de la nation. Résultat, on communique et on se fait mousser avec des articles dans lesquels on lit que tel sénateur ou tel député a mis la main à la poche de sa réserve, pour des subventions d’État dont ils n’ont pas à décider.

Le Lanceur: De votre point de vue, la réserve – parce qu’elle favorise le clientélisme – devrait être purement et simplement supprimée…

Chacun doit se recentrer sur ses missions, au nom de la séparation des pouvoirs : que les ministères octroient des subventions relève de leurs prérogatives. Ce n’est pas aux parlementaires de les flécher, ils n’ont pas été élus pour ça. Cette pratique a poussé l’État à subventionner des choses qui ne rentrent pas dans ses attributions. Qu’on accepte encore ce passe-droit, qui méconnaît la Constitution, est impensable. Les parlementaires ont trois missions : voter la loi, contrôler le gouvernement et évaluer les politiques publiques. Qu’ils en restent là.

Le Lanceur: Il est donc trop tôt pour décréter ce dossier de la réserve classé ?

Actuellement, nous sommes en contentieux avec le ministère des Finances. Le 21 janvier 2015, nous avons obtenu une décision de la justice obligeant Bercy à nous fournir l’ensemble des subventions de 2012 attribuées via la réserve parlementaire par ce ministère. Depuis, on ne nous a toujours pas fourni ces éléments… Nous sommes obligés de prendre attache avec le juge pour demander que cette décision qui condamne le ministère soit mise à exécution !

Le Lanceur: Comment expliquez-vous cette rétention manifeste de Bercy ?

bercy2Je ne l’explique pas. À chaque fois, le ministère s’arrange pour répondre au terme des délais, ou donner un petit bout d’information, et nous faire patienter. C’est incompréhensible qu’en 2016 on n’ait pas un accès direct et simple à l’utilisation de l’argent de l’État. Plus généralement, on ne s’arrêtera pas tant que cette pratique n’aura pas été supprimée. Les passe-droits et les pistons, ce n’est pas tolérable dans une république démocratique digne de ce nom !

Qu’un parlementaire mange est normal, mais ce n’est pas parce qu’on est parlementaire qu’on mange plus”

Le Lanceur: Après la réserve, vous vous attaquez à un autre de ces petits avantages que les parlementaires s’octroient en toute discrétion : l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM)…

Oui, il y a beaucoup de choses à en dire. L’IRFM est versée aux parlementaires alors que les assemblées prennent déjà en charge le paiement des assistants, les frais de déplacement, l’hébergement à Paris… En plus, on verse cette somme d’environ 6 000 euros. Pour quoi faire ? On se pose la question. On peut comprendre qu’il y ait un poste pour disposer d’une permanence parlementaire. En revanche, qu’un parlementaire mange comme tout le monde est normal, mais ce n’est pas parce qu’on est parlementaire qu’on mange plus. Qu’il s’habille correctement, aussi… On peut admettre l’achat d’un costume neuf tous les deux ans – ça paraît raisonnable comparé à d’autres métiers, comme ceux de la finance ou de la vente. Et ensuite ? Comment peut-on dépenser 6 000 euros par mois en costume ou en coiffeur ?

Le Lanceur: Quel circuit emprunte cet argent ? Il s’agit donc de dépenses personnelles…

Oui, cet argent a très certainement servi à des dépenses personnelles. Elles sont compliquées à tracer parce que les assemblées le versent sans aucun contrôle. On parle ici d’enrichissement personnel, notamment par le remboursement d’achat des permanences. Ce n’est qu’une petite partie de l’iceberg qu’on voit dépasser.

Le Lanceur: Là encore, vous constatez le même déni de la représentation nationale ?

On peut se référer à ce que Bernard Roman, une des personnes les plus à même de savoir à quoi sert cet argent, a expliqué au micro d’un journaliste de LCP. Le premier questeur de l’Assemblée nationale a dit que l’IRFM ne devait plus servir à rembourser l’achat d’une permanence ou d’une résidence dans la circonscription, ou un studio à Paris. J’en conclus que ça a effectivement servi à ça. Les députés sur lesquels notre enquête a porté ont financé ces achats par un prêt consenti par l’Assemblée nationale, qui couvrait non seulement l’achat mais aussi les frais de notaire. Résultat, en remboursant avec leur IRFM, ils sont devenus propriétaires d’un bien immobilier sans sortir un seul sou de leur poche !

Le Lanceur: Vous vous apprêtez à publier de nouveaux éléments sur le sujet…

Les décisions des assemblées n’ont pas été à la hauteur de ce que nous dénoncions dans un premier rapport. D’ici quelques jours, nous allons sortir un petit guide pour expliquer comment les parlementaires peuvent utiliser leur IRFM. Quand on a posé le problème, le Sénat a donné un an aux parlementaires pour arrêter ce système. De son côté, l’Assemblée nationale a fait inscrire à son règlement le fait que ceux qui remboursent déjà ces achats pourront continuer à le faire… Je ne comprends pas cette logique : soit c’est un mécanisme anormal et il faut arrêter tout de suite, soit c’est quelque chose de parfaitement normal ! Ces institutions n’ont fait que colmater les brèches, faisant croire que le problème était résolu. Dans la pratique, rien n’est transparent, il n’y a toujours aucun contrôle, et celui qui veut continuer peut le faire.

Le Lanceur: Vous posez la question de potentielles prises illégales d’intérêts…

On a soulevé le problème de la légalité l’année dernière. En face, on a entendu des gens qui sont à la fois juges et parties : M. Dosière [député PS de l’Aisne], qui passe un peu pour le chevalier blanc, est sorti dans tous les médias pour expliquer que la pratique de l’IRFM ne souffrait aucune critique. Nous nous sommes renseignés. À ce stade, nous n’avons pas validé cette interprétation. Mais la question se posera certainement un jour, et ce ne sera pas à un parlementaire d’y répondre. C’est au juge de le faire, à personne d’autre.

Le Lanceur: La République française et ses mécaniques opaques, telles que vous les avez découvertes, est-elle moins vertueuse que les autres grandes démocraties ?

Elle est perfectible, en tout cas. À chaque fois que nous soulevons un caillou, on trouve un cadavre. Que des gens essaient d’abuser de leur pouvoir à des fins personnelles ou pas, ce n’est pas normal, mais on peut comprendre que ça existe. En revanche, que les institutions ne réagissent pas pose un vrai problème. Quand on observe certaines démocraties anglo-saxonnes ou du nord de l’Europe, avec une séparation des pouvoirs réellement mise en pratique, on constate que nous avons des choses à apprendre. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé en Angleterre en 2009 [Hervé Lebreton fait ici référence au scandale des notes de frais des parlementaires] : ça s’est terminé avec 250 parlementaires auditionnés, certains ont été en prison, et chaque citoyen anglais peut désormais savoir ce que font les parlementaires.

En France, on est dans une tout autre situation : ici, nos élus se moquent d’avoir des comptes à rendre, ou alors les citoyens ne s’y intéressent pas. Dans les faits, le pouvoir ne veut pas se réformer, voilà le constat.

Le Lanceur: On imagine volontiers la façon dont votre propos est reçu…

Oui, dès qu’on dit quelque chose, on est traité de poujadiste, de populiste. Le discours est encore une fois bien rodé, pour décrédibiliser les lanceurs d’alerte. Mais ce n’est pas moi, parce que je pointe du doigt certaines dérives, qui suis responsable de cette situation et donc qui fais monter les extrémistes. Ce discours est trop facile. Oui, il y a des élus qui profitent de leur mandat.

Maintenant, plutôt que crier “tous pourris”, il faut prendre des décisions pour éviter que ces choses ne se reproduisent. Face à nous, il y a deux options : soit on continue de creuser le fossé, et chacun fait ses affaires de son côté, soit on essaie de combler ce fossé. Il faut que des gens fassent avancer les choses, et le faire sans concession.

Le Lanceur: Un mot enfin sur les revenus de Xavier Bertrand, qui font polémique depuis quelques jours. Le président du conseil régional des Hauts-de-France justifie l’augmentation qu’il s’accorde (1) par la perte de l’IRFM, dont il ne bénéficie plus…

J’ai regardé cette histoire. Qu’on mette l’IRFM dans les revenus dont cet élu disposait avant [i.e. avant que Xavier Bertrand ne démissionne de son mandat de député], c’est énorme. Une fois encore, on est sur cette limite pas très claire entre intérêt privé et public. On fait comme s’il s’agissait d’argent de poche du parlementaire, alors que cette enveloppe est destinée à couvrir des frais qui ne le sont pas encore par les assemblées. C’est ce qui me choque le plus. Clairement, ça montre la façon dont les parlementaires considèrent cet argent. Pour conclure, M. Bertrand ne dit pas pourquoi il s’est augmenté. Quand il explique que ce n’est pas pour gagner de l’argent, parce que autrement il ferait autre chose que la politique, c’est très gros. Cette augmentation a bien été proposée par quelqu’un…

1. L’affaire a été révélée par nos confrères de La Voix du Nord, avant de rebondir sur Europe 1.

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La salle des Conférences du Sénat

L’argent des parlementaires
Députés : 12 870 € bruts par mois
Sénateurs : 14 940 € bruts par mois

Dans le détail– Indemnité parlementaire (calculée à partir de 3 indemnités, de base, de fonction et de résidence) : 7 100,15 € bruts pour les parlementaires de base– Indemnité représentative de frais de mandat (non imposable) : 5 770 € bruts pour les députés, 7 840 € bruts pour les sénateurs.

À noter que les parlementaires jouissent d’une fiscalité extrêmement avantageuse, qualifiée parfois de “paradis fiscal”. Pour commencer, une part importante de leurs indemnités échappe à l’impôt : c’est le cas pour l’IRFM et l’indemnité de fonction, non imposables. Un petit cadeau de 7 190 euros pour les députés et de 9 260 euros pour les sénateurs. Par ailleurs, ils paient moins d’impôts que le commun des mortels : le montant de leur impôt est en effet calculé indemnité par indemnité, une astuce qui leur permet de rester à un seuil inférieur par rapport à la tranche dont ils dépendraient en cas de calcul cumulé.

Autres avantages

– Enveloppe collaborateurs : 9 504 € bruts pour les députés, 7 548,10 € pour les sénateurs

– Prise en charge des frais de transport (train, taxi, avion)

S’enrichir au Parlement

Dans un rapport rédigé après avoir mené l’enquête, l’association Pour une démocratie directe décrit comment certains parlementaires s’enrichissent au cours de leur mandat.

Voici par exemple le cas éloquent d’un maire élu député en 2002 :

– En 2003, notre homme fait l’acquisition d’une permanence parlementaire, d’une valeur de 126 380 euros. Un achat qu’il finance sans aucun apport personnel. En effet, l’Assemblée nationale lui consent un prêt qui couvre à la fois le prix d’achat dans sa totalité et les frais de notaire. Dans le détail, elle lui prête une première somme de 113 742 euros, puis une seconde de 22 748 euros, à 2 % sur 10 ans (soit 108 % du prix d’achat).

– Pendant huit ans, grâce à l’argent de l’IRFM, l’heureux député-maire va pouvoir rembourser directement son prêt et/ou se payer un loyer. Sur la base d’un loyer de 1 500 euros, le bien est quasiment entièrement remboursé au bout de cette période.

– En 2011, l’élu revend sa permanence. Résultat, un enrichissement personnel de 165 000 euros, prix de la revente. Mieux, comme le pointe l’association, cet argent prêté par l’Assemblée au taux très avantageux de 2 % a en réalité été emprunté par l’État pour la même durée à… 4,12 %. On le voit, l’opération se révèle gagnante sur toute la ligne pour monsieur le député-maire, sur le compte de l’argent public.

La combine est tellement bonne que le même a remis le couvert en avril 2013, en s’offrant une nouvelle permanence parlementaire de 190 000 euros !

Autre exemple, un de ses collègues, également député-maire, s’est offert une résidence dans sa circonscription en septembre 2009, deux ans après son entrée au palais Bourbon :

– Pour financer cet achat de 215 000 euros, l’Assemblée lui consent un prêt couvrant 116 % du prix d’achat, à un taux de 2 % sur 10 ans. Le bien est revendu en 2011. L’opération se révèle admirablement profitable pour l’élu : 295 000 euros, soit une superbe plus-value de 80 000 euros sur seulement deux ans – et ce sans même compter sur le remboursement grâce à l’argent de l’IRFM !

– Dans la foulée, l’édile acquiert une autre résidence, dont le prix de vente est fixé à 250 000 euros. Cette fois, le prêt consenti par la très généreuse Assemblée (toujours à 2 %, sur 8 ans) ne couvre que 84 % du prix d’achat. Mais heureusement l’IRFM et l’argent encaissé sur la revente du premier bien le dispensent de sortir de moindre euro…

Évidemment, comme dans le cas précédent, l’État a chaque fois emprunté à des taux supérieurs à ceux qui lui ont été consentis (3,62 % en septembre 2009 et 2,5 % en septembre 2011).

À travers ces deux exemples, on voit combien la position de parlementaire est mise à profit par certains, qui utilisent toutes les ficelles (taux extrêmement bas, frais de dossier inexistants, financement total du projet, avance de trésorerie…) pour se constituer un patrimoine entièrement offert sur le compte de l’argent public.

Sur la base de son travail d’enquête, l’association Pour une démocratie directe peut notamment constater que 24,4 % des députés sont propriétaires de leur permanence en circonscription et que 17,3 % d’entre eux ont acheté une résidence secondaire dans leur circonscription avec l’argent de l’Assemblée nationale…

SOURCE: http://www.lelanceur.fr/herve-lebreton-un-homme-sort-de-la-reserve-parlementaire/

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Pour voir ou revoir ONPC dont Edwy Plenel était l’invité hier soir pour la sortie du livre « Dire nous », c’est ici

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Ukraine's President Petro Poroshenko. Archive photo

10:33 12.04.2015(mis à jour 11:22 12.04.2015) 

La guerre en Ukraine paraît être jugulée, mais le spectre de la reprise des hostilités hante les bureaux bruxellois. Quant à la diplomatie ukrainienne, elle cavale par monts et par vaux, avec une nouvelle approche du Quai d’Orsay effectuée sans anicroche par le Ministre des Affaires Etrangères ukrainien M.Klimkine.

En fait, il y a gros à gagner, car le président Porochenko a fait monter les enjeux: il veut cette fois-ci que les Casques bleus soient présents sur la ligne de démarcation. Le Kosovo à l’envers un peu!Georges Estievenart se préoccupe beaucoup des problèmes de la sécurité en Europe. Voici ce qu’un chercheur chevronné, ancien haut-fonctionnaire à Bruxelles, pense de la conjoncture actuelle d’un conflit qu’il suit de près.
Question. Vous êtes un haut spécialiste des problèmes sécuritaire en Europe, vous avez collaboré avec Bruxelles… Vous travaillez dans le cadre des deuxthink tanks parisiens d’une importance stratégique pour la France. Que pensez-vous de la situation actuelle en Ukraine, surtout dans le cadre de la visite à Paris de M.Klimkine, ministre des AffairesEtrangères d’Ukraine?Georges Estievenart. Evidemment je ne suis pas sur place. Je suis donc obligé d’avoir mon jugement à travers surtout l’information qui me vient de là-bas. Je constate surtout que malgré les difficultés de l’Ukraine qui sont grandes — économiques et puis celles de trouver aussi un consensus à l’intérieur du pays sur le sort à réserver dans l’avenir aux provinces de l’Est. Malgré tout cela et à la suite de la signature de l’accord de Minsk du 12 février dernier, je dois constater que la situation est bien moins mauvaise qu’elle ne paraît l’être encore aujourd’hui.

Je crois que nous venons d’avoir la visite à Paris du Ministre des Affaires Etrangères de l’Ukraine M. Pavel Klimkine. Il s’est entretenu avec le Ministre français Laurent Fabius. Je dois constater que l’on a quand même réussi pour le moment de mettre en marche une mécanique qui inclut bien entendu la Russie, l’Ukraine, les forces dissidentes ou séparatistes en Ukraine. Cette espèce de nouvel instrument qui est le format des négociations normandes. Parce ce que ce n’est que grâce à lui qu’ont abouti les accords de Minsk. Et comme cet accord est en voie de réalisation, on constate évidemment que le cessez-le-feu, bien entendu, n’est pas parfait à 100%, loin de là! Mais enfin il est toujours là et il tient pour le moment.Je crois encore une fois qu’un mécanisme de rencontre et de négociations se poursuit un petit peu partout — en Ukraine, mais aussi ici en Europe. Les passages fréquents à Paris en témoignent; Et bientôt il y aura d’ailleurs une rencontre très importante des ministres des affaires étrangères à Bruxelles.

Q. Quid des retombées pratiques de la visite de M. Klimkine, peut-on déjà se prononcer ou il est trop tôt pour cela?
Georges Estievenart. Il est un peu difficile de pouvoir juger les retombées concrètes immédiates de cette visite. Je crois d’ailleurs qu’elle avait surtout pour but de préparer les rencontres qui suivent. Et notamment la visite prévue du président Porochenko à Paris le 22 avril. Mais je crois aussi qu’ils discutent d’une mise en œuvre des 13 points des accords de Minsk qui est un accord quand même extrêmement complet. Et au fur et à mesure qu’on avance dans le temps et que les réalisations sont constatées, j’ai l’impression qu’on fait tout de même des progrès importants vers une stabilisation et peut-être une pacification du conflit;

Q. Pour ce qui est de la figure politique du président Porochenko, il s’est prononcé pour la révision des accords de Minsk en faveur de l’introduction des Casques bleus de l’ONU dans la zone du conflit. Que pensez-vous de la faisabilité de cette manœuvre?Georges Estievenart. Je pense qu’effectivement c’est un thème difficile et acceptable à la fois par les séparatistes ukrainiens et par la Russie. Ca va être certainement l’un des sujets majeurs justement qui vont faire l’objet de la discussion des ministres à Bruxelles du format Normandie. Il y a derrière ça un problème qu’il ne faut pas nier! L’OSCE rencontre des difficultés dans le contrôle de la mise en œuvre de l’accord.
Mais il y a peut-être d’autres moyens que le recours à une force internationale qui exige une décision du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Tout ça ne sera pas facile et forcément il faudra l’accord de la Russie. Si sans aller jusque là, il y a peut-être les moyens de renforcer le dispositif OSCE en place actuellement qui sont, eux, par contre négociables et qui ne reviendraient pas sur le principe même de ce contrôle exercé par l’OSCE tel qu’il est prévu dans l’accord de Minsk.

Moi, je crois, à titre de conclusion générale, bien difficile de bouger au cours de cette année-là par rapport au texte de Minsk 2. Le respect du texte de Misnk 2 et son exploitation maximale me paraissent vraiment une solution optimale dans l’immédiat.

Q. M. Porochenko s’est prononcé dernièrement sur le rôle joué par Staline. Il l’a comparé à celui de Hitler. Ce qui n’est pas sans être explicable par la jeunesse du pays. Christine Dugpoin-Clément a traité l’Ukraine de « pays jeune qui ne possède pas d’histoire démocratique et reste marqué par des tensions affectives et passionnelles énormes ». Alors peut-on dire que M.Porochenko est allé un peu trop vite en besogne pour cette comparaison historique?Georges Estievenart. Je ne sais s’il y est allé un peu vite, mais il est sûr qu’il est allé un peu trop loin en tout cas dans ses comparaisons! (Rire) Tous les jours sur la scène politique entre des adversaires on a ce genre d’échanges. On peut bien que M.Porochenko est soumis à l’intérieur même de son pays à des pressions et des tensions énormes. Mais je crois que personne n’a intérêt à cautionner ou à prendre à son compte ce genre de propos.

J’ai l’impression encore une fois qu’il faut attacher beaucoup d’importance au rôle qui était joué par le tandem franco-allemand dans ce processus et au fait que la Russie semble en avoir tenu compte puisque bon an mal an la mise en œuvre de l’accord de Minsk progresse pour l’instant. Et on espère que ça va continuer ainsi. Du côté franco-allemand, à l’intérieur de l’UE à 28 partenaires, on a des positions qui sont intermédiaires entre ceux qui auraient plutôt une attitude dure et, le cas échéant, belliqueuse vis-à-vis de la Russie et puis ceux qui pensent qu’il vaut mieux être complètement passifs.

Les positions franco-allemandes ne sont pas celles-là. La traduction d’une position raisonnable et raisonnée et qui tient compte dans le processus des intérêts russes et qui va essayer de pousser à chercher avec l’UE à retrouver une relation vraiment constructive, indispensable entre l’UE et la Russie; Je crois beaucoup plus à ce genre d’attitude et certainement que ce tandem franco-allemand ne va pas du tout reprendre à son compte des comparaisons historiques que tout le monde peut faire et qui, en même temps, n’ont pas de substance.

Commentaire. Croire ou ne pas croire en bonne volonté de M.Porochenko relève de la quadrature du cercle. En attendant les émissaires de l’OSCE égrènent mélancoliquement et méthodiquement les exactions commises par la prétendue armée ukrainienne. On dit bien « prétendue », car elle n’obéit pas à son président, mais aux seigneurs de la guerre qui ont fait renaître le phénomène des mercenaires européens du temps des guerres de religion en France. Qu’importe! Le tout c’est de savoir qui est le bon et qui le méchant. Les troupes dites séparatistes ont beau se battre pour leur domicile et la survie de leurs enfants sous les bombes du Président Porochenko, ils resteraient toujours dissidents aux yeux de Kiev. Même s’ils ont cessé les hostilités et ne répondent même pas aux provocations de l’adversaire.Les opinions exprimées dans ce contenu n’engagent que la responsabilité de l’auteur.

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Edition / polar / 10 mai 2015 / Olivier-Jourdan Roulot

Ce samedi, à Marseille, le grand James Ellroy portait un blazer bleu et des tennis blanches. Je l’ai rencontré en petit comité, l’auteur de L.A Confidential étant en tournée pour la sortie de son 14ème roman. L’occasion de l’entendre évoquer un certain… Bruno Mégret.

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Excellente interview d’EuroNews (fichtre, ça fait plaisir, ça change de BHL !) toute fraîche du grand Noam Chomsky…Il est l’un des plus grands intellectuels du monde, auteur prolifique et anarchiste autoproclamé. A 86 ans l‘âge ne semble pas le ralentir.  Il combat toute une série d’injustices, avec l’Occident en général dans sa ligne de mire.

Noam Chomsky : une vie de militant

  • Noam Chomsky est né le 7 décembre 1928 à Philadelphie, Etats-Unis
  • Il a commencé à travailler à l’Institut de Technologie du Massachusetts en 1955
  • Il est un éminent linguiste, philosophe et militant politique
  • Son travail dans les années 50 a révolutionné le domaine de la linguistique
  • Il se fait connaître pour son activisme contre la guerre du Vietnam
  • Il s’oppose aux élites dirigeantes et est devenu une critique acerbe de la politique étrangère américaine et occidentale
  • Il a écrit des centaines de livres

Noam Chomsky nous a reçus dans son bureau à l’Institut de Technologie du Massachusetts (le 17 avril 2015).

Isabelle Kumar, euronews :
Noam Chomsky merci d‘être avec nous. Le monde en 2015 semble très instable, mais d’une façon générale, êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste ?

Noam Chomsky :
Au niveau mondial, nous courons vers un précipice : nous ne pouvons que chuter dans l’abîme, ce qui réduit fortement nos chances d’une survie décente.

Isabelle Kumar, euronews :
De quel précipice s’agit-il?

Noam Chomsky :
Il y en a deux en fait : le premier est environnemental. Une catastrophe écologique est imminente, et nous n’avons que trés peu de temps pour en la limiter. Nous n’allons pas dans le bon sens. L’autre date de 70 ans, c’est la menace d’une guerre nucléaire, qui est en fait toujours croissante. Si vous regardez bien ce dossier, c’est un miracle que nous ayons survécu.

Isabelle Kumar, euronews :
Regardons les questions environnementales d’abord. Nous avons demandé aux internautes, sur les réseaux sociaux, de nous envoyer des questions, et nous en avons reçu des milliers. Nous avons reçu cette question de Enoa Agoli, qui demande : “ quand vous analysez la question de l’environnement avec le regard d’un philosophe , que pensez-vous du changement climatique?”

Noam Chomsky :
L’espèce humaine est vieille d’environ 100 000 ans, et elle est maintenant face à un tournant de son histoire . Cette espèce est dans une position où elle va bientôt décider, d’ici quelques générations, si l’expérimentation de la vie dite intelligente peut continuer, ou si nous sommes déterminés à la détruire. Les scientifiques reconnaissent que les combustibles fossiles doivent être laissés dans le sous- sol si nos petits-enfants veulent avoir des perspectives décentes. Mais les structures institutionnelles de notre société font pression pour essayer d’extraire la moindre goutte. Les effets, les conséquences humaines prévisibles du changement climatique dans un avenir proche, sont catastrophiques et nous courons vers ce précipice.

Isabelle Kumar, euronews :
En termes de guerre nucléaire, nous savons tous maintenant que l’Iran a conclu un accord préliminaire . Est-ce que cela ne vous donne pas une lueur d’espoir que le monde pourrait être un endroit plus sûr ?

Noam Chomsky :
Je suis pour les négociations avec l’Iran, mais ces discussions sont profondément viciées. Il y a deux états au Moyen-Orient qui multiplient des agressions, de la violence, des actes terroristes, des actes illégaux, en permanence. Ils sont tous les deux des États très puissants, dotés d’armes nucléaires et de tout un armerment . Et leurs armes nucléaires ne sont pas prises en compte.

Isabelle Kumar, euronews :
A qui faites-vous allusion ?

Noam Chomsky :
Les Etats-Unis et Israël. Les deux états nucléaires majeurs dans le monde. Je veux dire qu’il y a une raison pourquoi, dans les sondages internationaux, gérés par des instituts de sondages américains, les États-Unis sont considérés comme la plus grande menace à la paix mondiale, par une majorité écrasante. Il est assez intéressant que les médias américains aient refusé de publier cela.

Isabelle Kumar, euronews :
Vous n’accordez pas une très grande estime au président américain Barack Obama. Mais avec cet accord avec l’Iran, ne le voyez-vous pas sous un meilleur jour ? Le fait qu’il s’efforce de réduire la menace d’une guerre nucléaire ?

Noam Chomsky :
En fait il ne fait rien. Il a juste lancé un programme de plusieurs billions de dollars de la modernisation desarmes nucléaires américaines, ce qui signifie l’expansion du système nucléaire. C’est une des raisons pour lesquelles la célèbre horloge de l’apocalypse, établie par le Bulletin of Atomic Scientists, a, il y a quelques semaines, avancé de 2 minutes, donc plus près de minuit. Minuit est la fin. Il est maintenant 3 minutes avant minuit. C’est du jamais vu depuis 30 ans, depuis les années Reagan quand il y avait un risque imminent de grande guerre nucléaire .

Isabelle Kumar, euronews :
Vous avez mentionné les États-Unis et Israël avec l’Iran. Maintenant , le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu rejette l’accord préliminaire sur le nucléaire iranien, et il dit …

Noam Chomsky :
Nous savons pourquoi . L’Iran a de très faibles dépenses militaires , même selon les normes de la région. La doctrine stratégique de l’Iran est défensive. Elle est conçue pour tenir à distance une attaque, assez longtemps, pour que la diplomatie prenne le relais. Les États- Unis et Israël, deux Etats voyous, ne veulent plus tolérer la menace. Aucun analyste stratégique ne pense que l’Iran puisse un jour utiliser une arme nucléaire. Même s’il le faisait, le pays serait simplement vaporisé, et il n’y a aucune indication que les mollahs au pouvoir, quoi que vous en pensiez , veulent voir leur pays détruit.

Isabelle Kumar, euronews :
Encore une question sur ce problème, par l’intermédiaire des réseaux sociaux , de Morten A. Andersen qui demande: « Croyez-vous que les Etats-Unis puissent un jour parvenir à un accord qui serait dangereux pour Israël ?”

Noam Chomsky :
Les États-Unis mènent en permanence des actions qui sont dangereuses pour Israël, très sérieusement. Tout en faisant croire qu’ils soutiennent la politique israélienne. Dans les 40 dernières années, la plus grande menace pour Israël a été sa propre politique. Si vous regardez en arrière, en 1970 , Israël a été l’un des pays les plus respectés et les plus admirés dans le monde. Il y avait beaucoup d’attitudes favorables. Il est maintenant l’un des pays les plus détestés et craints dans le monde. Au début des années 70, Israël a pris une décision . Ils avaient le choix, et ils ont préféreré l’expansion à la sécurité, avec des conséquences très dangereuses. C‘était déjà évident à l‘époque – je l’ai écrit et d’autres personnes l’ont fait : si vous préférez l’expansion à la sécurité, cela conduit à une dégénérescence interne, la colère, l’opposition, l’isolement et la destruction ultime éventuellement. Et en soutenant ces politiques , les Etats-Unis contribuent à la menace à laquelle Israël est confrontée.

Isabelle Kumar, euronews :
Cela m’amène à la question du terrorisme, un fléau mondial et certaines personnes , je pense , y compris vous-même, diront qu’il y a un retour de bâton de la politique américaine internationale. A quel niveau les États-Unis et ses alliés sont-ils responsables des attaques terroristes dans le monde entier ?

Noam Chomsky :
Rappelez-vous que la pire campagne terroriste dans le monde est de loin, celle qui est orchestrée à Washington même. C’est une campagne mondiale d’assassinat. Il n’y a jamais eu de campagne terroriste de cette échelle .

Isabelle Kumar, euronews :
Quand vous parlez de campagne globale d’assassinat …

Noam Chomsky :
La campagne de drones – c’est exactement cela. Sur de grandes parties du monde , les Etats-Unis, publiquement, ouvertement – il n’y a rien de secret dans ce que je dis , nous le savons tous – réalisent une campagne d’assassinat de personnes suspectées de nuire un jour au gouvernement américain. Et en effet c’est, comme vous l’avez dit , une campagne de terreur, et quand vous bombardez un village au Yémen , par exemple , que vous tuez quelqu’un – peut-être la personne que vous visiez, peut-être pas – et que d’autres personnes qui se trouvaient dans le quartier meurent elles-aussi – comment pensez-vous que les gens vont réagir ? Ils vont se venger .

Isabelle Kumar, euronews :
Vous décrivez les États-Unis comme le principal Etat terroriste. Comment se place l’Europe alors selon vous?

Noam Chomsky :
Eh bien, c’est une question intéressante. Une étude récente, je crois qu’elle a été faite par la Fondation Open Society [indique que] la pire forme de torture, c’est le transfert de prisonniers.
Vous prenez quelqu’un que vous pensez être responsable de quelque chose, et vous les envoyez à votre dictateur favori, peut-être Assad ou Kadhafi ou Moubarak, pour qu’il soit torturé, en espérant que peut-être quelque chose va en sortir. C’est extraordinaire ce transfert. L‘étude s’est penchée sur les pays qui ont participé, bien évidemment les dictatures du Moyen-Orient, car c’est là que les prisonniers ont été envoyés pour être torturés, et l’ Europe. La plupart des pays européens ont participé : l’Angleterre, la Suède, d’autres pays. En fait, il y a une seule région du monde où personne n’ a participé: c’est l’Amérique latine. Ce qui est assez dramatique. L’Amérique latine est maintenant à peu près hors de contrôle des États-Unis. Quand elle était contrôlée par les Etats-Unis, il n’y a pas si longtemps, c‘était le centre du monde de la torture. Maintenant, l’Amérique latine ne participe pas à la pire forme de torture qui soit. L’Europe a participé. Quand les maîtres rugissent, les serviteurs se couchent.

Isabelle Kumar, euronews :
L’Europe est la servante des Etats-Unis ?

Noam Chomsky :
Certainement . Ils sont trop lâches pour adopter une position indépendante .

Isabelle Kumar, euronews :
Quelle portrait faites-vous de Vladimir Poutine ? Il est décrit comme l’une des plus grandes menaces pour la sécurité, non?

Noam Chomsky :
Comme la plupart des dirigeants , il est une menace pour sa propre population. Il a décidé des actions illégales, évidemment. Mais le décrire comme un monstre fou qui souffre d’une maladie du cerveau et qui est atteint d’Alzheimer, une créature maléfique, c’est un standard de fanatisme orwellien. Je veux dire, quoi que vous pensiez de ses politiques, elles restent logiques. L’idée que l’Ukraine puisse rejoindre une alliance militaire occidentale serait inacceptable pour tout dirigeant russe. Cela remonte à 1990, lorsque l’Union soviétique s’est effondrée. Il y avait déjà la question de ce qui se passerait avec l’OTAN. Gorbatchev a accepté l’idée que l’Allemagne soit unifiée et rejoigne l’OTAN . C‘était une concession assez remarquable avec un quid pro quo : que l’OTAN ne s‘étende pas d’un pouce vers l’est . C’est l’expression qui a été utilisée.

Isabelle Kumar, euronews :
Donc, la Russie est tombée dans une provocation ?

Noam Chomsky :
Qu’est-ce qui est arrivé ? L’OTAN s’est déplacé jusqu’en Allemagne de l’Est, puis Clinton a étendu la prépondérance de l’OTAN jusqu’ aux frontières de la Russie. Maintenant , le nouveau gouvernement ukrainien, après le renversement du précédent, a voté à 300 voix contre 8 ou presque, la résolution pour rejoindre l’OTAN .

Isabelle Kumar, euronews :
Mais vous pouvez comprendre pourquoi ils veulent adhérer à l’OTAN , vous pouvez comprendre que pour le gouvernement de Petro Porochenko, ce serait assurer la protection de leur pays ?

Noam Chomsky :
Non, non, non, ce n’est pas une protection. La Crimée a été prise après le renversement du gouvernement, n’est-ce pas ? Personne ne protége l’Ukraine. Tout cela menace l’Ukraine d’une guerre majeure. Vouloir rejoindre l’Otan n’est pas une protection. Le fait est que cela représente une menace stratégique sérieuse pour la Russie, quel que soit son dirigeant. C’est bien connu.

Isabelle Kumar, euronews :
Si nous regardons la situation en Europe maintenant, il y a aussi un autre phénomène intéressant qui se déroule. Nous voyons la Grèce se rapprocher de l’Est, c’est en tout cas le souhait du gouvernement Syriza. Nous voyons aussi Podemos, qui est en train de gagner le pouvoir en Espagne, ainsi qu’en Hongrie. Pensez-vous qu’il y a une possibilité que l’Europe se rapproche des intérêts russes ?

Noam Chomsky :
Jetez un oeil à ce qu’il se passe. En Hongrie la situation est totalement différente. Syriza est arrivé au pouvoir sur la base d’une vague populaire qui montre que la Grèce ne veut plus se soumettre aux politiques de Bruxelles et aux banques allemandes qui détruisent le pays. Ces politiques ont été faites pour augmenter la dette de la Grèce, par rapport à sa production de richesse ; environ la moitié des jeunes sont au chômage, presque 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, on détruit la Grèce.

Isabelle Kumar, euronews :
Faut-il annuler la dette grecque ?

Noam Chomsky :
Oui, comme en Allemagne. En 1953, quand l’Europe a annulé la plupart de la dette de l’Allemagne. Juste comme ça, pour que l’Allemagne soit en mesure de rembourser les dommages de guerre .

Isabelle Kumar, euronews :
Donc, on devrait aussi annuler la dette du Portugal ? et l’Espagne aussi ?

Noam Chomsky :
Qui a engagé cette dette ? Et qui à qui doit-on la rembourser ? La dette a en partie été contractée par des dictateurs. En Grèce c‘était la dictature fasciste, soutenue par les États-Unis. La dette, je pense, était plus brutale que la dictature. C’est ce que l’on appelle en droit international , une «dette odieuse», qui ne doit pas être payée, et c’est un principe introduit dans le droit international par les Etats-Unis, quand il était dans leur intérêt de le faire. Une grande partie du reste de la dette, ce qu’on appelle les paiements à la Grèce sont des paiements aux banques, allemandes et françaises, qui ont décidé de faire des prêts très risqués avec de faibles taux d’intérêt, et qui sont maintenant confrontées au fait qu’ils ne peuvent être remboursés.

Isabelle Kumar, euronews :
Je vais vous poser cette question maintenant, de Gil Gribaudo, qui demande : “ Comment l’Europe va t-elle se transformer dans le futur, avec les défis existentiels qui arrivent?” Parce qu’il y a la crise économique, et il y a aussi une montée du nationalisme , et vous avez également décrit certaines lignes de failles culturelles qui ont été créés à travers l’Europe. Comment voyez-vous l’Europe se transformer ? ‏

Noam Chomsky :
L’Europe a de graves problèmes. Certains sont le résultat de politiques économiques conçues par les bureaucrates de Bruxelles, la Commission européenne et ainsi de suite, sous la pression de l’OTAN et les grandes banques, surtout celles de l’Allemagne. Ces politiques ont un certain sens du point de vue des concepteurs. Ils veulent être remboursés pour leurs prêts et leurs investissements risqués et dangereux. Mais ces politiques érodent l’Etat-Providence, qu’ils n’ont jamais aimé. Mais l’Etat-Providence est l’une de ces contributions majeures de l’Europe à la société moderne, mais les riches et puissants ne l’ont jamais aimé. Il y a un autre problème en Europe : elle est extrêmement raciste. J’ai toujours pensé que l’Europe est plus raciste que les États-Unis. Jusqu’ici ce n‘était pas aussi visible en Europe parce que les populations européennes dans le passé ont eu tendance à être assez homogène. Donc, si tout le monde est blond aux yeux bleus, alors vous ne semblez pas raciste, mais dès que la population commence à changer, le racisme vient de nulle part. Très vite. Et c’est un problème culturel très grave en Europe.

Isabelle Kumar, euronews :
J’aimerais terminer avec une question de Robert Lumière sur une note plus positive . Il demande: « Qu’est-ce qui vous donne de l’espoir ? “

Noam Chomsky :
Ce qui me donne de l’espoir : un certain nombre de choses dont nous avons parlé . L’indépendance de l’Amérique latine par exemple. C’est d’une importance historique. Nous le voyons avec la réunion du Sommet des Amériques à Panama. Dans les dernières réunions continentales, les États-Unis ont été complètement isolés. C’est un changement radical par rapport à il y a 10 ou 20 ans, lorsque les États- Unis trempaient dans les affaires latino-américaines. En fait, la raison pour laquelle Obama a fait ses gestes envers Cuba était d’essayer de surmonter l’isolement des États-Unis. Ce sont les États-Unis qui sont isolés, pas Cuba. Et sans doute ce sera un échec. On verra. Les signes d’optimisme en Europe sont Syriza et Podemos. Espérons qu’il y ait enfin un soulèvement populaire contre les écrasements, les politiques économiques et sociales destructrices qui viennent de la bureaucratie et des banques, et c’est très encourageant. Ou ça devrait l‘être.

Isabelle Kumar, euronews :
Noam Chomsky, merci beaucoup d’avoir été avec nous.

SOURCE: http://www.les-crises.fr/noam-chomsky-nous-courons-vers-un-precipice/

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Pour Le Soir, la célèbre diplomate palestinienne a accepté d’expliquer les raisons de son départ et de revenir sur son bilan et ses frustrations, y compris son opinion, nuancée, sur les institutions européennes qu’elle a fréquentées pendant dix ans.

Leila Shahid: «Je pars avec tristesse et colère»

Leila Shahid n’est plus l’ambassadrice de la Palestine à Bruxelles auprès de l’Union européenne, de la Belgique et du Grand Duché du Luxembourg. Son départ, à 65 ans, est irrévocable. Les efforts du président palestinien Mahmoud Abbas pour la retenir auront été vains. Diplomate hors pair, elle prend une retraite qui sera peut-être interrompue par l’une ou l’autre mission ponctuelle pour la Palestine. Pour Le Soir, la célèbre diplomate palestinienne a accepté d’expliquer les raisons de son départ et de revenir sur son bilan et ses frustrations, y compris son opinion, nuancée, sur les institutions européennes qu’elle a fréquentées pendant dix ans. Les amis de la Palestine en Europe disent qu’ils la regrettent déjà. C’est que Leila Shahid a toujours fait montre de telles qualités diplomatiques offensives que ses ennemis la craignent autant que ses amis l’adulent. Ses combativité et pugnacité ont fait les beaux jours des plateaux télévisés français dont les débats sur le Proche-Orient ont perdu beaucoup de leur sel quand, en 2005, elle choisit Bruxelles et surtout l’Europe, pour représenter son pays en devenir. Née en 1949 à Beyrouth dans une famille aux riches racines palestiniennes, dont par sa mère la prestigieuse famille Husseini, de Jérusalem, Leila Shahid n’a jamais vécu en Palestine mais « la cause » a marqué sa vie depuis toujours et pour toujours.

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Pourquoi prenez-vous votre retraite à la surprise de beaucoup de monde, à commencer par votre président, Mahmoud Abbas ?

Tout simplement parce que je pense que dans la vie il y a des cycles, comme dans l’histoire d’ailleurs, et ici il y a un cycle qui se termine, à mes 65 ans. Ca fait 25 ans que je suis ambassadeur de Palestine. J’avais accepté la proposition de Yasser Arafat de devenir la première représentante palestinienne féminine en 1989 peu après le début de la première intifada (soulèvement) dans les territoires occupés. Il m’avait retrouvée à l’époque au Congrès du Fatah, à Tunis et il m’avait dit, de manière très volontaire, « cette intifada est quelque chose d’extraordinaire, les femmes y jouent un rôle très important, elles sont à l’avant-garde des manifestations, je souhaite nommer des femmes comme représentantes de l’OLP et j’ai décidé que tu serais la première ». J’avais commencé par lui dire non, que ma vie était ailleurs, au Maroc, avec mon mari l’écrivain Mohammed Berrada. Je ne voulais pas passer du statut de militante à celui de fonctionnaire. Mais il s’est ligué avec la complicité de mon mari pour me piéger et me faire accepter le poste de l’Irlande. Après cette mission, il y a eu les Pays- bas, puis le Danemark, l’Unesco, La France et finalement les dix dernières années à Bruxelles. J’ai beaucoup aimé ce cycle de ma vie qui a été consacré à une période historique, à savoir l’espoir d’une paix à la fin de la première intifada, les accords d’Oslo qui sont la conséquence de cette intifada et la diplomatie internationale qui a suivi les accords. J’ai vécu l’espoir que cela a suscité mais aussi les déceptions qui ont suivi.
J’ai été très heureuse à Bruxelles, chez les citoyens belges avec qui je me suis très bien entendu. Je me suis sentie chez moi dans ce petit pays très spécial, et je regretterai les Belges et cette ville que j’ai adorée. Mais je pense que j’arrive réellement à un moment où j’ai le sentiment que je ne peux pas en faire plus, sur le plan diplomatique. Ce serait refaire du même et je n’ai plus la même motivation dans ce secteur diplomatique. Ça ne veut pas du tout dire que je prends ma retraite de la Palestine, ni de sa cause ! J’ai envie de faire plein d’autres choses que je n’avais pas la possibilité de faire tant que j’étais ambassadeur, je dirais plus dans le domaine culturel, artistique, social et politique, mais plutôt avec la société civile, en Palestine et dans la diaspora.
Dans ma vie, il y a eu comme cela des cycles naturels comme les saisons ! J’avais déjà 40 ans quand je fus nommée ambassadeur mais j’avais déjà commencé à militer pour la Palestine quand j’avais 18 ans. Comme citoyenne, comme quelqu’un qui a eu la chance par son itinéraire de voir littéralement naître la révolution palestinienne en 1967. Car même si l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) est née en 1964, elle est devenue après la défaite de 1967 un mouvement de libération nationale de masse portée par toutes les communautés palestiniennes au monde. Je suis née à Beyrouth où se trouvait la majeure partie des dirigeants de toutes les organisations de l’OLP. J’ai eu la chance de les côtoyer, de travailler avec eux à un moment historique pour la Palestine, surtout avec le président Arafat. Entre ces deux cycles de ma vie, il y a eu une période où je me suis un peu éloignée au Maroc avec mon mari de 1977 à 1989. J’avais besoin à l’époque de ce recul, l’intifada de 1987 m’a rattrapée et j’ai accepté la proposition de devenir l’ambassadeur de cette intifada qui a permis Oslo, dont la contribution principale à mes yeux a été de ramener le mouvement national en Palestine.
Maintenant, la boucle est bouclée, le Luxembourg a reconnu à la Palestine le statut de mission diplomatique et au représentant palestinien le statut d’ambassadeur. La Belgique avait fait la même chose un an auparavant. Dorénavant, nous sommes une mission de Palestine avec le chef de poste qui a rang d’ambassadeur. Ca aussi c’est un cycle qui se termine. Je pense en particulier avec beaucoup d’émotion à mon ami Naïm Khader (délégué de l’OLP à Bruxelles assassiné devant l’ULB en juin 1981, NDLR), qui n’a hélas pas terminé son cycle avec un rehaussement diplomatique mais par un assassinat, une mort prématurée, et une grande perte pour la cause palestinienne.


Vous avez observé depuis dix ans le comportement de l’Europe politique, dans toute sa complexité organique, globalement, quel jugement portez-vous sur l’Union européenne ?

C’est moi qui ai choisi de venir à l’Union européenne. Après Paris, alors que l’OLP avait décidé d’adopter par une loi votée au Conseil législatif en 2004 une limite en temps aux postes d’ambassadeur (quatre ans, comme cela se fait ailleurs dans le monde entier), on m’a dit que je devais quitter Paris où je me trouvais depuis treize ans et qu’on m’avait nommée à Washington. Surprise totale de mon ami et ministre des affaires étrangères d’alors, Nasser el-Kidwa, quand je lui ai dit « merci beaucoup mais je ne veux pas de ce poste ! » (Rires). À l’époque c’était George W. Bush qui était président, on était en pleine guerre en Irak et je trouvais que cela eût été malhonnête d’aller dans un pays où je considérais que le président devait passer devant un tribunal pénal international pour crimes de guerre ! Mon ministre m’a dit qu’il avait voulu me faire un honneur avec ce poste dans l’État le plus important du monde mais que, dans ces conditions, je pouvais choisir une autre destination. J’ai bien réfléchi et j’ai choisi l’Union européenne, parce que j’y crois. Je crois en son avenir, même si je trouve que le mécanisme de ses fonctionnements institutionnels a encore besoin de beaucoup d’amélioration. Surtout sur le plan de la politique étrangère, où les États membres prennent difficilement leurs décisions à 28 sur le plus petit dénominateur commun ! Empêchant souvent la Haute représentante pour la sécurité et la politique étrangère de faire son travail !
Comme vous le dites, l’Union européenne est une machine très complexe, qui n’a pas d’égale, entre le Conseil, qui représente les gouvernements, la Commission qui a aujourd’hui une aile diplomatique (le Service européen d’action extérieure) et un Parlement où l’on trouve plus de sept cent cinquante députés élus au suffrage universel, émanation des peuples d’Europe mais qui n’a pas de pouvoir direct sur les décisions du Conseil. Certes, depuis le Traité de Lisbonne, le pouvoir du Parlement européen est un peu plus important. Mais j’ai vécu ces dix années comme étant une période où l’Europe reste un projet en devenir, où le débat de fond fait défaut, sauf au Parlement européen. Quand on passe de six membres à vingt-huit, il est évident que l’élargissement après la chute du Mur a été un séisme. Ce qui m’a agacée profondément c’est l’absence de vote au Conseil : tout se fait par consensus, que ce soit au Conseil ou au Parlement. J’ai fini par comprendre cette tradition du consensus en constatant que si on voulait unir l’Europe de l’Est et de l’Ouest, des États séparés par un mur pendant un demi-siècle, il fallait accepter l’idée du consensus, qui unit au lieu de diviser. Je crois que, très vite, l’Europe va devoir décider qu’elle ne peut pas continuer à fonctionner par consensus parce que c’est quelquefois le meilleur alibi pour ne pas prendre les décisions nécessaires. Et l’Europe est devant des défis historiques face à ses peuples et face à sa propre histoire. Je pense en particulier à la crise en Ukraine, je pense à la crise grecque, à celle de l’euro, à la crise financière, à la crise de l’Europe face au partenariat méditerranéen, avec des révolutions arabes qui ont eu lieu mais qui, malheureusement, au lieu de déboucher sur des vraies démocraties – je mets la Tunisie à part – ont abouti à une forme de pathologie politique qui prend en otage la religion et qui a donné naissance à Daesh, le Front al-Nosra ou Al-Qaïda. Une crise qui est directement une conséquence de l’irresponsabilité de la politique américaine de Mr George Bush et de ses alliés en Afghanistan et en Irak, c’est-à-dire la destruction des structures sociales de ces sociétés qui les a réduites à des tribus qui s’affrontent, ce qui a donné naissance à une instrumentalisation de l’islam salafiste qui nous vaut aujourd’hui les horreurs que nous voyons et qui ne se limitent plus aux États arabes, mais qui arrivent à Bruxelles, Paris ou Copenhague, et qui ne sont hélas ! pas terminées.


Comment voyez-vous l’UE et la Palestine ?

En proposant de venir à Bruxelles, j’avais en tête une diplomatie de soutien à la construction des institutions étatiques. Les premiers à parler du Droit à l’autodétermination, c’étaient les Européens à Venise en 1980. Les Américains eux étaient persuadés que le problème d’Israël devait être réglé avec les pays arabes, notamment l’Egypte la Syrie à cause de l’implication de leurs armées en 1967 et 1973. Moi qui avais vu à l’époque naître le mouvement national palestinien dans les camps de réfugiés au Liban, ça m’avait interpellé. Le terme « autodétermination », je l’avais vécu comme aspiration populaire avant de l’assimiler comme but juridique. C’est un peuple qui dit :  je veux gérer mon destin comme peuple, je ne suis pas un problème de réfugiés qui cherchent de l’aide humanitaire, je suis un peuple dépossédé de sa patrie, de sa terre, de son identité, et même de son nom, comme le dit si bien l’historien palestinien Elias Sanbar, et je veux être réhabilité en tant que peuple, en tant que nation .
Mais je dois aussi dire où le bât blesse en Europe. Autant j’ai été conforté dans l’idée que l’Europe comprend le monde arabe mieux que les Américains, autant j’ai été horrifiée de voir combien l’Europe est paralysée face à Israël. Pa-ra-ly-sée ! Comme si cette Europe immense, qui a connu deux guerres mondiales, qui compte aujourd’hui un demi-milliard de citoyens, qui est le groupe régional le plus riche au monde, qui a des partenaires dans son voisinage « au sud » , était incapable de respecter et de faire appliquer ses valeurs (les Droits de l’Homme et le Droit international ), ses conditions pour les accords d’association avec ses partenaires méditerranéens, à tous les États de la même manière ! Il y a un partenaire à qui on accorde une impunité totale devant les violations du Droit. Un État qui est placé au-dessus du Droit et qui est devenu ainsi un État hors-la-loi, c’est Israël ! En pratique, l’UE adopte d’excellentes résolutions à tous ses conseils ministériels, mais refuse de les mettre en œuvre en prenant les mesures nécessaires pour les faire appliquer par les autorités israéliennes. Que cela soit au niveau des violations quotidiennes de la population sous occupation, que cela soit concernant la colonisation qui est en train d’annihiler le projet de deux États ou que cela soit à propos de la destruction de tout ce que l’UE a construit depuis 25 ans dans les territoires occupés pour l’infrastructure d’un État à venir. Car c’est bien l’Union européenne qui a investit le plus – pas comme les Américains pour l’aide humanitaire – mais pour la construction d’un État. Et elle a, à travers les six sous-comités de notre accord d’association avec elle, formé l’administration d’un État. Alors, comment laisse-t-on Israël détruire cette infrastructure ?! Et c’est la même UE qui nous demande de reporter la déclaration de notre État en nous disant de le faire « en temps opportun ». Mais quand donc viendra le moment opportun ? Quand il n’y aura plus de territoires disponibles parce que les colonies israéliennes auront tout dévoré ? Certains disent qu’un État palestinien n’est déjà plus viable, car il ne reste que des poches, des « bantoustans » séparés les uns des autres. La situation est d’une gravité extrême.


Partez-vous avec des regrets personnels par rapport à vos objectifs ?

Je pars très heureuse des rapports que j’ai établis avec les partenaires politiques avec lesquels j’ai travaillé, pas tous car je n’ai pas eu que des amis parmi eux. Je pars très heureuse des relations établies avec les sociétés civiles en Europe, et en particulier en Belgique, au Luxembourg et en France, où j’ai été témoin de l’apport extraordinaire du mouvement de solidarité et des réseaux associatifs de la société civile européenne, ainsi que les élus parlementaires et les collectivités locales. Je suis très fière des rapports que j’ai établis avec les militants juifs européens en Belgique, au Luxembourg et en France. Mais je garde une profonde déception, et surtout une profonde douleur que durant ces 25 ans au lieu de voir le sort de mon peuple s’améliorer, autant sous occupation que dans les camps de réfugiés, je constate que sa situation est plus tragique que jamais et que la dignité à laquelle il a droit, la souveraineté à laquelle il aspire, s’éloignent. La situation la plus tragique est surement celle de la population de Gaza toujours assiégée, affamée, abandonnée à son sort après trois guerres criminelles en sept ans, menées par l’armée israélienne, et des promesses généreuses (cinq milliards de dollars) faites par la Conférence des donateurs en octobre dernier, mais pas réalisées. La population à Jérusalem Est, elle, est prise en étau par les colonies israéliennes qui poussent comme des champignons à l’est de la ville, mais aussi en plein centre arabe et un mur haut de neuf mètres, qui isole la ville de toute la Cisjordanie. Laquelle Cisjordanie toujours séparée en territoires A, B et C, 16 ans après la date de 1999 où les accords d’Oslo prévoyaient la fin de la période intérimaire (et nous aurions pu alors déclarer notre État), et qui ressemble plus à une série de ghettos assiégés qu’au territoire d’un État viable. Des réfugiés dans les camps du Liban et de la Syrie qui préfèrent se jeter à la mer que de vivre comme des apatrides. Alors les mots frustration, déception ou regret ne suffisent pas. Je pars avec un sentiment de douleur et de colère. De douleur parce que je partage le sort de mon peuple qui ne mérite pas d’être traité de cette manière par la communauté internationale. Un sentiment de colère parce que mon peuple a droit, comme tous les peuples du monde, à être protégé par le Droit international d’après les Conventions de Genève.
En réalité, nous n’avons pas besoin de nouvelles résolutions, toutes les résolutions existent déjà à l’ONU et à l’Union européenne. Tout le monde connaît la solution, mais personne n’a le courage de la mettre en œuvre. C’est celle de deux États vivant côte à côte, et c’est nous qui l’avons proposée à Israël et pas l’inverse. La reconnaissance de l’État Palestinien est un Droit pour nous et un devoir pour la communauté internationale parce qu’il protégera le territoire de la colonisation galopante qui est en train de détruire la solution des deux États, et protégera la population civile des violations militaires israéliennes quotidiennes.
L’Histoire jugera le courage ou la lâcheté de la communauté internationale. Pour ma part je vais m’investir dans des actions qui peuvent contribuer, avec mes compatriotes et leurs amis dans le monde, à renforcer la résilience, la créativité, l’humanisme et la vitalité extraordinaire de la société civile palestinienne où qu’elle se trouve, en Palestine comme dans la diaspora. Je suis persuadée que mon peuple a assez de ressources et de foi dans la vie pour triompher un jour ; mais je serais moins en colère et moins peinée si je savais qu’il sera soutenu dans cette tache immense.
Propos recueillis par Baudouin Loos

http://blog.lesoir.be/baudouinloos/2015/03/07/leila-shahid-je-pars-avec-tristesse-et-colere/

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Spesceuta

Propos recueillis par Paul Coudray et Lucas Chedeville

Porte-parole de la Croix-rouge à Ceuta, Germinal Castillo fait aussi partie des équipes d’intervention rapide de l’organisation qui sont chargées de porter secours aux migrants interceptés au large de l’enclave. Ceuta est confronté depuis une vingtaine d’années à des flux constants venant d’Afrique subsahariennes et du Maghreb. La Croix-rouge est la plus active des ONG présentes sur place et agit au quotidien auprès des migrants.

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Un entretien passionnant du Saker avec Paul Craig Roberts : au menu les groupes d’intérêt privés qui détiennent le pouvoir réel aux Etats-Unis (ce que Peter Scott Dale a appelé l’Etat profond) et surtout le risque, aujourd’hui extrême, d’un conflit nucléaire en Europe et au-delà… 

 paul craig roberts

« Il y a longtemps déjà que j’avais envie d’interviewer Paul Craig Roberts. J’ai suivi ses articles et ses https://olivierdemeulenaere.files.wordpress.com/2015/03/saker-falcon-drawing.jpginterviews pendant de nombreuses années et chaque fois que je lisais ce qu’il avait à dire, j’espérais avoir un jour le privilège de l’interviewer sur la nature de l’État profond états-unien et l’Empire. Récemment, je lui ai envoyé un message et je lui ai demandé une interview, ce qu’il a très aimablement accepté. Je lui en suis vraiment reconnaissant.

The Saker

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The Saker :  Il est devenu assez évident pour de nombreuses personnes, sinon pour la plupart, que les États-Unis ne sont pas une démocratie ou une république, mais plutôt une ploutocratie dirigée par une petite élite que certains nomment le 1%.  D’autres parlent de l’État profond. Ma première question est donc la suivante : pourriez-vous s’il vous plaît prendre le temps d’évaluer l’influence et le pouvoir de chacune des entités suivantes, l’une après l’autre. En particulier, pouvez-vous spécifier pour chacune d’elles si elle occupe une position dominante en termes de prises de décision, ou une position moyenne dans la mise en œuvre des décisions dans la structure réelle du pouvoir (elles sont répertoriées sans ordre particulier).

  • Réserve fédérale
  • Grandes institutions bancaires
  • Bilderberg
  • Council on Foreign Relations [Conseil des relations internationales]
  • Skull & Bones [Société secrète de l’université de Yale, NdT]
  • CIA
  • Goldman Sachs et grandes banques
  • Les 100 familles (Rothschild, Rockefeller, famille royale néerlandaise, famille royale britannique, etc.)
  • Lobby israélien
  • Francs-maçons et leurs loges
  • Grandes entreprises: grandes sociétés pétrolières, complexe militaro-industriel, etc.
  • D’autres gens ou organisations non cités ci-dessus?

Qui, quel groupe, quelle entité estimez-vous être vraiment au sommet du pouvoir dans le régime politique actuel aux États-Unis ?

Paul Craig Roberts : Les États-Unis sont gouvernés par des groupes d’intérêts privés et par l’idéologie néoconservatrice qui affirme que l’Histoire a choisi les États-Unis comme le pays exceptionnel et indispensable, qui a le droit et la responsabilité d’imposer sa volonté au monde.

A mon avis, les plus puissants des groupes d’intérêts privés sont :

  • Le complexe militaro-sécuritaire
  • Les 4 ou 5 banques gigantesques, trop grandes pour faire faillite, et Wall Street
  • Le lobby israélien
  • L’agrobusiness
  • Les industries d’extraction (pétrole, mines, bois).

Les intérêts de ces groupes coïncident avec ceux des néoconservateurs. L’idéologie néoconservatrice soutient l’impérialisme financier et militaro-politique, ou son hégémonie.

Il n’y a pas de presse américaine, écrite ou audiovisuelle, qui soit indépendante. Dans les dernières années du régime Clinton, 90% des médias écrits et audiovisuels étaient concentrés dans six méga-sociétés. Pendant le régime Bush, la radio publique nationale a perdu son indépendance. Donc les médias fonctionnent comme un ministère de la Propagande.

Les deux partis politiques, les Républicains et les Démocrates, dépendent des mêmes groupes d’intérêts pour leurs fonds de campagne, donc les deux partis dansent pour le même maître.  La délocalisation des emplois a détruit les syndicats et privé les Démocrates des contributions politiques des organisations syndicales. A l’époque, les Démocrates représentaient les travailleurs et les Républicains les patrons d’entreprises.

La Réserve fédérale est là pour les banques, principalement les grandes. La Réserve fédérale a été créée pour être le prêteur de dernier recours destiné à empêcher que les banques ne fassent faillite à cause d’une ruée aux guichets pour retirer les dépôts. La Fed de New York, qui effectue les interventions financières, a un conseil d’administration constitué des dirigeants des grandes banques. Les trois derniers présidents de la Réserve fédérale étaient des juifs, et l’actuel président est l’ancien directeur de la Banque centrale israélienne. Les juifs sont importants dans le secteur financier, par exemple Goldman Sachs.  Ces dernières années, les secrétaires du Trésor américain et les chefs des agences de régulation financière ont principalement été les cadres bancaires responsables de la fraude et de l’endettement excessif qui a déclenché la dernière crise financière.

Au XXIe siècle, la Réserve fédérale et le Trésor n’ont servi que les intérêts des grandes banques. Cela s’est fait au détriment de l’économie et de la population. Par exemple, les retraités ne touchent aucun intérêt pendant huit ans pour que les institutions financières puissent emprunter sans frais et faire de l’argent.

Peu importe la richesse de certaines familles, elles ne peuvent pas rivaliser avec les groupes d’intérêts puissants, comme le complexe militaro-sécuritaire ou Wall Street et les banques. La richesse établie depuis longtemps peut veiller à ses intérêts et certains, comme les Rockefeller,  ont des fondations activistes qui travaillent très probablement main dans la main avec le National Endowment for Democracy pour financer et encourager diverses organisations non gouvernementales (ONG) pro-américaines dans des pays que les États-Unis veulent influencer ou renverser, comme cela s’est passé en Ukraine. Les ONG sont des cinquièmes colonnes états-uniennes et elles agissent sous des noms comme droits humains, démocratie, etc. Un professeur chinois m’a raconté que la Fondation Rockefeller avait créé une université américaine en Chine et servait à organiser des Chinois opposés au régime. A un moment donné, et peut-être encore, il y avait des centaines d’ONG financées par les États-Unis et l’Allemagne en Russie, peut-être jusqu’à un millier.

Je ne sais pas si les Bilderberg font de même. Il est possible qu’ils soient seulement des gens très riches et qu’ils aient leurs protégés dans des gouvernements qui tentent de défendre leurs intérêts. Je n’ai jamais vu aucun signe des Bilderberg, ou des Mason, ou des Rothschild affectant les décisions du Congrès ou de l’Exécutif.

D’autre part, le Conseil pour les relations étrangères est influent. Ce conseil est formé d’anciens responsables politiques gouvernementaux et d’universitaires impliqués dans la politique étrangère et les relations internationales. La revue du conseil, Foreign Affairs, est le premier forum de politique étrangère. Quelques journalistes en sont aussi membres. Quand j’ai été proposé pour y adhérer, dans les années 1980, j’ai été blackboulé.

Skull & Bones est une société secrète de l’université de Yale. Un certain nombre d’universités ont de telles sociétés. Par exemple, l’université de Virginie en a une, et l’université de Géorgie.  Ces fraternités n’ont pas de places ni de pouvoir gouvernemental. Leur influence se limiterait à l’influence personnelle de leurs membres, qui sont généralement les fils et filles des familles de l’élite. A mon avis, ces fraternités existent pour transmettre ce statut d’élite à leurs membres. Elles n’ont pas de fonctions opérationnelles.

The Saker :  Et les individus ?  Qui sont, selon vous, les gens les plus puissants aux États-Unis aujourd’hui ?  Qui prend la décision stratégique finale, au plus haut niveau ?

Paul Craig Roberts :  Il n’y a en réalité pas de gens puissants en eux-mêmes. Les gens puissants sont ceux qui ont de puissants groupes d’intérêts derrière eux. Depuis que le secrétaire à la Défense a privatisé une grande partie de l’armée en 1991, le complexe militaro-sécuritaire a été extrêmement puissant, et son pouvoir est encore amplifié par sa capacité à financer des campagnes politiques et par le fait que c’est une source d’emploi dans de nombreux États. Les dépenses du Pentagone sont essentiellement contrôlées par des entrepreneurs de la défense.

The Saker :  J’ai toujours cru que, sur le plan international, des organisations comme l’Otan, l’Union européenne ou toutes les autres n’étaient qu’une façade, et que la véritable alliance qui contrôle la planète sont les pays membres du réseau Echelon : États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande, aka AUSCANNZUKUS (ils sont aussi appelés Anglosphère ou les Cinq Yeux), avec les États-Unis et le Royaume-Uni comme partenaires principaux, tandis que le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont les partenaires juniors, ici. Est-ce que ce modèle est correct ?

Paul Craig Roberts : L’Otan était une création des États-Unis prétendument pour protéger l’Europe d’une invasion soviétique. Sa raison d’être a disparu en 1991.  Aujourd’hui, l’Otan offre une couverture à l’agression états-unienne et fournit des mercenaires pour l’Empire américain. La Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie sont de simples États vassaux, tout comme le sont l’Allemagne, la France, l’Italie, le Japon et le reste. Il n’y a pas de partenaires ; seulement des vassaux. C’est l’empire de Washington, et de personne d’autre.

Les États-Unis favorisent l’Union européenne, parce qu’elle est plus facile à contrôler que les différents pays.

The Saker : Il se dit souvent qu’Israël contrôle les États-Unis. Chomsky, et d’autres, affirment que ce sont les États-Unis qui contrôlent Israël. Comment caractériseriez-vous les relations entre Israël et les États-Unis – est-ce que c’est le chien qui remue la queue ou la queue qui fait bouger le chien ?  Diriez-vous que le lobby israélien contrôle totalement les États-Unis ou y a-t-il encore d’autres forces capables de dire non au lobby israélien et d’imposer leur propre programme ?

Paul Craig Roberts :  Je n’ai jamais vu aucune preuve que les États-Unis contrôlent Israël. Toutes les preuves montrent qu’Israël contrôle les États-Unis, mais seulement sa politique au Moyen-Orient. Ces dernières années, Israël ou le lobby israélien a été en mesure de contrôler ou de bloquer les nominations universitaires aux États-Unis ainsi que la titularisation et les nominations de professeurs considérés comme critiques à l’égard d’Israël.  Israël a réussi à bloquer des titularisations et des nominations dans des universités catholiques et d’État. Israël peut aussi bloquer certaines nominations à la présidence et a une grande influence sur la presse écrite et la télévision.  Le lobby israélien a aussi beaucoup d’argent pour les fonds des campagnes politiques et ne manque jamais de limoger les représentants et les sénateurs américains considérés comme critiques à l’égard d’Israël. Le lobby israélien a réussi à atteindre une femme noire, Cynthia McKinney, dans son district électoral noir, et à empêcher sa réélection.  Comme l’a dit l’amiral Tom Moorer, chef des opérations navales et président du Comité des chefs d’état-major interarmées: «Aucun président américain ne peut résister à Israël.» L’amiral Moorer n’a même pas pu obtenir une enquête officielle sur l’attaque meurtrière d’Israël contre l’USS Liberty en 1967.

Quiconque critique la politique d’Israël, même de manière utile, est qualifié d’antisémite.

Dans la politique, les médias et les universités américaines, c’est une accusation mortelle. Vous pourriez aussi bien être frappé par un missile hellfire.

The Saker :  Lesquelles des douze entités de pouvoir dont j’ai fait la liste ci-dessus ont, à votre avis, joué un rôle clé dans la planification et l’exécution du coup monté  du 11 septembre ?  Après tout, il est difficile d’imaginer que cela a été planifié et préparé entre l’investiture de GW Bush et le 11 septembre – cela doit avoir été préparé pendant les années de l’administration Clinton. N’est-il pas vrai que l’attentat d’Oklahoma City était une répétition pour 9/11 ?

Paul Craig Roberts : A mon avis, 9/11 était le produit des néoconservateurs, dont nombre d’entre eux sont des alliés juifs d’Israël, de Dick Cheney, et d’Israël. Son objectif était de fournir le nouveau Pearl Harbour dont les néoconservateurs disaient qu’il était nécessaire pour lancer leurs guerres de conquête au Moyen-Orient.  Je ne sais pas si c’était prévu depuis longtemps, mais Silverstein [propriétaire des tours du World Trade Center, NdT] en faisait visiblement partie et il avait acheté le World Trade Center très peu de temps avant le 11 septembre.

Quant à l’attentat contre le Bâtiment fédéral Alfred P. Murrah, à Oklahoma City, le général Partin, de l’US Air Force, expert en munitions dans ce corps d’armée, a préparé un rapport d’expert prouvant indubitablement que le bâtiment a explosé de l’intérieur et que le camion piégé était un leurre. Le Congrès et les médias ont ignoré ce rapport. Le bouc émissaire, McVeigh,  était déjà désigné, et c’était la seule histoire autorisée.

The Saker :  Pensez-vous que les gens qui dirigent aujourd’hui les États-Unis réalisent qu’ils sont sur une trajectoire de collision avec la Russie, qui pourrait conduire à la guerre thermonucléaire ?  Si oui, pourquoi prendraient-ils un tel risque ? Croient-ils vraiment qu’au dernier moment la Russie va flancher et céder, ou croient-ils réellement qu’ils peuvent gagner une guerre nucléaire ?  N’ont-ils pas peur que dans une conflagration nucléaire avec la Russie ils perdent tout ce qu’ils ont, y compris leur pouvoir et même leur vie ?

Paul Craig Roberts : Je suis aussi perplexe que vous. Je pense que Washington est perdu dans l’orgueil et l’arrogance et qu’il est plus ou moins fou. En outre, il est convaincu que les États-Unis peuvent gagner une guerre nucléaire avec la Russie. Un article paru dans Foreign Affairs vers 2005 ou 2006 arrivait à cette conclusion.  La croyance dans la possibilité de gagner une guerre nucléaire a été stimulée par la foi dans les défenses anti-missiles balistiques. L’argument est que les États-Unis peuvent toucher la Russie tellement fort dans une première frappe préventive que celle-ci ne riposterait pas, de peur d’un second coup.

The Saker :  Comment évaluez-vous l’état de santé présent de l’Empire ?  Pendant de nombreuses années, nous avons vu des signes évidents de déclin, mais il n’y a pas encore d’effondrement visible. Croyez-vous qu’un tel effondrement est inévitable et, si non, comment pourrait-il être évité ?  Verrons-nous le jour où le dollar américain deviendra soudain sans valeur ou un autre mécanisme précipiter la chute de cet Empire ?

Paul Craig Roberts :  L’économie états-unienne a été vidée de sa substance. Il n’y a pas eu de véritable augmentation du revenu familial médian depuis des décennies.  Alan Greenspan, lorsqu’il était président de la Fed, a recouru à l’expansion du crédit à la consommation pour compenser l’absence d’augmentation du revenu des consommateurs, mais la population est maintenant trop endettée pour s’endetter davantage.  Il n’y a donc rien pour stimuler l’économie. Donc il y a eu tellement d’emplois dans la fabrication et les services professionnels négociables, comme l’ingénierie informatique, qui ont été délocalisés à l’étranger, que la classe moyenne a diminué.  Les diplômés de l’université ne peuvent pas avoir un emploi qui leur permette une vie indépendante. Donc ils ne peuvent pas fonder une famille, acheter des maisons, des appareils, des meubles et des accessoires pour la maison. Le gouvernement prend des mesures pour maintenir une inflation basse sans mesurer l’inflation, et un chômage bas sans mesurer le chômage.  Les marchés financiers sont truqués et l’or est maintenu artificiellement en baisse malgré une augmentation de la demande, grâce à la vente à découvert sur les marchés à terme. C’est un château de cartes qui a résisté plus longtemps que je ne le pensais. Apparemment, le château de cartes peut tenir debout jusqu’à ce que le reste du monde cesse de maintenir le dollar US comme réserve.

Peut-être l’empire a-t-il infligé trop de stress à l’Europe en l’impliquant dans un conflit avec la Russie. Si l’Allemagne, par exemple, se retirait de l’Otan, l’empire s’effondrerait, ou si la Russie pouvait avoir l’illumination de financer la Grèce, l’Italie et l’Espagne en échange de leur sortie de l’euro et de l’Union européenne, l’empire subirait un coup fatal.

Ou alors la Russie pourrait dire à l’Europe qu’elle n’aura pas le choix d’épargner les capitales européennes avec des armes nucléaires maintenant qu’elle a rejoint les États-Unis pour lui faire la guerre.

The Saker :  La Russie et la Chine ont fait quelque chose d’unique dans l’histoire et elles sont allées au-delà de la manière traditionnelle de former une alliance : elles ont accepté de devenir interdépendantes – on pourrait dire qu’elles ont convenu d’une relation symbiotique. Croyez-vous que ceux qui sont chargés de l’Empire ont compris le mouvement tectonique qui vient de se produire ou s’enfoncent-ils simplement dans un déni profond parce que la réalité leur fait trop peur ?

Paul Craig Roberts :  Stephen Cohen dit qu’il n’y a tout simplement pas de discussion sur la politique étrangère. Il n’y a pas de débat. Je pense que l’empire pense que cela peut déstabiliser la Russie et la Chine et que c’est la raison pour laquelle Washington a des révolutions de couleur en cours en Arménie, au Kirghizstan et en Ouzbékistan. Comme Washington est déterminé à empêcher la montée d’autres pouvoirs et est perdu dans l’orgueil et l’arrogance, il croit probablement que cela réussira. Après tout, l’Histoire a choisi Washington.

The Saker :  A votre avis, les élections présidentielles ont-elles encore de l’importance et, si oui, quel est votre meilleur espoir pour 2016 ?  J’ai personnellement très peur de Hillary Clinton dont je vois qu’elle est une personne exceptionnellement dangereuse et carrément mauvaise, mais avec l’influence néocon actuelle chez les Républicains, pouvons-nous vraiment espérer qu’un candidat non néocon puisse remporter l’investiture du GOP (Parti Républicain) ?

Paul Craig Roberts :  La seule élection présidentielle qui pourrait avoir de l’importance serait si le président élu avait un fort mouvement derrière lui. Sans un mouvement, le président n’a aucun pouvoir indépendant et personne à désigner qui exécutera ses ordres.  Reagan avait quelque chose comme un mouvement, juste assez pour que nous soyons en mesure de traiter la stagflation malgré l’opposition de la CIA et du complexe militaro-sécuritaire.  En plus, Reagan était très vieux et il venait d’une époque où le président avait du pouvoir et il agissait en conséquence.

The Saker :  Qu’en est-il des forces armées ?  Pouvez-vous imaginer un président du Comité des chefs d’état-major interarmées (JCS) disant : « Non, Monsieur le Président, c’est fou, nous ne le ferons pas » ou attendez-vous des généraux qu’ils obéissent à tous les ordres, y compris le déclenchement d’une guerre nucléaire contre la Russie ?  Avez-vous un espoir quelconque que l’armée des États-Unis puisse intervenir et stopper les fous actuellement au pouvoir à la Maison Blanche et au Congrès ?

Paul Craig Roberts :  L’armée américaine est une créature de l’industrie de l’armement. Le but, en devenant général, est d’être qualifié comme consultant pour l’industrie de la défense ou devenir un cadre dirigeant ou de faire partie du comité d’une entreprise de la défense. L’armée sert de vivier pour des carrières après la retraite, quand les généraux font beaucoup d’argent. L’armée américaine est totalement corrompue. Lisez le livre d’Andrew Cockburn, Kill Chain.

The Saker :  Si les États-Unis marchent délibérément sur le sentier de la guerre avec la Russie – que devrait faire la Russie ?  Est-ce que la Russie devrait céder et accepter qu’être soumis est une option préférable à une guerre thermonucléaire ou devrait-elle résister et donc accepter la possibilité d’une guerre thermonucléaire ?  Croyez-vous qu’une démonstration de force délibérée et forte de la part de la Russie pourrait dissuader une attaque américaine ?

Paul Craig Roberts : Je me suis souvent posé cette question. Je ne peux pas dire que je connais la réponse. Je pense que Poutine est suffisamment humain pour se rendre plutôt que de participer à la destruction du monde, mais Poutine doit répondre à d’autres à l’intérieur de la Russie et je doute que les nationalistes seraient favorables à une reddition.

A mon avis, je pense que Poutine devrait se concentrer sur l’Europe et lui faire prendre conscience que la Russie s’attend à une attaque américaine et qu’elle n’aura pas d’autre choix que de faire disparaître l’Europe en réponse. Poutine devrait encourager l’Europe à sortir de l’Otan afin d’empêcher la Troisième Guerre mondiale.

Poutine devrait aussi s’assurer que la Chine comprend qu’elle est ressentie par les États-Unis comme la même menace que la Russie et que les deux pays ont besoin de s’unir.  Peut-être que si la Russie et la Chine unissaient leurs forces pour une alerte nucléaire, pas la plus élevée, mais à un niveau élevé qui ferait reconnaître la menace américaine et communiquerait cette menace au monde, les États-Unis pourraient être isolés.

Peut-être que si la presse indienne, la presse japonaise, la presse française et allemande, la presse britannique, la presse chinoise et la presse russe commençaient à rapporter que la Russie et la Chine se demandent si elles vont subir une attaque nucléaire préventive de Washington, le résultat serait d’empêcher l’attaque.

Pour autant que je puisse parler de mes nombreux entretiens avec la presse russe, il n’y a pas de conscience russe de la doctrine Wolfowitz. Les Russes pensent qu’il y a une sorte de malentendu sur les intentions russes. Les médias russes ne comprennent pas que la Russie est inacceptable, parce qu’elle n’est pas un vassal des États-Unis. Les Russes croient toutes les conneries occidentales sur la liberté et la démocratie et ils croient qu’ils manquent des deux mais qu’ils font des progrès. En d’autres termes, les Russes n’ont aucune idée qu’ils sont visés pour être détruits.

The Saker :  Quelles sont, à votre avis, les racines de la haine de tant de membres des élites états-uniennes à l’égard de la Russie ?  Est-ce que c’est seulement un vestige de la guerre froide, ou y a-t-il une autre raison à la russophobie quasi universelle au sein des élites états-uniennes ?  Même pendant la guerre froide, il était difficile de savoir si les États-Unis étaient anti-communistes ou antirusses. Y a-t-il quelque chose dans la culture russe, la nation ou la civilisation, qui déclenche cette hostilité et, si oui, qu’est-ce que c’est ?

Paul Craig Roberts : L’hostilité à l’égard de la Russie remonte à la doctrine Wolfowitz :

« Notre premier objectif est d’empêcher la réémergence d’un nouveau rival, que ce soit sur le territoire de l’ancienne Union soviétique ou ailleurs, qui constituerait une menace sur l’ordre [international] équivalente à celle posée auparavant par l’Union soviétique. C’est une considération dominante qui sous-tend la nouvelle stratégie de défense régionale et qui exige que nous nous efforcions d’empêcher toute puissance hostile de dominer une région dont les ressources pourraient, sous contrôle consolidé, suffire à produire l’énergie mondiale. »

Pendant que les États-Unis se concentraient sur leurs guerres au Moyen-Orient, Poutine a redressé la Russie et bloqué l’invasion de la Syrie et le bombardement de l’Iran projetés par Washington.  Le premier objectif de la doctrine néocon a été violé. La Russie devait être remise à l’ordre. C’est l’origine de l’attaque de Washington contre la Russie. Les médias états-uniens et européens dépendants et captifs répètent simplement la menace russe au public, qui est insouciant et mal informé autrement.

Le délit de la culture russe est là aussi – la morale chrétienne, le respect de la loi et de l’humanité, la diplomatie au lieu de la coercition, les mœurs sociales traditionnelles – mais tout ça est à l’arrière-plan. La Russie (et la Chine) sont haïes car elles sont le miroir qui reflète l’hybris de Washington, sa puissance unique et unilatérale. C’est ce miroir qui conduira à la guerre.

Si les Russes et les Chinois ne se préparent pas à une attaque nucléaire préventive de Washington, ils seront détruits.

Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone

Lire aussi :

La Russie menacée de guerre par les Etats-Unis (« Russia under attack »)

Quelques rappels :

Stephen Cohen : La guerre entre l’Otan et la Russie est une réelle possibilité

L’OTAN, un danger pour la paix mondiale (I. Wallerstein)

Michel Raimbaud, ambassadeur de France : « Les Etats-Unis n’ont qu’une logique : celle du chaos »

Etats-Unis : un projet de loi pour renverser Poutine

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Dans son interview à l’agence Sputnik, le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Kotzias souligne l’inefficacité des sanctions antirusses.

A travers l’histoire, la Russie et la Grèce ont toujours maintenu de très bonnes relations. Lors de votre visite à Moscou deux semaines après votre nomination, vous avez dit que la Grèce poursuivrait sa coopération avec la Russie. Quelle est la position du nouveau gouvernement grec à cet égard?

Nous estimons que la Russie devrait à long terme être intégrée dans l’architecture sécuritaire européenne et qu’il n’y a pas besoin d’un système sécuritaire orienté sur une confrontation avec la Russie.

Nous croyons qu’une pacification est nécessaire en Ukraine et que l’Europe ne doit pas rompre ses relations avec la Russie, et la Russie, à son tour, doit s’abstenir de démarches qui minent la confiance dans ses relations avec l’Union européenne.

De nouvelles sanctions ont été décrétées à l’encontre de la Russie le 16 février dernier, bien que l’accord de Minsk soit entré en vigueur le 15 février. Quelle est la position d’Athènes à ce sujet?

Le 29 janvier 2015, sur notre proposition, qui a été soutenue par tous nos partenaires, l’Union européenne n’a pas adopté les sanctions sectorielles élaborées par une structure correspondante de l’UE. Aujourd’hui, nous nous abstenons toujours d’adopter des sanctions sectorielles. Les autres sanctions ont été décrétées bien avant la….

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 « Qu’ont-ils fait de nos espoirs ? » (Médiapart sous la direction d’Edwy Plenel), aux éditions Don Quichotte.

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Depuis la Haye, Laurent Gbagbo se confie : « Affi N’guessan est allé trop loin…»

CONFERENCE DE PRESSE AGO M

Mme Ago Marthe, vice-présidente du Front Populaire Ivoirien (FPI) chargé de la coordination des actions pour la libération du président Laurent Gbagbo était en visite  ce vendredi 20 février 2015 à la Haye où elle a rencontré le président Laurent Gbagbo. Elle a profité de son séjour en Europe pour expliquer ce samedi 21 février à Paris, les causes profondes de la crise qui mine son parti…

« Vous remarquez que je n’appelle plus Affi N’guessan camarade. Je l’appelle monsieur. Cet homme n’a plus sa place parmi nous…» 

Parlant du président Affi N’guessan ce samedi 21 février, AGO Marthe, l’ancienne première vice-présidente de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire n’a pas ménagé ses mots pour fustiger l’attitude de l’actuel président du FPI. AGO Marthe qui sortait d’une visite au président Laurent Gbagbo à la Haye était à cet effet l’invitée de la représentation Fpi-France dirigée par Hortense Adé Assalé.

Devant un public majoritairement acquis à la cause du célèbre prisonnier de Scheveningen et dans une salle archi-comble du 177 de la rue de Charonne dans le 11ème arrondissement de Paris, la vice-présidente du Fpi a expliqué point par point, les tenants et aboutissants de la crise qui secoue son parti. Parlant de sa mission à la tête de la structure mise en place pour piloter la libération de Laurent Gbagbo, AGO Marthe a noté que : « Bien que beaucoup de choses aient été faites, les lignes n’ont pas bougé…» Du coup, consciente de l’importance de sa tâche, la vice-présidente du FPI dit avoir placé sa mission sous le signe du sel et de la lumière

Deux symboles divins dont elle compte s’inspirer pour conduire sans peur cette forte responsabilité.

« Maintenant que le président Laurent Gbagbo a approuvé mon programme de travail, je peux désormais parler et engager le combat. Car, Laurent doit être libéré dans l’honneur et non en prostituant sa lutte…» Puis de poursuivre : « Même si nous avons la gâchette sous la tempe, jamais nous n’allons-nous soumettre…»

UNE CRISE SANS RETOUR ?

Comme il fallait s’y attendre, la candidature de Laurent Gbagbo à la tête du FPI qui cristallise aujourd’hui les débats au FPI et même en Côte d’Ivoire a une fois de plus dominé la rencontre. Donnant même lieu parfois à des échanges tendus entre pro-Affi et pro-Gbagbo. Est-ce que oui ou non, Laurent Gbagbo est lui-même initiateur de sa candidature à la présidence de son parti comme tente de le lui dénier le clan Affi ? Cette question centrale a eu une réponse appropriée de la part de l’invité de la représentation du FPI : 

« Le président m’a dit qu’il s’est lui-même porté candidat pour diriger le FPI. « C’est ici, à ce même endroit que j’ai reçu le notaire pour signer ma lettre de candidature. Je veux reprendre le parti la parce que je considère que Affi est entrain de dénaturer le FPI… » » A confié AGO Marthe comme étant les propres paroles du président Laurent Gbagbo.

Poursuivant son témoignage, AGO Marthe dira que Laurent Gbagbo a aussi fait savoir que l’actuel président du FPI a poussé le bouchon trop loin dans sa croisade contre lui. « Affi N’guessan est allé trop loin…» a confié Gbagbo.

Quel pourrait être alors la suite de cet imbroglio politico-judiciaire qui grève les activités du FPI ? En réponse, la vice-présidente du FPI martèlera tout simplement que les textes du parti sont contre les pro-Affi.

« Nous on brûle d’envie de suspendre Affi (…) Comment voulez-vous continuer à composer avec quelqu’un qui porte plainte contre les structures de son propre parti ? (…) De toutes les façons d’ici le 7 mars Affi va partir…» A-t-elle conclu./.

Source:http://www.eventnewstv.tv/default.php?link=voir_actualite&id=746#.VOnf88dSO9s.facebook

Vidéo : Youtube

source: http://lemondealenversblog.com/2015/02/23/depuis-la-haye-laurent-gbagbo-se-confie-affi-nguessan-est-alle-trop-loin/

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Général US: « Nos amis et alliés ont fondé Daesh pour détruire le Hezbollah »

De révélation en révélation, tout le monde aura bientôt compris ce qu’est DAESH. Le général Wesley Clark confirme ici ce que disait Sayed Hassan Nasrallah dans son dernier discours où il faisait remarquer que seul Israël n’était pas inquiété par l’Etat Islamique. Que d’efforts pourtant pour mettre en avant leur antisémitisme en Europe !

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Le général Wesley Clark, homme politique et ancien général des Forces armées des États-Unis a déclaré dans une interview avec la chaine américaine CNN que « l’Etat islamique (l’organisation takfiriste Daesh) a été crée grâce au financement de nos amis et de nos alliés … dans le but de se battre jusqu’à la mort contre le Hezbollah ».

Les déclarations de Wesley tranchent avec celles des dirigeants israéliens qui affirment que la principale menace à la sécurité d’ « Israël » provient de l’Iran, de la Syrie et du Hezbollah, et non pas de Daesh ou d’AlQaïda, rapporte Non Aligned Media.

En d’autres termes, l’objectif principal de créer Daesh, selon Clark, n’est autre que d’assurer la sécurité d’ »Israël » face au Hezbollah, sa principale bête noire.

Les propos de Wesley viennent également confirmer les accusations iraniennes, irakiennes et syriennes, selon lesquelles Daesh a été créé par la CIA.

Il convient de rappeler dans ce contexte le largage des munitions américaines aux groupes takfiristes lors des combats avec l’armée et les forces populaires irakiennes.

Le Général Wesley Clark est l’ancien dirigeant du Commandement Européen des États-Unis qui comprend toutes les activités militaires américaines dans les 89 pays et territoires en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.

En outre, il était le Commandant suprême des alliés en Europe (SACEUR), ce qui lui accordait le commandement total des forces militaires de l’OTAN en Europe de 1997 à 2001.

http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?eid=221098&cid=13&fromval=1&frid=13&seccatid=15&s1=1

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Olivier Demeulenaere - Regards sur l'économie

(source : UPR)

François Asselineau, président fondateur de l’UPR, commente l’actualité du mois de février 2015 :  loi Macron, Grèce, Ukraine, élections départementales, Parti Musulman.

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Antoine Sfeir: connaître nos différences pour mieux vivre ensemble

Antoine Sfeir

Le blog d'Antoine Sfeir

imageInvité de Rebecca Fitoussi à 14.45

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