Je ne sais pas si tout le monde est comme moi mais, pour ma part, j’en ai assez des promesses.
Le seul avantage du président de la République qui aura l’honneur de nous représenter jusqu’en 2017 est que, pour ce qui le concerne, il est forcément sorti de la sphère des engagements et des espérances pour souffrir, et la France avec lui, d’une réalité qu’il ne parvient pas à maîtriser depuis 2012.
Le pouvoir égrène, au fil des jours, les désillusions et l’habitude n’y fait rien : le citoyen les prend de plein fouet mais au moins il n’y a aucun hiatus. Il n’y a que le morose et le morose !
Mais comme les promesses deviennent lassantes et répétitives avec la primaire LR dont la date se rapproche et qui sera non plus une joute pluraliste mais un immense fourre-tout, si Michèle Alliot-Marie décide à son tour de s’y présenter au prétexte que, mauvaise ministre tout le temps, elle s’est autoproclamée gardienne de l’authentique gaullisme et qu’à ce titre elle se croit nécessaire !
Chacun y va de son couplet – par exemple en matière de sécurité et de justice – en assurant que sur le plan pénal les choses changeront, que l’état de droit sera restauré, qu’on s’occupera des prisons et que la société des honnêtes gens sera protégée.
C’est peu ou prou l’antienne de Nicolas Sarkozy, de François Fillon, d’Alain Juppé ou de Bruno Le Maire. La réflexion régalienne creuse le même sillon.
Non pas que telle ou telle proclamation ne contienne pas parfois d’heureuses évidences comme dans ce propos de François Fillon : « Chacun est responsable de ses actes. Un voyou est un voyou avant d’être une prétendue victime de la société » (Le Figaro).
Ce qui cependant suscite une fatigue civique est l’inévitable et obligatoire déperdition qui affectera la pureté du projet quand le réel viendra se rappeler à lui. Alors il se délestera de sa force pour se dégrader, au mieux, en piètres compromis face auxquels il ne faudra pas se rengorger au prétexte qu’on aura résisté à la rue.
Alors que celle-ci n’aura même pas eu besoin de s’en mêler, tant la vigueur initiale programmée aura été émasculée par la prudence et précisément par cette peur anticipée d’une fronde populaire et syndicale, alibi justifiant toutes les lâchetés politiques.
Cette nausée qui nous saisit devant l’accumulation des virtualités roboratives que des personnalités plus ou moins jeunes mais ayant déjà beaucoup servi, nous font miroiter, a pour conséquence que les plus modestes, les plus mesurées, les plus vagues nous arrêtent juste avant le haut-le-coeur.
On attend aussi un peu de pudeur de la part de ceux qui ont échoué et qui prétendent à une session de rattrapage. Ils ont le droit de concourir mais qu’ils n’oublient pas qu’une première fois ils n’ont déjà pas fait leurs preuves !
Sans être forcément enthousiaste, on éprouve alors de l’indulgence, à cause des délires trop fréquents, pour les adeptes de la litote ou les pauvres en démagogie.
Ainsi Alain Juppé parvient à être relativement minimaliste au regard du futur qu’il nous annonce, quels que soient ses thèmes, et Hervé Mariton, moins usé que d’autres et moins accablé par un passé déjà grevé, se garde bien de proférer monts et merveilles, trop lucide sur la fatalité conduisant à tenir moins qu’on ne promet.
Mais la nausée des promesses a des origines plus profondes. On sait bien qu’il y a le théâtre, le simulacre d’avant, les châteaux en France, l’illimité voluptueux du verbal et du volontarisme, que tout le monde a le droit de s’ébattre avec cette fabuleuse liberté que permet l’abstraction mais que les choses sérieuses commenceront après.
Quand la réalité, sur laquelle on avait surestimé son emprise avant de se colleter à elle, surgira et sera le révélateur de ce qu’on vaut vraiment.
Il n’y aura pas seulement le retour rude de la poésie des songes vers la prose de la terre ferme mais l’implacable enseignement que seules les personnalités, les êtres dans leurs tréfonds sauront, avec les qualités exceptionnelles de courage, d’intelligence, de constance et d’intégrité exigées par la présidence d’un grand pays, ne pas rendre inconcevables, absurdes, dérisoires les professions de foi républicaine d’avant l’élection.
On a la nausée des promesses parce qu’on nous fait lanterner, on nous amuse avec elles quand l’essentiel réside dans la capacité d’affirmation d’un tempérament et d’un esprit face à la permanente dénégation du meilleur en chambre et en colloques par le pire en vrai.
Est-ce rêver que d’aspirer à un président plus fort que ce qui affaiblira la France et qu’il aura la charge de vaincre ?
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