Articles Tagués ‘MICHEL ONFRAY’

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Que va-t-on faire en Syrie, en Irak, en Libye? Pourquoi ne va-t-on pas en Corée du Nord?
Michel Onfray
TERRORISME – Invité de LCI mercredi matin, Michel Onfray a une fois encore souligné la corrélation qui existe selon lui entre les opérations extérieures de la France et les attentats qui la touchent. Au lendemain de l’attaque sur le parvis de Notre-Dame, le philosophe a plaidé pour que l’on s’interroge sur les motivations des assaillants.
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Michel Onfray a estimé lundi que les femmes portant un burkini « ne troublent pas l’ordre public » et qu' »on est en train de s’occuper de petites choses », fustigeant la politique étrangère française notamment en Syrie et en Irak.
Lire:

http://m.7sur7.be/7s7/m/fr/1505/Monde/article/detail/2842870/2016/08/29/L-avis-de-Michel-Onfray-sur-le-burkini.dhtml

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Le philosophe a reçu RT France pour un entretien d’actualité. De la contestation sociale en France en passant par l’Etat islamique et l’avenir de l’Hexagone, Michel Onfray a livré une analyse sombre qu’il veut réaliste.

http://arretsurinfo.ch/michel-onfray-nous-sommes-deja-en-guerre-civile/

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 Michel Onfray à Paris, le 26 novembre 2015. (IBO/SIPA).

LES NOMS D’OISEAU

J’ai ouvert un compte tweeter non par passion moderniste ou désir de sacrifier à la mode des réseaux sociaux, mais pour disposer d’un contre-pouvoir à la chiennerie journalistique déchainée contre moi depuis bien longtemps. La presse française est en effet une juridiction d’exception subventionnée par l’Etat – sinon, elle s’effondrerait illico : 18 millions d’euros pour Le Monde, autant pour Le Figaro, les deux journaux les plus aidés, 11 pour Ouest-France, 10 pour Libération, autant pour Télérama… Elle peut salir, insulter, mépriser, humilier, vilipender et répandre son venin avec l’aide de l’argent du contribuable. La réponse à l’insulte n’y est évidemment pas tolérée. Sauf par tribunaux. J’ai été copieusement insulté, je n’ai jamais porté plainte contre aucun journal. J’ai donc ouvert ce compte pour donner mes vérités. Il venait de passer les 100.000 suiveurs.

J’ai cru qu’on pouvait formuler une idée en moins de 140 signes. Je le crois toujours. Mais j’ai mésestimé que ceux qui ont du mal à saisir une pensée en temps normal auraient du mal à saisir le concentré quand le délayé leur était déjà incompréhensible. Quand j’écris de Cayenne où je suis le soir des attentats du 13 novembre : « Nous récoltons nationalement ce que nous avons semé internationalement » je dis une chose qui n’est pas entendue et que je dis depuis toujours. A savoir que toute chose est un effet de causes qu’il faut chercher. Principe élémentaire pour quiconque veut penser.

Je dis donc en 140 signes que : le renoncement de la gauche à être de gauche sur le terrain international lorsque Mitterrand emboîte le pas à la politique belliciste de Bush en 1990 a généré une situation qui produit le terrorisme en France ; de même je dis par ailleurs depuis le même temps que le renoncement de la gauche à être de gauche en 1983, après conversion du même Mitterrand au libéralisme et transformation de Bernard Tapie en idole de la gauche, a mis le Front National en tête des partis français et en passe d’arriver à l’Elysée. On n’entend pas mon analyse ; on prétend qu’en disant ces deux choses : je fais le jeu de Daesh et je fais le jeu du FN ! Je montre la lune, Joffrin regarde mon doigt…

A l’impossibilité d’être compris dans un aphorisme il faut ajouter qu’on me reproche désormais non plus ce que je dis, mais ce que je ne dis pas ! Il y eut un déluge d’insultes à mon endroit parce que je n’avais pas affiché ma compassion à l’endroit des victimes. J’aurais dû, comme tant d’autres, afficher une bougie ou un drapeau français, sinon faire un selfie devant les lieux de massacres. Outre que l’affichage de la compassion ne s’avère pas toujours une compassion véritable mais est toujours un affichage, je n’ai pas ouvert un compte tweeter pour étaler mes sentiments, ma vie privée, mes émotions, mon pathos, mais pour donner mes analyses. Je garde la compassion pour mon for intérieur et trouve obscène l’obligation de l’afficher.

Jadis les journalistes allaient sur le terrain; aujourd’hui, ils vont sur tweeter. C’est moins coûteux pour les rédactions.  Combien de fois ai-je été appelé par un journaliste dans la demi-heure qui suivait un tweet ? Au-delà de 140 mots, leur intelligence rend souvent l’âme. Déjà en deçà, elle ne se sent plus très bien.

L’époque ne pense plus et ne pense pas, elle chérit l’infantile et l’infantilisation. C’est tellement plus facile de gouverner un mineur mental. Je me bats depuis toujours pour les Lumières qui invitent à penser par soi-même, sapere aude, « aie l’audace de penser » écrivait Kant. Je crée l’Université Populaire de Caen pour ça en 2002.

Lorsque 80 livres comptent moins qu’un tweet de 140 signes, c’est le tweet qu’il faut arrêter. D’autres font le choix inverse. Libre à eux.

La France vient d’affirmer qu’elle va mettre des coups de canifs dans la déclaration des Droits de l’homme : il n’y a plus personne pour estimer que Marine Le Pen n’aura bientôt plus de programme tant le PS l’aura réalisé.

©Michel Onfray, 2015

http://mo.michelonfray.fr/chroniques/la-chronique-mensuelle-de-michel-onfray-n127-decembre-2015/

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« Si Michel Onfray n’existait pas, il faudrait l’inventer. Sans lui, le champ philosophique contemporain serait d’une tristesse à pleurer. Une morne plaine. A lui seul, l’hédoniste d’Argentan, Orne, remplit presque tous les rôles en même temps. L’insoumis. Le pédagogue. Le prophète. Le citoyen. L’empêcheur de philosopher en rond. Autant d’individus qui en font un seul et que cerne ce film en onze séquences, où Michel Onfray se raconte. Avec sincérité, il dévoile une à une toutes les facettes, y compris les plus secrètes, d’un personnage prométhéen qui se bat sur tous les fronts en même temps. Sur plan des idées mais aussi sur le terrain. Comme Nietzsche, il refuse de philosopher en chambre, sur des abstractions. » Franz-Olivier Giesbert

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Le philosophe Michel Onfray, à l'ouverture de l'Université populaire de Caen, à Hérouville-Saint-Clair, dans le nord-ouest de la France, le 15 octobre 2010

Publié le 23/11/2015 à 18:08 | AFP

Le philosophe Michel Onfray, à l’ouverture de l’Université populaire de Caen, à Hérouville-Saint-Clair, dans le nord-ouest de la France, le 15 octobre 2010 © AFP/Archives – Charly Triballeau

photo_bilger_1Benoît Rayski a accusé Michel Onfray, le 19 novembre et dans une charge cinglante, « d’être l’homme qui crache sur les morts de Paris » (Atlantico).

Le philosophe est mon ami mais je n’ai jamais eu de difficulté pour distinguer le champ intellectuel de la chaleur humaine. Je suis persuadé que lui-même se sentirait offensé si à cause de la seconde j’en venais, pour tout ce qu’il pense, écrit et exprime, à une adhésion inconditionnelle.

Précisément, parce que je ne lui ai jamais intenté de procès absurdes et qu’au contraire, à ma place modeste, je l’ai défendu contre des attaques odieuses qui en faisaient un suppôt du Front national, je me sens le droit au moins de mettre en question son point de vue après les terrifiants massacres du 13 novembre.

Dans sa cinquième vidéo de revendication des attentats de Paris, le groupe Etat islamique (EI) a publié, le 21 novembre, des extraits d’interviews de Michel Onfray dont un où il appelle à « cesser de bombarder les populations musulmanes sur la totalité de la planète ». « On est toujours instrumentalisé par tout le monde », a-t-il vite réagi (I Télé).

Dans un profond et dérangeant entretien mené par Sébastien Le Fol dans Le Point, le philosophe avait déclaré, le 19 novembre, que la France « doit cesser sa politique islamophobe ».

Par un tweet du 14 novembre, Michel Onfray avait transmis ce message : « Droite et gauche, qui ont internationalement semé la guerre contre l’islam politique, récoltent nationalement la guerre de l’islam politique ».

On devine comme ces prises de position ont bouleversé alors que Paris et la France tout entière étaient sous le coup d’une émotion et d’une douleur indicibles depuis l’horrible soirée du 13 novembre.

On ne peut qu’inviter à prendre connaissance des contributions de ce philosophe à cet immense et éprouvant débat aussi bien sur le plan national qu’international. Michel Onfray argumente, précise, justifie, réplique mais tient son cap et ne recule pas.

Au risque d’être sommaire, je résume.
« …Ce qui a eu lieu le 13 novembre est certes un acte de guerre mais il répond à d’autres actes de guerre dont le moment initial est la décision de détruire l’Irak de Saddam Hussein par le clan Bush et ses alliés il y a un quart de siècle…Le premier agresseur est occidental, je vous renvoie à l’Histoire, pas à l’émotion…Il s’agit de George Bush…C’est en effet une guerre de civilisations. Mais le politiquement correct interdit qu’on le dise depuis que Samuel Huntington en a excellemment fait l’analyse en 1993…La France dispose d’une identité nationale qu’on voit d’autant plus volontiers quand l’identité islamique la met en lumière dans le contrepoint historique du moment…Je suis en effet partisan d’une remise à plat totale de la politique étrangère française…Je ne fais pas du tout confiance à François Hollande pour surmonter cette nouvelle épreuve« .

Qui oserait une posture péremptoire pour aborder ces problématiques où les experts dignes de ce nom se perdent parfois et souvent se contredisent ?

Michel Onfray nous incite « à sortir du temps court du journaliste » pour nous enrichir avec « le temps long du philosophe qui vit de réflexion », et non pas d’émotion. Mais la réflexion qui est nécessaire, même pour le journaliste, doit-elle interdire au philosophe de tenir compte du fait que l’Histoire et la politique sont imprégnées de souffrances, de tragédies et que la rationalité sur laquelle il croit pouvoir exclusivement se fonder est un leurre ?

Enfermer le débat sur l’EI et l’Occident dans un champ aussi simple, voire simpliste que celui de la guerre contre l’Irak de Saddam Hussein en 2002 et d’un terrorisme qui aurait été explicable à Paris parce qu’il n’aurait été qu’une riposte et quasiment une légitime défense me semble tout de même un peu court comme si une multitude d’événements, pour certains à l’enseignement équivoque, n’étaient pas venus s’intercaler entre cette source et cette terrible et aveugle réaction.

On perçoit, de la part de Michel Onfray, une volonté forcenée, que son intelligence doit elle-même juger abusive, d’établir à toute force une équivalence absolue entre l’Occident et ses méfaits et l’EI et ses horreurs, entre les destructions opérées par le premier et les saccages culturels délibérés perpétrés par le second, entre les malfaisances de l’un et les crimes toujours prémédités de l’autre.

Ce désir d’égalité laisse croire à une normalisation, comme si l’EI appartenait à un univers proprement politique, comme les pays qui le combattent, et qu’un processus de paix serait envisageable entre eux parce qu’au fond ils relèveraient d’un espace social, intellectuel, culturel, politique et religieux homogène.

Est-il besoin de rappeler que « l’universalité de la religion musulmane(…)impose une obligation qui doit durer jusqu’à ce que le monde entier ait rallié la foi musulmane ou se soit soumis à l’autorité de l’Etat islamique. Jusqu’à ce moment le monde est partagé en deux : la maison de l’islam et la maison de la guerre » (Selon Bernard Lewis cité par Alain Finkielkraut, le Figaro) ?

De ce clivage qui justifie l’islam dans la guerre qu’il mène et qui d’emblée ne nous situe plus dans le registre des affrontements classiques, Michel Onfray n’ignore rien puisqu’il tient à nommer correctement l’adversaire : « la frange radicale et politique de l’islam salafiste », la plus accordée à cette vision s’assignant pour but ultime, par la guerre, de faire de la maison de l’islam la maison universelle.

Il le sait d’autant plus que lors des dernières semaines, avec courage et des empoignades mémorables, il n’a pas hésité à mettre en évidence la part sombre, violente et furieuse du Coran. Comment, dans ces conditions, consent-il à se voiler l’esprit en constituant l’EI comme un partenaire à part entière et non pas comme l’ennemi irréductible de ce à quoi nous tenons plus que tout, et lui le premier ? Bien plus que la démocratie : l’honneur d’être homme, femme, libres et sans appétence pour la mort de tous les autres décrétés indignes.

Michel Onfray, excellemment questionné par Sébastien Le Fol, sent la faiblesse de sa position puisqu’il ne répond pas à l’interrogation centrale formulée ainsi : « Même sans une intervention en Syrie, ne pensez-vous pas que Daech aurait frappé la France ? »

Il me semble qu’on atteint le comble de la naïveté, qui n’est pourtant pas la caractéristique essentielle de son esprit, quand Michel Onfray, rêvant d’un désengagement général de son pays, n’hésite pas à suggérer : « Une trêve pourrait alors être signée entre l’EI et la France pour que son armée dormante sur notre territoire pose les armes ». On a l’impression, à le lire, qu’il s’agit de la guerre d’Algérie et qu’on pourrait s’orienter vers des accords d’Evian !

Il s’agit d’un pacifisme non pas bêlant, parce que ce serait lui faire injure, mais totalement déconnecté de l’impérialisme sanglant et atypique d’un EI qui, depuis le 24 mai 2014, a tout de même commis huit attentats dans différents pays, dont le nôtre le 13 novembre 2015.

Il n’empêche qu’un Michel Onfray jette toujours quelques pépites sur son chemin. Il n’a pas tort de souligner « qu’il y a chez les Français une ferveur sans objet…et qu’il nous faudrait une grande politique dont la France a désormais besoin ». Mais, à l’évidence, celle qu’il propose avec une sorte de provocation jubilatoire ne serait pas de nature à permettre de nous regarder avec honneur dans la glace républicaine.

L’émotion n’est pas bonne conseillère, j’en ai conscience. Si Michel Onfray peut être suivi quand il se moque des mièvreries collectives compassionnelles et impuissantes, je ne suis pas sûr d’aimer, en revanche, la sécheresse avec laquelle il passe sous silence le sang, les morts et les horreurs alors que, selon mon expérience de sa personne, il n’y a pas d’être plus sensible que lui. Mais on comprend qu’il faut laisser toute la place « au philosophe et à la réflexion » !

Les aberrations de Michel Onfray ne sont jamais vaines. Il considère que son rôle est de troubler, d’agiter et de mettre de la pensée dans les plaies, quitte à les exacerber. Il a de l’audace : ce n’est pas rien de tweeter, de parler et d’écrire comme il ose le faire depuis le 13 novembre. Mais trop tôt, trop vite. Il aurait dû laisser s’écouler un délai de décence.

Au fond, au lendemain de tels désastres, qui ont fait surgir des noblesses et des résistances inouïes, il ne nous faut que des Bruckner.

Plus tard, bien plus tard, les Onfray pourront survenir. Même s’ils ont tort.

Michel Onfray n’a pas craché sur les morts de Paris. Pire : il les a oubliés.

http://www.philippebilger.com/

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Sur le nihilisme, le correctivisme politique, la fin de la civilisation « moderne »

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méduseEddy Chevalier
Professeur agrégé d’anglais, docteur en civilisation américaine

Publié le 21/09/2015 à 16h38

Michel Onfray au théâtre du Rond-Point à Paris, 20 mai 2010 (Perline/Wikimedia Commons/CC)

Le déboulonneur d’idoles le plus populaire de France a encore frappé et, samedi soir, ce sont deux apôtres du cirque médiatico-journalistique qu’il a crucifiés. Plus exactement, il a intellectuellement humilié Yann Moix et Léa Salamé. Rendus humbles, conscients de leur faiblesse et mortifiés, ils sont devenus plus sophistes que jamais. Léa Salamé, déboussolée, s’est raccrochée à des interviews tronquées et Yann Moix, d’habitude si brillant et si prolixe, a aboyé. Ce dernier a d’ailleurs été bien inspiré de mentionner « Le Radeau de la Méduse » et sa troublante prescience concernant les migrants : il illustrait aussi, malgré lui, le naufrage de la bien-pensance médusée de deux chroniqueurs perdant pied.
Léa Salamé, le Florent Pagny des journalistes

A la télévision, les approximations sont légion et les petites phrases, reines. Ainsi, Sa Majesté Salamé, adoubée par toute la seigneurie des médias de Paris, a une conception faussée de l’interview politique. Elle attaque, farouche, pour faire montre, toujours, de sa liberté de penser. Elle est le Florent Pagny des journalistes.

Le but n’est certainement pas de démolir celle qui, après avoir répondu très sèchement à la sublime mais pathétiquement robotique Ophélie Meunier dans « Le Tube », révélait la semaine passée qu’elle n’avait pas confiance en elle. Pourtant, s’intéresser au bon fonctionnement d’une république et d’une démocratie passe forcément par une auscultation de ses poumons devenus cœur : ses médias. D’où vient donc la légitimité de ceux qui donnent des leçons devant et à des millions de téléspectateurs ? Voilà une vraie question qu’on aimerait (lui) poser sans agressivité. Interrogation d’autant plus pressante que l’acolyte de Patrick Cohen le matin sur France Inter semble obnubilée par les raccourcis.

Elle voulait qu’Onfray lui dise : « Oui, je vote Marine Le Pen ». Elle tendait des pièges, guettait et, affairée, n’écoutait pas. Le philosophe est pourtant clair : les réponses aux questions complexes et urgentes sont forcément tortueuses. Quoi qu’elle en pense, il ne s’agit ni de se défausser ni de mentir. Mais de prendre le temps d’expliquer. Sa grille de lecture, étriquée et obscure, est très souvent exprimée de la façon suivante : « [Nom de l’invité qu’elle espère chahuter pour prouver au monde et à elle-même qu’elle est libre, pugnace et légitime], est-ce que OUI ou NON… ? » Triste binarité d’une pensée Facebook où le simple étalon est un morne et unique like.
Approximations et déformations

Le « ça vous fait jouir » de Michel Onfray à son égard était bien moins misogyne que philosophique : de toute évidence, elle éprouve un vif plaisir lorsqu’elle débusque, pense-t-elle, le paradoxe ou le scandale. On la sent prête à bondir lorsqu’elle demande, déjà indignée, « qu’entendez-vous par “politique islamophile” ? » N’est pas Edward Snowden qui veut… L’enjeu est autre : montrer, longuement et par circonvolutions nécessaires, que la question des migrants n’est pas qu’émotionnelle mais économique et géopolitique. Léa Salamé, comme n’importe quel journaliste en réalité, devrait avoir moins peur de Marine Le Pen que des amalgames. Son extrait audio d’une interview de Michel Onfray, biaisé et mutilé, où la question a été oblitérée pour mieux lui faire dire son contraire, est très symptomatique.

Tout comme les approximations d’Emilie Frèche, la romancière d’« Un Homme dangereux », présente sur le plateau et qui, trop occupée à admirer les pervers, a multiplié les confusions lors de ses questions au philosophe fils de paysan. Avoir écrit un roman à clef sans vouloir l’avouer a peut-être abîmé sa notion de vérité, aussi romanesque fût-elle…

Même constat pour Léa Salamé : depuis quand une interview dans le Figaro ne déforme pas les propos ? Et « truquable » ne veut pas dire « truqué » : « Jamais une erreur les mots ne mentent pas » écrivait Eluard. Elle qui ne peut s’empêcher de dire « pardonnez-moi, mais… » toutes les six phrases a tout simplement été atomisée.
D’où parlez-vous, Yann Moix ?

Onfray est d’une intelligence rare et stellaire. Son vrai cosmos, c’est le respect du verbe. Enfin quelqu’un qui agit et refuse le pouvoir. Peut-on trouver aujourd’hui un homme plus inspirant ? Ce qui fait de l’homme un vrai rebelle est son refus du pouvoir politique. Il a lu, lui, « La République » de Platon et a bien compris, comme Rousseau, que ce « n’est point un ouvrage de politique comme le pensent ceux qui ne jugent des livres que par leur titre : c’est le plus beau traité d’éducation qu’on ait jamais fait. »

Onfray pense, comme Nietzsche, qu’un système de pensée est toujours d’abord l’expression d’une singularité propre dont il convient de connaître les limites physiques pour en sonder la véritable portée intellectuelle. Voilà pourquoi il était bien inspiré de signaler que Moix, romancier hors pair, subtil et lumineux, était un mondain. Il fallait éclaircir, en bon philosophe, d’où parlait Yann Moix pour parfaitement le comprendre : de chez Grasset, l’épicentre germanopratin d’un discours idéologique à grand tirage.

Et lorsqu’Onfray (re)dit qu’il n’a pas voulu jouer le rôle du chroniqueur du samedi soir pour ne pas s’arroger une part du pouvoir, il pique au vif un Yann Moix qui, horrifié de se savoir second choix, multiplie les invectives en oubliant qu’il est grassement payé pour dialoguer. Et non confisquer une parole qui le castre en oblitérant son unicité, qu’il a désespérément bâtie de mégalomanies littéraires en films iconoclastes. Tant que son ego est blessé, malheureusement, les migrants restent dans les limbes.

Voici la véritable leçon d’Onfray : pour changer les gens, les choses et donc le monde, il faut, d’une façon ou d’une autre, enseigner. Étymologiquement signaler, désigner. Pointer du doigt non pour mettre à l’index mais pour montrer la voie. Pour qu’enfin arrive, par un art de jouir intellectuel et un souci du plaisir puissant et hédoniste, rebelle et libertaire, le crépuscule des idiots.

http://blogs.rue89.nouvelobs.com/culture-pop/2015/09/21/et-si-michel-onfray-etait-lhomme-le-plus-intelligent-de-france-234972

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Ce samedi 19 septembre, dans l’émission « On n’est pas couché », le débat entre le philosophe et le nouveau chroniqueur de l’émission a tourné à l’affrontement.

Publié le 20/09/2015 à 10:41 | Le Point.fr
Capture d'écran de l'émission "On n'est pas couché", sur France 2.
Capture d’écran de l’émission « On n’est pas couché », sur France 2.Capture d’écran de l’émission « On n’est pas couché », sur France 2.
C’est devenu une tradition : chaque diffusion de l’émission On n’est pas couché, le samedi soir surFrance 2, débouche sur une polémique. Yann Moix a voulu profiter de la présence de Michel Onfray pour revenir sur l’interview controversée du philosophe dans Le Figaro cette semaine. Le chroniqueur l’a interrogé sur son utilisation du mot « peuple ». « Le peuple, c’est ce sur quoi s’exerce le pouvoir, c’est-à-dire que ce n’est pas vous, parce que vous, vous l’exercez le pouvoir », lui a répondu Michel Onfray avec véhémence.

LIRE: http://www.lepoint.fr/people/la-pensee-ce-n-est-pas-fait-pour-vous-onfray-degomme-moix-dans-onpc-20-09-2015-1966339_2116.php

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Michel Onfray est l’invité de Laurent Ruquier à l’occasion de la « Une » de Libération et sa tribune consacrée aux migrants.

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Le sacrifice du sens sur l’autel de la marchandisation et l’inversion des valeurs déguisée en triomphe de la liberté sont encouragés par une caste de privilégiés hypocrites. La stupidité et la démence des politiciens et des imposteurs culturels entraînent l’humanité vers sa propre négation.

(Note : Le titre fantaisiste de cette vidéo sur Youtube n’a pas de rapport avec les propos de Michel Onfray)

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Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 11/09/2015 à 09:37

FIGAROVOX/EXTRAIT – Le philosophe s’interroge sur le traitement médiatique de la crise des migrants. Il regrette que la raison cède le pas à l’émotion et que le peuple soit mis en accusation pour son égoïsme supposé.

LE FIGARO – L’insoutenable photo de l’enfant kurde mort sur une plage de Turquie a conduit François Hollande à modifier la position de la France sur la crise des migrants. Que cela vous inspire-t-il?

Michel ONFRAY – Penser une photo est déjà la chose la plus difficile qui soit car on ignore tout de ce qui a présidé aux intentions et au geste du photographe: pourvu qu’elle soit bonne, une photo est toujours une idée. De plus, on sait qu’à l’ère numérique, une photo peut-être une manipulation à la portée du premier venu. On ne sait donc jamais si une photo est ce qu’elle dit a priori ou ce que la légende lui fait dire. Il existe des détournements célèbres par les légendes. Ce que l’on sait, c’est que dans notre monde où n’existe plus que ce qui est montré dans un média, une photo bien légendée fait plus qu’un long discours argumenté.

L’émotion a-t-elle remplacé la raison? Cela nous empêche-t-il de percevoir les véritables enjeux géopolitiques contemporains?

Oui, bien sûr. Il faut des bons mots, des petites phrases, des images chocs avec lesquelles on retient bien plus volontiers son public qu’avec une longue analyse fine, précise, argumentée, savante. Un clou chassant l’autre, ce qui est majeur un jour cesse de l’être….

LIRE http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/09/10/31003-20150910ARTFIG00382-michel-onfray-on-criminalise-la-moindre-interrogation-sur-les-migrants.php

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Migrants – Onfray : « En France, il est interdit de penser la question migratoire »

VIDÉOS. Le philosophe était l’invité d’Audrey Crespo-Mara sur LCI. Sur la crise des réfugiés, le terrorisme, les politiques, Onfray se lâche. Propos recueillis par

Publié le 09/09/2015 à 11:34 | Le Point.fr
Michel Onfray rejoint l'appel de Marc Lavoine en faveur des migrants.

Michel Onfray rejoint l’appel de Marc Lavoine en faveur des migrants.Capture d’écran LCI

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Michel Onfray

Michel Onfray

Il est évident que la bataille que livre Michel Onfray à l’ignorance est porteuse de beaucoup de bénéfices. Aussi bien pour ses concitoyens que pour nous, installés dans le confort d’être pensé par l’Autre. Je souhaite que ma contribution ne soit pas perçue comme une offensive contre un penseur qui dit non aux mythes, qui traque l’ignorance. Mais, dans l’espace des idées, la critique est fondamentale : elle démécanise l’acte de penser, et déconditionne la Raison. Mais elle peut ne pas libérer la Réflexion. La part du Concept semble avoir été confisquée par les promoteurs des idéologies passionnelles.

Introduction

L’intellectuel, figure fantasmo-mystique créée par des centres idéologiques bourgeois, devient, en ces temps dits modernes, le prédicateur le plus vénéré. Opposer un refus aux opinions émises par ce personnage, ce serait pécher, attenter aux promoteurs de l’asservissement des grilles idéologiques. Le philosophe français Michel Onfray a écrit un livre dans lequel il intentait tous les procès à certaines figures de la gauche française. Cela ne nous intéresse pas beaucoup, nous, Algériens. L’indigénat dans lequel nous maintiennent nos élites politiques nous interdit de parler d’autres sujets que ceux qui concernent nos préoccupations, considérées par nos politiques comme d’un fond populaire détestable. Parler d’un droit social serait, selon certains, faire allégeance aux forces conservatrices : quelle belle analyse ! Les élitistes désapprennent à matérialiser. Michel Onfray ne cache pas ses penchants pour les plateaux, mais cette tare n’est jamais soulignée par les groupuscules avertis à l’idée de la menace de voir l’intellectuel se mercantiliser et faire du spectacle l’inévitable antithèse du savoir. Michel Onfray se trouve dans cette catégorie d’intellectuels dont parlait Gilles Deleuze, qui répondait, à propos des liens du penseur aux médias, en ces termes : « Les intellectuels et les écrivains, même les artistes, sont donc conviés à devenir journalistes s’ils veulent se conformer aux normes. C’est un nouveau type de pensée, la pensée-interview, la pensée-entretien, la pensée-minute. On imagine un livre qui porterait sur un article de journal, et non plus l’inverse. Les rapports de force ont tout à fait changé, entre journalistes et intellectuels. »[1]

Désormais, le seuil de l’indicible vient d’être franchi. Dire, pour certaines vedettes des médias, est une jouissance froide, car, pensent-ils, l’écrit ne garantit pas la réalisation carnavalesque de la scène magistrale. Du texte écrit sur Camus, nous ne pouvons commenter que des séquences rapportées par les médias, notre condition socio-historique freine nos appétits intellectuels. Michel Onfray a écrit un livre sur Albert Camus, un livre que ne nous lirons jamais. L’embargo qui nous est imposé par les officines intellectuelles rassure nos tendances à la passivité et à la démission. Le dire, d’une manière métaphorique et avec l’intention de nuire à l’image (fétichisée) accordée à l’intellectuel, cet aveu ne peut nullement atteindre, par l’image qu’il se fait dans l’espace socio-idéologique, le seuil de la bravoure rendu inatteignable par les sports intellectuels devenus d’une extrême ridiculité à la suite des efforts (jolis) arrachés par le réfléchir à l’unité pensante de l’humain.

Albert Camus n’a certes pas été de l’équipe qui défendait le droit des Algériens à disposer de leur sort. Ce droit venait d’être traduit, à cause de transmutations historiques qui dépassaient le moment pacifique (de compromis), par la posture révolutionnaire. L’Histoire a doublé Camus, et Michel Onfray aurait un peu de mesure si les arguments par lesquels il défendait Camus étaient sortis de la circularité tranquille de la philosophie dans laquelle il baignait. Il dit, dans l’interview qu’il accordait à une chaîne de télévision, que Camus n’acceptait pas la justice des bombes et du terrorisme. Pour charger Sartre et donner du crédit aux appareils étatiques bâtis sur la répression, la torture et le crime organisé, nous dirions que Camus aurait pu dire ce qu’il pensait du colonialisme en tant que fait politique, plutôt que de penser la présence des forces bourgeoises en Algérie comme un parcours de ritualisation de l’asservissement (version masoch) que mes ancêtres étaient condamnés à subir, au motif qu’ils étaient barbares et qu’ils ont recouru à la violence…face à la civilité des Européens. Cela n’a pas été fait, Camus prônait le compromis, qui n’avait aucun substrat politique. Cet argument charge toute l’intelligentsia française, elle qui s’est tue face aux désastres commis par le colonat, lequel vient d’être étrangement réhabilité et absous de toutes les atrocités par un philosophe fuyant la fonction qui lui est dévolue. Un philosophe qui propose ses services à Ruquier semble regretter le rythme de travail qu’il suivait pour assassiner Freud. L’Ogre intellectuel qu’est Michel Onfray n’aurait pas lu ce que Kateb Yacine écrivait, à propos des dangers de l’embourgeoisement. Kateb disait que beaucoup résistent à la menace et à la torture, mais se mettent à genoux devant le luxe et le confort.

La mobilisation du faciès dans l’appréhension de l’Etre (nous pensons au travail réalisé par Lévinas) est un acte en déplacement dans l’Histoire et dans les espaces savants. L’exploit est réussi grâce au mutisme de nos éclairés, cloîtrés dans les restrictions idéologiques installées par les conceptions mystiques de l’Ordre politique. Un des nôtres a répliqué : Le Monde Diplomatique a refait la lecture du fait. L’idée qui consiste à donner du crédit à des thèses philosophiques par le recours à la biographie a des racines dans le monde intellectuel. Elle provient d’un bourgeois, acquis aux cercles intellectuels mondains semblables à ceux auxquels s’invitent les vedettes des médias. Les salons fermés sont moins dangereux que les plateaux qui n’invitent les regards que pour l’acquiescement. La mémoire des académiciens est encore fraîche : Gilles Deleuze et Pierre Bourdieu prédisaient l’arrivée de philosophes prêts à servir des médias. La théorie est nietzschéenne, l’exécutant est un petit-bourgeois. Sainte-Beuve, portraitiste et biographe mercantile, cachait l’Etre grâce à des habillages idéologiques. «Il [Sainte-Beuve] s’applique à «chercher l’homme dans l’écrivain» et remarque que, pour y parvenir, «on ne saurait étudier de trop près, tandis et à mesure que l’objet vit» (Préface des Critiques et portraits littéraires, 1836). C’est ainsi qu’il s’attachera désormais aux moindres détails pour attraper «le tic familier, le sourire révélateur, la gerçure indéfinissable» («Portrait de Diderot», 1831). Une pareille quête semble exiger que celui qui s’y livre ne soit «ni fanatique, ni même trop convaincu ou épris d’une autre passion quelconque» (article Du génie critique et de Beyle, 1835). Mais la critique ainsi comprise consiste beaucoup plus à décrire les particularités morales qu’à analyser des œuvres littéraires.»[2]

Des philosophes français, structuralistes, avaient compris qu’il fallait repenser la lecture des textes. La biographie ne peut déterminer la pensée de l’auteur (l’on peut dire que la biographie n’a pas de rapport de causalité à la pensée du texte, qui peut être perçue sous le prisme d’une subjectivité techniquement totalisée), en dépit de tous les honneurs rendus à Nietzsche, qui défendait la thèse de la psychobiographie. La mort de Dieu (entité grammaticale) ne donne aucun recours d’absolution à l’Etre pensant. Si Nietzsche a proclamé la mort de Dieu, il légitime néanmoins toutes les accusations existentielles proférées contre les marges inconscientes de l’humain. Dieu est mort, donc je suis responsable.

Le réquisitoire monté contre Sartre n’est pas profitable à Camus, contrairement à ce que désire Onfray. La tradition d’opposer, par manichéisme, deux figures humaines est le propre des moralistes et des régimes totalitaires. Sartre et Camus divergeaient sur la lecture du problème, cela, cette démarche, ne correspond pas à celle que notre philosophe dit réfuter. Camus voulait réformer l’entité politique française, en acceptant que les siècles de misère refoulés par les populations locales fussent transformés en modèle politique. Transformation réussie sans qu’aucune responsabilité ne soit délimitée. Sartre, pour sa part, croyait que l’Algérie devait se constituer en bloc politique, en dépit de la violence que pouvait déchaîner la pulsion nationaliste. Sartre a très bien vu…il a secouru la conscience européenne (qui a contaminé l’Amérique) en rejetant le clivage ethnique tel que décrété par Michel Onfray. Si l’équipe Sartre n’a pas accompagné l’Histoire, celle-ci aurait été plus sévère et plus totalitaire qu’elle l’est aujourd’hui. Ce sont les Porteurs de Valises qui ont donné du crédit à la modernité, ce sont eux qui ont donné au politique l’image que réclamait le moment historique d’alors. Le clivage ethnique, par lequel procède Michel Onfray, en opposant l’Occident à l’Islam, a échoué, et les doctrinaires de la persécution et de l’assassinat décomplexé, ont, au grand bonheur de nos alliés, triomphé de l’archaïsation dans laquelle les consciences malades de l’Occident et les raisons consacrées voulaient traîner les âmes rebelles et réfractaires au conditionnement garanti par la rationalité temporalisée. Sartre ne voulait pas que l’Algérie restât sous l’emprise des idéologies mystificatrices, alors que Camus était prêt à nous faire croire que le douar était une entité capable de traduire le fait politique. En tout cas, cela ne peut être contredit que par la manipulation psycho-analytique que Onfray trouve très attentatoire à l’esprit de la Science. Onfray est un épistémologue déçu, offensif et trop romantique.

Le pathos de Michel Onfray relève d’un ressentiment hégémonique. Le recours à des éléments biographiques pour légitimer ses thèses est un procédé qui obsède Michel Onfray. Fils d’un ouvrier agricole et d’une mère femme de ménage, Michel Onfray se dit le porteur de la cause du peuple. Il dit connaître le peuple. La déduction joint la facilité à l’hégémonie : travailler sur les grandes surfaces éligibles à la vision est une erreur épistémologique qui a drainé l’esprit scientifique contemporain. Le pathos sabote la pulsion d’Histoire. Dans tous les exposés magistraux qu’il fait, Michel Onfray introduit l’indice biographique, pour donner du crédit à ses idées. Je rappelle que c’est son tuteur philosophique qui disait qu’il ne suffisait pas de jouer la victime pour proclamer la justesse de ses idées. Les problèmes existentiels ne donnent pas du crédit à des thèses exposées sur l’espace public. Il oublie, M. Onfray, que le rapprochement, plutôt le mariage, qu’il a accompli avec les médias rend tout le travail intellectuel qu’il a fait sujet à critique, voire à controverse. L’on n’osera pas la tentation nihiliste, en voyant en l’œuvre d’Onfray le désir d’humaniser l’acte matériel par l’Autre. Ce serait le fossé dans lequel veulent nous jeter les fossoyeurs du réfléchir, car Onfray ne cesse la tâche pédagogique dont on a amplement besoin, notamment en ces moments où les zones d’ignorance s’étendent pour contrôler le cosmos. Mais la surmédiatisation signifie une disposition à dire. Il est étonnant, d’ailleurs, que la présence de Onfray dans les médias n’attire pas l’attention des intellectuels. Le familier des médias, qu’est Michel Onfray dans ce cas, caresse dangereusement les instincts nationalistes et culturalistes de la nation française. La Nation n’est pas le substrat signifiant du nationalisme, car le nationalisme n’est pas qu’une conception moderne de l’entité ethnique, c’est aussi un mot qui a vu des charges sémantiques s’ajouter à la couche primitive qui le fonde. N’est-ce pas le nationalisme qui traîna les Européens dans des guerres et à leur donner la justification (culturelle) qui leur était nécessaire ?

La fonction du philosophe, c’est l’exercice de la réflexion, c’est aussi un sport qui répugne à beaucoup de moralistes. Les arpenteurs des disciplines scientifiques sont les intermittents joyeux des cirques. En effet, les travaux réalisés par Michel Onfray ne renvoient à la philosophie que par l’Histoire. Plutôt pour l’Histoire, car il dit qu’il veut réécrire l’Histoire. Ce serait une belle œuvre si le Concept était maintenu dans son territoire. Le travail sur le Concept, mené par Onfray, répond à des soucis externes à l’exigence conceptuelle. Après avoir réuni tous les ingrédients moralistes pour discréditer l’œuvre de Freud (c’est un travail policier qui a été réalisé par Onfray), ce philosophe trouve des mérites à Marine Le Pen et au Front National. Pour moi, Algérien, je trouve normal qu’un citoyen français défende les intérêts de son peuple ; mais il est anormal que la philosophie, progressiste d’essence, soit engagée dans de telles œuvres. Freud devrait être haïssable, parce que, d’après Onfray, il était cocaïnomane et il couchait avec sa belle sœur. La critique de Michel Onfray mêlait le travail intellectuel à la biographie. La pensée de Freud ne devait, d’après le raisonnement de Onfray, jouir d’aucun crédit, parce que les systèmes juridiques ont interdit l’usage des drogues. Le texte de Freud est lu avec une option moraliste ultra-conservatrice, sur un ton presque guerrier. La machine policière a été actionnée, pour rendre tout ce qui s’est fait le produit d’une perversion qui voulait, prétend le philosophe, prendre l’humain en otage. Transformer le fantasme en une image universelle qui jetterait les jalons d’une science qui, pour Onfray, est une tromperie. Il faut juste s’interroger sur l’image que se faisait la société des malades, je pense que sans les conceptualisations de Freud, certains malades auraient été exterminés. Michel Onfray connaît le sort réservé aux malades dans les systèmes totalitaires. Nous comprenons que la psychanalyse présente des limites qui fondent naturellement tout système philosophique, mais nous devons nous insurger contre les constructions qui ont pour finalité de caporaliser et de policer les systèmes de réflexion. Faire une maquette fermée, réalisée par des sélections intentionnées, c’est à cette œuvre que se sont offerts, corps et âme, tous les idéologues de l’extrême droite.

Il semble que Michel Onfray soit décidé à faire de la confusion son approche du réel. La guerre d’Algérie a certes eu des dérapages, il faut que les historiens, spécialisés dans le domaine, nous éclairent davantage sur cela. Les personnages politiques qui se mettent à disséquer le corps de l’Histoire trichent dans les conceptualisations, en acceptant que la subjectivité pensante soit le foyer des regards séduits et l’abattoir des figures humanisées. Mais, réduire la guerre aux actes terroristes et ne convoquer dans ses exposés que les actes commis (injustement dans certains cas) par les militants du FLN, c’est une ligne de démarcation dans les modes de raisonnement. Les causes de la guerre, c’est la réduction du peuple au silence, ce sont les massacres auxquels s’était livrée l’autorité coloniale, ce sont les enfumades, les pillages, les viols collectifs, la torture, les massacres, les génocides et le reste. Cela n’a pas été évoqué par Michel Onfray. Le compromis que voulait réaliser Camus était saboté par les forces bourgeoises et conservatrices, qui ne voulaient rien céder aux populations locales. Quand Michel Onfray parle de familles musulmanes riches, il ne fait pas la prospection nécessaire pour la compréhension d’un tel phénomène. D’abord, c’est une infime minorité, qui ne trouvait pas de soucis pour rester alliées au colonat, alors que l’horreur avait déjà installé les Algériens dans le moment révolutionnaire. Ensuite, ces musulmans (désignés par leur tendance confessionnelle), catégorie périphérique au bloc civilisé, n’a pas abandonné ses tendances colonialistes, dénoncées et combattues par des courants politiques sans vitalité idéologique (nous pensons à tous ceux qui ont dit non à la pensée unique). Michel Onfray n’accuse que le FLN, car il ne dit presque rien de ce que l’autorité coloniale avait commis. Le terrorisme a été férocement exercé par les commandos de l’OAS sur les musulmans et sur tous ceux qui luttaient contre l’occupation. Les autorités françaises ont mis même des Européens dans les prisons, les ont torturés, parfois même les ont envoyés à la potence. L’ordre idéologique oblige, les intérêts obligent, que vaut un crime devant les caprices des bourgeois ? Nous citerons les plus connus : Yveton, Audin et autres. D’autres disparurent, sans que cette tendre voix du philosophe n’en dise quelque chose. Pilonner Sartre et tous les militants (puisque Sartre ne fut qu’un élément du réseau constitué au profit du FLN), c’est souscrire aux logiques funestes et passives propres à l’œuvre moraliste.

Si la dénonciation de la violence devait se faire, elle aurait une condition pour aboutir. Michel Onfray nous dit que Camus était contre la violence, y compris celle exercée par les militants du FLN. Très bien, Professeur ! Sous-entendu que le pouvoir civil exerçait la violence sur les populations, sous-entendu que la violence exercée par le FLN était illégitime. Si l’Etat français se sentait responsable de l’intégrité physique et morale de ses citoyens, il aurait pu renouer avec les masses. Celles-ci auraient compris que l’autorité coloniale n’avait pas engagé une guerre : la propagande aurait pu aider les messies des calmes éternels jetés par un Ciel que voulaient éborgner les Civilisés. Mais, les masses étaient tenues à l’écart de toute consultation concernant leur sort. Le philosophe français puise de l’imaginaire des militaires français (voyageurs et explorateurs), qui considéraient que les masses pouvaient être dressées par le biais de la force et de la famine. Dans beaucoup de récits, ces militaires dont l’impudeur dépasse toutes les bornes du verbal, racontent, sur un ton de jouissance et de sadisme, les œuvres de destruction, de pillage, de crimes auxquelles ils se sont livrés. Pendant la guerre, la guillotine était tout le temps huilée, les camps d’internement remplis, des centres de torture (appelés par les civilisés l’interrogatoire) généralisés. Mais après quoi ? Après des massacres ayant touché des populations fêtant la défaite de l’idéologie nazie. La violence est une marque propre à la France coloniale. L’impudeur est poussée à l’extrême quand Onfray met à égalité les appareils d’Etat, censés protéger le citoyen et qui agissent toutefois contre les masses, et ce qu’il appelle les terroristes du FLN, qui ne demandaient que l’arrêt des brutalités symboliques et matérielles exercées contre les civils. Le colonialisme disait être venu pour civiliser les indigènes. Après un siècle, le colonialisme n’a fait qu’empirer la situation des populations locales. Si la dénonciation avait touché ce versant honteux de la mémoire nationale française, nous aurions compris que le FLN aurait précipité dans l’Action Armée. Mais, à aucun moment, Michel Onfray n’a mis l’accent sur les retombées du colonialisme, lesquelles ont fabriqué de nouveaux réflexes chez les indigènes et ont renforcé le sentiment révolutionnaire. La France coloniale a de tout temps œuvré pour l’aliénation des populations locales.

Conclusion

Des voix ultra-nationalistes algériennes se sont élevées contre l’idée de rendre hommage à Camus. Ces voix rejoignent les thèses de Michel Onfray, en ce sens qu’elles tentent de saboter le tracé que les forces progressistes avaient réussi à faire de l’espace culturel. Si nous considérons Camus comme un personnage qui n’a pas dit ce qu’il fallait dire au moment où on l’interrogeait, cela ne nous permet cependant pas de le chasser de l’espace national et symbolique propre à toute entité politique. Camus est des nôtres, c’est avant tout un Algérien. C’est surtout une plume qui a défié, dans les articles qu’elle a écrits, l’idéologie coloniale. Camus n’a pas fait la courbette devant les mythes qui donnaient de la légitimité au colonialisme. Mais, nous, Algériens, devons, avant qu’une quelconque action soit organisée en faveur de quelqu’un qui n’osait pas intégrer un courant déterminé, contrairement à ce que Camus disait, contrer l’Histoire, honorer la mémoire de ceux qui croyaient que l’Algérie pouvait se constituer en nation. Si la priorité devait être donnée à des intellectuels, il serait anormal d’oublier les élites de la gauche radicale. Pas une action n’a été organisée en faveur de l’équipe des Temps Modernes. Jeanson a été jeté dans la mémoire collective, mais un jour nos enfants viendront se ressourcer d’une altérité qui a tenu à se débarrasser de tous les subterfuges thérapeutiques, lesquels subterfuges ont montré l’horreur de la responsabilité à un sujet verrouillé par les idéologies sectaires. Jeanson a réussi ce que les rêveurs craignent : l’action n’a pas été freinée par le Concept. Ces mêmes voix, nationalo-droitières, n’ont jamais évoqué Sartre, Jeanson, Blanchot, Duras, Vida-Naquet et autres. Les déchets de la pensée nationaliste, laquelle devient l’aimant de tous les bourgeois, veulent se fabriquer un coupable, et Camus leur paraît être le plus représentatif de cette image. Dès lors qu’aucun signe de reconnaissance n’a été manifesté à l’égard de ceux qui ont épousé la cause algérienne, il est de notre devoir de nous interroger sur ceux qui, parmi les élites affiliées aux cercles de décision, viennent trouver à Camus des accointances avec le colonialisme.

Les voix nationalistes, usant d’un discours nauséabond et en déphasage avec les masses sociales, sont responsables du désastre national autant que l’étaient les colonialistes. Et bizarre qu’Albert Camus soit mis à l’index par ces voix, elles, qui n’avaient pas hésité à se dresser contre les ambitions des masses.

Madi Abane

[1] Interview accordée par Gilles Deleuze à la revue bimestrielle Minuit, n° 24, 1977, À propos des nouveaux philosophes et d’un problème plus général (Gilles Deleuze, mai 1977) In

[2] Fayole Roger, Sainte-Beuve, In Universalis 2010 (CD.ROM).

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Fondateur de l’Université populaire de Caen, le philosophe porte un regard très sévère sur la politique menée par François Hollande.
Le philosophe Michel Onfray en novembre 2011. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)Le philosophe Michel Onfray en novembre 2011. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

L’Obs« Le PS est désormais ancré à droite », affirmait récemment Emmanuel Todd, tandis que d’autres évoquent une « droite complexée ». Souscrivez-vous à cette vision ?

Michel Onfray – Oui, hélas, absolument, totalement. Mais, en ce qui me concerne, c’est une évidence depuis la fameuse ouverture de la parenthèse de la rigueur en 1983, parenthèse qui n’a jamais été fermée ! Le paysage politique s’est reformé autour de Mitterrand qui, dès cette époque, a instrumentalisé le FN pour casser la droite républicaine en deux à des fins de politique politicienne : affaiblir le camp d’en face pour se maintenir au pouvoir et s’y faire réélire. Pari tenu au-delà de ses espoirs car le FN a aussi cassé la gauche républicaine en deux, ralliant à lui nombre de ses déçus : combien d’anciens socialistes, communistes, cégétistes, voire d’anciens électeurs de la LCR ou de LO se retrouvent-ils derrière le FN de Marine Le Pen relooké par Philippot ?

Le libéralisme gouverne donc de façon bureaucratique (un comble…) depuis 1983, c’est-à-dire sous Mitterrand, Chirac, Sarkozy et désormais Hollande. Soit plus d’un quart de siècle d’une même politique ! En 2005, le refus signifié par référendum de l’Europe libérale qui impulse cette politique a bien montré combien Sarkozy et Hollande méprisaient le peuple puisqu’ils ont mobilisé leurs apparatchiks afin d’imposer ce qui avait été refusé par les urnes. Ce coup d’Etat libéral permanent (un second comble…) n’a pas été oublié par ceux dans le peuple qui ne votent plus, ne votent pas ou votent aux extrêmes pour secouer le cocotier.

Quelles sont les mesures du quinquennat de François Hollande qui vous semblent les plus emblématiques de cela ?

– La pire, qui les rassemble toutes, est l’omniprésence de la communication pour masquer l’impuissance de l’action. La disparition de la réalité socialiste – qui est faite de renoncements, de compromissions, d’impéritie, de soumission à Bruxelles – est la tâche des communicants. Les émissions télévisées à deux neurones, les voyages scénarisés avec des figurants, le menhir fondant sous la pluie à l’île de Sein, le guerrier qui monte au combat après l’assaut de « Charlie », la fascisation du FN afin de pouvoir mieux se présenter en Jean Moulin de ce totalitarisme en peau de lapin, jusqu’à l’autoportrait à travers l’hommage aux panthéonisés (résistants, courageux, déterminés, luttant à contre-courant, mais un jour reconnus par l’Histoire…), tout cela cache la nullité de l’action sous des images dont on voudrait qu’elles cristallisent un capital de sympathie transformable en électorat le jour venu.

LIRE: http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20150604.OBS0127/michel-onfray-denonce-le-coup-d-etat-liberal-permanent.html

Aude Lancelin

Publié le 06-06-2015

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manuel-valls-Le Premier ministre, qui aime beaucoup cette phrase, continue à reprocher au FN de « ne pas aimer la France ».

Pour Michel Onfray, c'est le "crétin" Manuel Valls qui brouille les cartes de la gauche
Pour Michel Onfray, c’est le « crétin » Manuel Valls qui brouille les cartes de la gauche

Par LEXPRESS.fr, publié le 09/03/2015 à  11:28

Le philosophe, accusé par Manuel Valls de « perdre les repères » de la gauche ce week-end, a traité le Premier ministre de « crétin ». Pour Michel Onfray, voter pour le PS est désormais impossible.

 

En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/actualite/politique/ps/pour-michel-onfray-c-est-le-cretin-manuel-valls-qui-brouille-les-cartes-de-la-gauche_1659308.html#T0cg00twZbrjXfm2.99

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Image de header Michel Onfray

LE CHOC DES CIVILISATIONS

Le politiquement correct recule, tant mieux, mais il a tellement imbibé les consciences depuis un quart de siècle qu’il y a fort à parier qu’il mette encore un peu de temps avant de crever comme une sale bête… La droite y est le moins sensible. Normal, ce renoncement à la pensée qui se fait prendre pour une pensée est l’apanage des conceptuels et des idéologues, la pathologie de la gauche incapable de pragmatisme, au contraire de la droite qui en est, elle, trop capable, et qui, de ce fait, demeure incapable d’idéal.

L’un des slogans du politiquement correct est qu’il n’y aurait pas de choc des civilisations. Invention de Samuel Huntington, un penseur américain néoconservateur, autant dire : le diable en philosophie… Mais peu importe la politique ou la religion d’un philosophe quand il pense juste. Prétendre qu’il n’y a pas un choc des civilisations entre l’occident localisé et moribond et l’Islam déterritorialisé en pleine santé est une sottise qui empêche de penser ce qui est advenu, ce qui est, et ce qui va advenir.

L’Islam est une civilisation, avec ses textes sacrés, ses héros, ses grands hommes, ses soldats, ses martyrs, ses artistes, ses poètes, ses penseurs, ses architectes, ses philosophes. Il suppose un mode de vie, une façon d’être et de penser qui ignore le libre arbitre augustinien, le sujet cartésien, la séparation kantienne du nouménal et du phénoménal, la raison laïque des Lumières, la philosophie de l’histoire hégélienne, l’athéisme feuerbachien, le positivisme comtien, l’hédonisme freudo-marxiste. Il ignore également l’iconophile et l’iconodulie (goût et défense des images religieuses) pour lui préférer la mathématique et l’algèbre des formes pures (mosaïques, entrelacs, arabesques, calligraphie), ce qu’il faut savoir pour comprendre pourquoi la figuration de Mahomet est un blasphème.

lire la chronique: http://mo.michelonfray.fr/chroniques/la-chronique-mensuelle-de-michel-onfray-mars-2015-n-118/

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Voir ou revoir:
Michel Onfray, invité de Laurent Ruquier dans l’émission « On n’est pas couché » du 17 janvier 2015.

Propos recueillis par Alexis Lacroix
Le philosophe, fondateur de l’Université populaire de Caen, s’est toujours senti proche d’une gauche libertaire. La percée de Syriza en Grèce le réjouit ; il s’en explique à « Marianne ».
BALTEL/SIPA

>>> Article paru dans Marianne daté du 9 janvier

Marianne : L’accélération du scénario grec, avec des élections législatives fixées au 25 janvier, pourrait provoquer une première : la victoire de Syriza, le parti d’Alexis Tsipras, et la formation d’un gouvernement à gauche de la social-démocratie dans un pays de l’Union européenne. En Espagne, Podemos semble bien parti pour mettre à mal le bipartisme Parti populaire-Parti socialiste ouvrier espagnol. Quelles réflexions vous inspire ce miniséisme politique ?
Michel Onfray : C’est une excellente chose ! Je suis très attentif à la cristallisation réussie de la gauche antilibérale grecque et espagnole – et désespère que le Front de gauche ne soit pas parvenu au même résultat ! Que Mélenchon n’ait pas été élu député d’Hénin-Beaumont alors que son homologue grec semble aux portes du pouvoir renseigne sur l’échec français qui, au contraire de la Grèce, voit Marine Le Pen aux portes du pouvoir réel ! Cette gauche antilibérale française a donc un travail d’autocritique à faire : pourquoi a-t-elle raté ce que Grecs et Espagnols ont d’ores et déjà gagné puisqu’ils sont à ce haut degré d’existence politique ?

Est-ce le carcan de l’austérité qui est seul visé ? Ou le cadre, plus général, d’un mépris cynique des peuples ?
Les élites ne tirent pas la conclusion que leur politique a échouéJe crois que les peuples sauraient accepter l’austérité s’ils constataient un résultat tangible dans leur vie quotidienne. Or, ils consentent à l’austérité et ils constatent la paupérisation. Toute voix qui propose de redonner de la dignité au peuple, droite et gauche confondues, ne manque pas d’attirer les suffrages. Que Syriza propose de rendre sa dignité à un peuple saigné à blanc est une bonne chose. Mais ce serait une terrible nouvelle qu’une fois au pouvoir elle n’y parvienne pas et succombe sous les assauts conjugués des marchés et de l’Europe, qui ne se laisseront pas faire ! L’extrême droite grecque, qui est vraiment une extrême droite pour le coup, aurait devant elle un boulevard – légal ou illégal. Le coup d’Etat n’est pas une formule politique périmée chez ces gens-là…
Que pensez-vous de ceux, à l’instar des dirigeants du FMI, qui tancent à nouveau le peuple grec ?
C’est la fonction du FMI qui est aux marchés ce que le KGB était au marxisme-léninisme : un instrument idéologique d’oppression politique. Le FMI est la partie émergée de l’iceberg du capitalisme mondialisé, sa salle des machines si vous préférez…
 
Grisées par la financiarisation, certaines élites se sont émancipées de toute décence. Sont-elles, aujourd’hui, rappelées à l’ordre ?
Les médias de masse répandent le discours libéral à flots continus, avec leurs intellectuels au service. Quiconque tient un discours alternatif est intellectuellement criminalisé. Les élites qui, depuis Maastricht, défendent le libéralisme ne tirent pas la conclusion qu’un quart de siècle de leur politique a échoué : comme aux temps soviétiques, elles estiment que c’est parce qu’on n’a pas mené assez loin leur politique !
A gauche, vous vous êtes inlassablement réclamé d’un humanisme attentif au sort des classes populaires. Quel regard jetez-vous sur la conversion de la social-démocratie au libéralisme? 
Elle est ce qui a désespéré le peuple français. Ce désespoir nourrit le vote Front national et l’abstention. Dès lors, les maastrichtiens crient au loup contre le monstre qu’ils ont créé et nourrissent depuis 1983 !
Quels peuvent être les effets de la « bombe Syriza » sur la gauche française ? Sur la poursuite de la construction européenne ?
Ma gauche est libertaire. Pas au sens bobo du terme, mais au sens de Proudhon. L’arrivée au pouvoir de Syriza permettrait d’éprouver l’éthique de conviction militante, souvent insoucieuse du réel, au feu de l’éthique de responsabilité. L’ajustement qui ne manquerait pas d’advenir serait une leçon : s’effectuerait-il dans le sens du renoncement et de la déception ? (J’aurais hélas tendance à le croire…) Ou dans celui d’une dynamique nouvelle impulsée à l’Europe ? Je crois, je crains, je sais que l’Europe libérale ne se laisserait pas faire et qu’en liaison avec les marchés elle ferait tout pour que périsse cette expérience. Quoi qu’il arrive, l’histoire fait à nouveau la loi dans ce pays, qui fut l’un des creusets de notre civilisation.
Quels contours idéologiques et philosophiques devrait, selon vous, adopter une gauche du XXIe siècle ? Podemos et Syriza peuvent-ils servir de modèles – et si oui, comment ?
Ma gauche est libertaire. Non pas libertaire au sens bobo du terme, mais au sens de Proudhon : une gauche autogestionnaire qui économise les partis et les syndicats officiels pour inventer des modalités concrètes de pouvoirs effectifs. Une gauche de coopérations et de mutualisations, une gauche qui n’attend pas que le pouvoir lui soit donné par les urnes, mais qui le prend en agissant à gauche là où on est, là où on vit. Murray Bookchin* a pensé tout cela dans ce qu’il nommait le « communalisme libertaire ». Je tiens également en haute estime le travail de John Holloway qui a écrit Changer le monde sans prendre le pouvoir (Syllepse).
Le président de la République répond-il de façon adéquate au sentiment de nombreux Français que leur situation n’est pas prise en considération par leurs dirigeants ?
Non, bien sûr. Mais François Hollande est un professionnel de la politique. Il ne sait donc pas ce que sont les problèmes concrets des Français qui souffrent. Cet homme qui n’a quitté l’école que pour devenir politicien professionnel n’a rien fait d’autre dans sa vie que de la politique politicienne. Maire, député, conseiller général parachuté, président de conseil général, permanent du Parti socialiste pendant dix ans, que sait-il de la situation des gens, sinon ce que ses conseillers lui en disent sous forme de statistiques en relation avec sa cote de confiance et la seule perspective qui est désormais la sienne après avoir été élu, sa réélection ? Plutôt que l’ENA ou Sciences-Po, il me semble qu’il n’y aurait pas de meilleure formation pour une personne qui voudrait être président de la République (ou qui vient d’être élu, ce serait une expérience radicale…) que de vivre un an avec un Smic pour seul revenu et d’occuper l’emploi qui lui vaudrait ce salaire de misère. Métro, boulot, dodo, fins de mois impossibles, endettement, faire face à des dépenses imprévues (une machine à laver qui lâche…), habiller ses enfants qui grandissent, tirer un trait sur les restaurants, renoncer aux spectacles, au cinéma, au théâtre – des renoncements qui ne lui coûteraient pas beaucoup, semble-t-il, vu son ascèse de ce côté-là… -, aux vacances de neige ou d’été, aux week-ends… Fini les appartements de fonction, les chauffeurs, les domestiques, les cuisiniers, les notes de frais, les ors de la République ! Juste pour un mois qui, j’en suis certain, compterait dans la vie de l’impétrant. Le personnel politique français est déconnecté du peuple. Les députés le sont aussi, quelle que soit leur couleur politique : combien de paysans, de chauffeurs de taxi, d’employés, de chômeurs, d’artisans, de petits commerçants siègent à l’Assemblée nationale ? Ne parlons pas du Sénat… Qu’il ait choisi et nommé un ministre du Budget fraudeur du fisc, une ministre de la Culture inculte en littérature, un secrétaire d’Etat siégeant à la commission des Finances à l’Assemblée nationale qui fraude dès qu’il le peut (et qui est toujours député !), un secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants qui confond ses comptes et ceux de l’Etat, tout cela montre qu’il ne vit qu’avec des gens coupés du monde, tout aux jouissances de leurs pouvoirs, jubilant de leur puissance, sans aucun souci de défendre les intérêts, sinon de leurs électeurs, du moins des Français…
 

* Murray Bookchin (1921-2006) est un militant et essayiste américain écologiste libertaire. Il est considéré aux Etats-Unis comme l’un des grands penseurs de la « nouvelle gauche ».

SOURCE: http://www.marianne.net/onfray-qui-tient-discours-alternatif-est-intellectuellement-criminalise-1421679805.html

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