Articles Tagués ‘Daesh’

Mathieu Aron, Benoit Collombat et Jacques Monin, l’Honneur du journalisme français, chapeau bas !
Merci à tous ceux qui ont aidé à préparer ce billet INDISPENSABLE…
Source : France Inter, Matthieu Aron, 20/11/2015

L’émission  Daesh : autopsie d’un monstre

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Matthieu Aron
Matthieu Aron : Ce soir, enquête sur la fabrication du monstre Daesh, quelle a été l’implication de pays comme l’Arabie Saoudite et le Qatar ? Nous allons voir dans une enquête signée Jacques Monin et Benoît Collombat que l’enjeu pétrolier a pu jouer un rôle considérable.
extrait Hocham Daoud : “Tout le monde a joué avec Daesh. Tout le monde voulait jouer à travers Daesh pour s’imposer. En fait, on a créé Frankestein, aujourd’hui tout le monde essaye de trouver un moyen pour l’arrêter. Oui il y a des moyens, s’il y a une volonté politique.”
Matthieu Aron : Pour commencer cette émission, je vous propose d’écouter cet extrait d’interview :
Résultat de recherche d'images pour "Marc Trévidic"extrait Marc Trévidic : Si l’Émir du Katiba en Syrie de l’EI demande à main levé à ses recrues “Qui veut aller faire un attentat en France ?” vous allez avoir 200 bras qui vont se lever en une demi seconde.
Matthieu Aron : 200 candidats au martyr. C’est le chiffre effrayant donné par le juge Marc Trévidic. Vous suivez l’enquête sur les attentats. Et ce qui nous a tous frappés, c’est ces opérations kamikazes qui se sont déroulées pour la première fois en France.
Elodie Guéguen
Elodie Guéguen : Oui, encore qu’il soit plus juste de parler d’attentats suicides pour être très précis, le terme Kamikaze désignait ces pilotes japonais qui s’écrasaient volontairement sur des cibles militaires. Là, il s’agit d’autre chose, d’ailleurs Daesh a conceptualisé ce type d’attaques dès le début de la guerre en Syrie. Daesh a même créé un terme spécifique (inrimassi ?!), il désigne des combattants qui, les armes à la main, se rapprochent de la foule ou de leur cible et qui déclenchent leur ceinture explosive. Soit quand ils sont encerclés soit lorsqu’ils n’ont plus de munitions. C’est donc précisément le scénario de vendredi dernier.
Matthieu Aron : Et le juge Marc Trévidic, qui dans son cabinet d’instruction, a entendu des dizaines de terroristes, nous dit “il y a pléthore de candidats” et il n’est pas le seul à le dire…
Elodie Guéguen : Non il s’agit malheureusement d’une réalité, ça semble presque inconcevable mais selon les experts, les candidats au martyr seraient même trop nombreux, c’est ce qu’a observé le chercheur Romain Caillet. L’un des meilleurs spécialistes des milieux djihadistes.
Afficher l'image d'origineRomain Caillet
extrait Romain Caillet : “C’est pas seulement de la propagande, c’est une réalité. Il y a même des listes d’attentes. En tout cas en Syrie et en Irak, il y a des listes d’attentes de gens qui sont prêt à faire des opérations martyr, des attentats suicides, aussi bien des jeunes qui viennent de quartiers sensibles en France ou des gens de bonnes familles, des ressortissants du Golfe qui sont fortunés ou des tunisiens issus de régions déshéritées du sud de la Tunisie”.
Elodie Guéguen : Les origines, les profils, sont variés, vous l’avez entendu. Mais ces kamikazes de l’EI ont un point commun, ils sont volontaires. Ce choix, ils le manifestent dès leur arrivée dans les camps d’entrainement. Deux filières existent et Daesh demande aux combattants de choisir leur filière, explique le journaliste David Thomson, auteur de livres “Les Français Djihadistes”.
extrait David Thomson : “Dès qu’on arrive en Syrie, on pose la question aux combattants au sein de l’EI : Est-ce que vous voulez être un combattant “normal” ou combattant “(inrimassi ?!)”, ça veut dire combattant, candidat, pour une opération kamikaze. Et ensuite ils suivent une sélection particulière parce que l’EI ne peut pas se permettre de voir au dernier moment un kamikaze flancher, c’est une question de crédibilité aussi pour eux.”
Matthieu Aron : Ils suivent une formation particulière, dit David Thomson, ça signifie quoi ?
Elodie Guéguen : Et bien ça veut dire qu’ils vont être isolés du reste du groupe, ils vont être placés dans un camp d’entrainement spécifique. Comme les autres, ils recevront une formation religieuse, théologique, ils suivront aussi un entraînement militaire, mais ils seront mieux encadrés psychologiquement, mieux encadrés ou plus endoctrinés.
Matthieu Aron : Est-ce qu’on sait en quoi consistent précisément ces techniques, parce qu’il faut les appeler comme ça, de lavage de cerveau ?
Elodie Guéguen : Alors ça dans les détails, malheureusement on l’ignore. Il n’existe pas à notre connaissance de témoignages de djihadistes de Daesh qui seraient passés par ces camps de kamikazes, qui auraient ensuite renoncé à commettre une attaque suicide, puis qui auraient raconté leur expérience. A l’image de ce qu’ont fait certains repentis, comme on les appelle.
Matthieu Aron : Alors ce que l’on sait en revanche, c’est que ces candidats aux attaques suicides sont très très bien traités par les cadres de l’EI.
Elodie Guéguen : Oui c’est d’ailleurs une des raisons qui motivent certains djihadistes à se porter candidat pour commettre une action kamikaze, selon le chercheur Roman Caillet.
extrait Roman Caillet : “Ils sont traités avec beaucoup plus d’égard que les autres combattants, ce qui fait que peut-être psychologiquement ils ont une dette envers ceux qui les ont accueillis dans ces centres. Et puis une certaine culpabilité, ils pensent ne pas avoir fait assez donc ils veulent se rattraper en faisant une grosse opération. On peut aussi penser que certains veulent passer à la postérité. Être finalement, celui qui a permis de remporter la bataille, de prendre telle ou telle ville.”
Matthieu Aron : Vouloir passer à la postérité en se suicidant, pourtant le suicide, à ma connaissance, il est interdit par l’Islam.
Elodie Guéguen : Et bien pas dans l’esprit de ceux qui commettent ces actes au nom de Daesh. C’est ce que nous explique Fethi Benslama, il est professeur de psychopathologie à l’université Paris Diderot.
extrait Fethi Benslama : “Pour eux ce n’est pas un suicide, c’est un auto-sacrifice. Comme le dit le communiqué qui revendique les attentats. Il utilise le mot “divorcé du monde d’ici-bas”. Divorcé du monde d’ici-bas pour se marier avec l’autre monde. Dans l’autre monde, ils vivent, ils jouissent, et même ils sont une jouissance absolue, extrême, ce qui est le processus interne par lequel quelqu’un accepte d’aller jusqu’au bout de cet acte-là.”
Matthieu Aron : En conclusion, que sait-on ce soir sur ceux qui sont morts en martyr vendredi à Paris et ensuite à Saint Denis ?
Elodie Guéguen : Alors tous ou presque, on le sait, sont passés par des camps d’entrainements en Syrie. Maintenant il y a deux hypothèses. Soit c’est un groupe de terroristes dont les membres se connaissaient, qui se sont formés et entrainés ensemble pour mener cette attaque. Soit, et c’est une hypothèse privilégiée, soit ils ont été soigneusement sélectionnés, “castés” les uns après les autres par Daesh, ce qui montrerait un degré de préparation encore plus sophistiqué.
extrait François Hollande : “Notre ennemi en Syrie, c’est Daesh. Il ne s’agit donc pas de contenir, mais de détruire cette organisation. La Syrie est devenue la plus grande fabrique de terroristes que le monde ai connue et la communauté internationale est divisée et incohérente.”
Matthieu Aron : Face au terrorisme, une communauté divisée et incohérente, dit François Hollande. Et bien nous allons revenir ce soir sur la fabrication du monstre Daesh. A-t-on fermé les yeux sur la montée en puissance de ce groupe terroriste ? Quelle est l’implication de l’Arabie Saoudite et du Qatar et quel rôle a joué la diplomatie française ? Avec Benoit Collombat, vous avez donc enquêté et pour bien comprendre il faut revenir au début de l’histoire. Tout part de la guerre en Irak.
Afficher l'image d'origineJacques Monin : Oui, de la chute de Saddam Hussein parce que lorsqu’ils le renversent, les Américains commettent deux erreurs. D’abord, ils mentent sur les armes de destruction massive et sur les liens supposés entre Saddam Hussein et al-Qaida. Mais surtout ils marginalisent les Sunnites pour mettre les Chiites au pouvoir et Paul Bremer, qui est alors le gouverneur américain à Bagdad, commet une faute qui va jeter des dizaines de milliers de soldats aguerris dans les bras du futur EI. Cette faute, un des hommes le plus mieux informés de France, Alain Juillet, l’ex patron du renseignement de la DGSE, nous la raconte.
extrait Alain Juillet : “Brener fait une erreur colossale. C’est qu’il donne l’ordre de licencier tous les militaires de l’armée irakienne. On envoie, je ne sais plus combien ils étaient, 200 000 ou 300 000 gens, qui vivaient avec une solde de l’armée. Ils partent avec leurs armes, ils n’ont plus rien. Et comme ils sont Sunnites et qu’on fait la chasse aux Sunnites, il va y avoir l’impossibilité pour eux de retrouver des emplois et autres. Donc ça va créer un ressentiment, une frustration, une haine terrible envers l’occupant et envers les Occidentaux.”
Matthieu Aron : Les Américains produisent donc un terrain de haine et un terreau sur lequel va se développer l’EI.
Jacques Monin : Oui. D’autant plus facilement qu’il n’y a plus de véritable État, les services publics n’existent plus, l’économie est moribonde, la corruption est devenue la norme. C’est donc effectivement sur ces cendres que le groupe EI va prendre racine et pour Myriam Benraad, qui est docteur en science politique et spécialiste de l’Irak, c’est un peu comme dans la jungle, ce sont les plus forts qui émergent dans ce chaos.
extrait Myriam Benraad : “Il y aura un certain nombre de groupes qui vont pulluler, les milices, les djihadistes, la tendance al-Qaïda, c’est une nébuleuse d’acteurs mais le fait est que les combattants d’al-Qaïda Irak deviendra l’EI sont les plus zélés, les plus déterminés. Donc l’État Islamique va faire le vide, va coopter un certain nombre de chefs de tribus, qui de fait parfois même quittent leur tribu pour rejoindre l’organisation. Donc d’une mouvance hétéroclite on a un processus d’unification et ils ont fait à mon avis fortune, bâti beaucoup de leur succès, sur cette unité qu’ils ont su construire dans un terrain qui était par ailleurs très divisé, très morcelé.”
Jacques Monin : Et sur ce terrain, une personnalité va émerger, c’est Abou Bakr al-Baghdadi qui règne toujours d’ailleurs aujourd’hui en maitre sur Daesh. L’autre groupe djihadiste dominant dans la région, c’est al-Nosra, qui est plus proche d’al-Qaïda.
Matthieu Aron : Et ces groupes qui montent en puissance, eh bien on les voit dans un premier temps plutôt d’un bon œil chez les voisins de la Syrie et notamment en Arabie Saoudite.
Jacques Monin : Oui parce que l’Arabie Saoudite est sunnite, elle a donc très mal vécu l’arrivée au pouvoir des chiites en Irak et l’avènement des groupes djihadistes, c’est un peu à ses yeux une manière de freiner un axe chiite (Liban Syrie, Irak, Iran) qui commence à prendre un peu trop d’espace à son goût. C’est ce qu’analyse Alain Chouet, un autre ex-patron du renseignement de la DGSE.
extrait Alain Chouet : “L’Arabie Saoudite essaye de s’opposer à la création de ce que l’on appelle le croissant chiite au Moyen-Orient et de maintenir un axe sunnite à travers l’Arabie, la Jordanie et la Turquie. Ces mouvements salafistes, sunnites, sont le seul moyen actuellement pour l’Arabie de s’opposer à la création d’un vaste ensemble chiite qui lui serait évidemment hostile. Il y a aussi l’enjeu pour l’Arabie Saoudite de s’opposer à toutes possibilités de dérives démocratiques et nationalistes dans les pays arabes. L’État Islamique l’a dit x fois, la démocratie est une abomination.”
Matthieu Aron : Voilà donc pour le contexte géopolitique, mais ce qu’il faut préciser c’est que derrière cette toile de fond, il y a aussi des enjeux économiques absolument considérables.
Jacques Monin : C’est un aspect qui était assez peu évoqué jusqu’ici mais il y a effectivement en arrière-plan le pétrole et le gaz, parce que jusqu’ici l’Arabie Saoudite domine la production de pétrole et le Qatar celle du Gaz. Or ces deux pays apprennent que l’Iran, leur plus farouche rival, projette de construire un pipeline qui traverserait l’Irak et la Syrie pour s’assurer un débouché vers la Méditerranée, alors ça redistribuait totalement les cartes du marché du pétrole et du gaz, et pour Alain Juillet c’est un des éléments qui vont pousser ces deux pays à déstabiliser Bachar el-Assad.
Afficher l'image d'origineextrait Alain Juillet :” L’Arabie Saoudite et le Qatar prennent très mal l’idée d’un pipeline qui pourrait aller depuis l’Iran jusqu’à la Méditerranée et qui pourrait donc concurrencer leurs livraisons de pétrole. Ils vont dire “mais dans le fond, le problème c’est Bachar, Bachar est en train de signer un accord qu’il ne devrait pas signer avec l’Iran, donc c’est un personnage extrêmement dangereux, donc il faut renverser Bachar. “
Jacques Monin : Et preuve qu’un mouvement se met en route, le prince qui dirige les services de renseignements saoudiens va alors voir Vladimir Poutine, chez lui en Russie, pour lui demander de ne plus soutenir Bachar el-Assad, vous comprenez qu’il sera éconduit sans ménagement.
Matthieu Aron : Avec ou sans l’appui des Russes, une opération de déstabilisation de Bachar el-Assad est donc lancée pour des raisons économiques liées à l’acheminement du pétrole, ça on l’a compris, mais pas uniquement.
Jacques Monin : Non, l’Arabie Saoudite et le Qatar financent aussi les rebelles pour faire tomber le régime laïc de la Syrie et pour y instaurer un régime islamique extrêmement sévère, explique encore Alain Juillet.
Afficher l'image d'origineextrait Alain Juillet : “Les opposants religieux, c’est-à-dire les Frères Musulmans, dont le Qatar est un des support reconnu, hein, les Frères Musulmans et les saoudiens ne vont pas hésiter à financer des gens pour réinstaller dans ce pays laïque la vraie religion, la religion vue par les salafistes en définitive. Et c’est ça qui va se passer, donc on va voir le Qatar financer des mouvements, Jabhat al-Nosra en particulier, qui est proche d’al-Qaïda et qui va se battre au niveau religieux, en disant “il faut imposer l’islam”. Et puis il y a Daesh, là encore au départ c’est un groupement qui reçoit beaucoup d’argent, de la part, on le sait bien, de la part des saoudiens et des qataris. Mais qui n’a pas encore pris l’ampleur qu’il a pris, mais qui démarre.
Jacques Monin : Oui vous avez donc compris, on a deux mouvements terroristes principaux, Daesh et al-Nosra, qui sont financés par le Qatar et par l’Arabie Saoudite, et ça a d’ailleurs encore été relevé très récemment, c’était en mai 2015 dans un rapport du Congrès américain.
Matthieu Aron : Cela dit, le souci, Jacques Monin, c’est que ce financement, tout le monde en parle, mais que personne jusqu’ici n’a réussi à en apporter la preuve.
Jacques Monin : Alors plus ou moins, mais c’est très difficile parce que les circuits financiers sont compliqués à établir. Mais Pierre Conesa, qui lui est un ex haut-fonctionnaire du Quai d’Orsay, et donc un spécialiste de l’islam, croit savoir comment cet argent sort des comptes des hauts dignitaires du Golfe pour arriver jusqu’aux groupes djihadistes.
Afficher l'image d'origineextrait Pierre Conesa : “L’Arabie Saoudite est poreuse, en terme financier, parce que l’argent public et l’argent privé n’existent pas, la distinction n’existe pas. Quand il manque de l’argent dans la caisse publique, c’est le roi qui verse. Et quand il y en a trop, c’est lui qui ramasse. Et donc toutes les familles des 10 000 princes qui tournent autour, c’est exactement pareil. Et pourquoi c’est poreux ? Parce que si vous voulez, l’Arabie Saoudite, c’est une espèce de Disney World de l’islam, c’est-à-dire que tout est faux. Vous croyez que les gens sont religieux etc., en fait c’est une espèce de ghetto dans lequel il n’y a aucun cinéma, aucun théâtre. Et quand les Saoudiens sortent à l’étranger à ce moment-là ils s’éclatent, évidemment ils font tout ce qui est interdit là-bas. Et quand ils reviennent, comme ils se sentent coupables, ils achètent des indulgences. Et ces indulgences, ils ne disent pas “cet argent doit aller à al-Nosra” ou “il doit aller à Daesh”. Simplement cet argent va de fait vers ces groupes islamistes.
Jacques Monin : Vous avez compris, des indulgences. C’est en fait de l’argent qu’on donne à des fondations, des ONG saoudiennes, dont les objectifs sont parfois plus que discutables.
Matthieu Aron : L’Arabie Saoudite et le Qatar ont donc aidé des groupes djihadistes. Mais au même moment, nous aussi, la France, nous avons aidé des groupes rebelles.
Jacques Monin : Oui. L’ASL l’Armée Syrienne Libre, qu’on décrit alors à Paris comme une alternative démocratique possible, crédible, à Bachar el-Assad. Mais en fait, dès le départ, la France prend fait et cause pour les rebelles, contre le dictateur syrien. Rappelez-vous “le départ de Bachar el-Assad ce n’est qu’une question de semaines”, expliquait Laurent Fabius. Et en août 2012, lors d’un déplacement à la frontière turque. Le ministre des affaires étrangères français prononce ces phrases désormais célèbres.
extrait Laurent Fabius : “Les personnes que je viens de voir, qui sont des Syriens d’un village qui a été bombardé juste de l’autre côté de la frontière. Euh… Ces témoignages sont absolument bouleversants, j’ai dit à mes interlocuteurs que quand on entend ça, et je suis conscient de la force que je suis en train de dire. Monsieur Bachar el-Assad ne méritait pas d’être sur la Terre.
Matthieu Aron : “Ne méritait pas d’être sur la Terre.” Les mots sont terribles et ça justifie, et bien que l’on arme les rebelles.
OB : Je me permets de rappeler que c’est juste totalement illégal au regard du Droit International, qu’on est censé défendre en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU hein, je dis ça, je dis rien…
Jacques Monin : Effectivement, c’est ce qu’on pense à ce moment-là. Alors officiellement on livre des gilets pare-balles, des outils de cryptage pour les communications, des masques contre les armes chimiques, ou des lunettes de vue nocturnes, mais en fait ce sont bien des canon 20mm, des mitrailleuses, des lances roquettes et des missiles anti-char que nous avons livrés à ces groupes.
OB : 90 000 morts à ce jour dans l’armée syrienne et les milices, à savoir les troufions appelés du contingent et les volontaires comme vous ou moi… Mais attention, on défend la Démocratie et les Droits de l’Homme (blanc)
Matthieu Aron : Ces armes, officiellement destinées à l’Armée Syrienne Libre, et pourtant dans les faits, on ne sait pas trop dans quelles mains elles sont tombées.
OB : Non, on ne sait pas hélas… C’est un mystère absolu…

Ici, un islamiste de la brigade salafiste Ahrar al-Sham avec un missile Milan français
Jacques Monin : Bah non. On le réalise aujourd’hui. L’ASL ne pesait rien. Ce qu’on appelle les rebelles, c’est une nébuleuse illisible. Certaines de ces armes sont donc effectivement passées dans les mains d’al-Nosra, le groupe proche d’al-Qaïda, et c’est ce qui fait dire à l’ex-patron du renseignement extérieur de la France, Alain Juillet, qu’on s’est planté sur toute la ligne.
OB : Mais qui, qui, qui, aurait pu s’en douter ?
Robert Baer, l’ancien chef de région de la CIA au Moyen-Orient (dont le rôle est tenu par Clooney dans le film Syriana) a indiqué ”Les États-Unis ont été incapables d’identifier le moindre groupe syrien dit « modéré » lorsque la guerre civile a débuté.” (Source : L’Humanité).
extrait dialogue Alain Juillet et Jacques Monin :
Alain Juillet : Moi je pense qu’il y a eu une faillite des services de renseignements dans ce domaine. Et ça se comprend, puisqu’une des premières réactions qu’on a faite, ça a été de couper les ponts, fermer l’ambassade. Une première réaction c’est de fermer l’ambassade en Syrie et de ne plus avoir de contact avec les services syriens. Mais dans ce genre de choses, il faut avoir des contacts en permanence.
Jacques Monin : On a livré des armes aux rebelles ?
Alain Juillet : Bien sûr.
Jacques Monin : La France a livré des armes à al-Qaïda ? A l’État Islamique ?
Alain Juillet : Les Américains ont livré des armes pour empêcher la progression de l’armée de Bachar contre Jabhat al-Nosra et Daesh. Les Américains ont livré des missiles anti-char encore récemment. La question, c’est qu’on entendait à ce moment-là “Nous soutenons les Syriens libres”. Mais quand on regarde sur le terrain ce que c’est que les Syriens libres, c’est rien du tout.
OB : Je rappelle que François Hollande a avoué en 2014
Matthieu Aron : La France se serait donc totalement trompée dans son évaluation de la situation. On a quand même du mal à le comprendre. Comment, au sommet de l’État français, on ait été aussi mal informé ? Comment on a pu croire que l’ASL pouvait peser face à ces groupes djihadistes ?
Jacques Monin : Alors, il y a plusieurs aspects dans cette question. D’abord, pour Pierre Conesa, qui lui connait bien les rouages du quai d’Orsay. C’est tout l’appareil diplomatique qui s’est laissé aveugler. C’est donc un système, un fonctionnement, le fonctionnement même du Ministère des Affaires Étrangères, qui dit-il, est à revoir.
extrait Pierre Conesa : “D’abord il y a eu un axe diplomatique qui a été dès le début extrêmement insistant sur le thème “notre ennemi c’est Assad”. À partir de ce moment-là, l’analyse de la crise a été monologique. Ça allait dans le sens de ce qu’avait décidé Fabius, et pas en fonction de ce qu’était la réalité du terrain. C’était “qu’est-ce que dit notre chef ?” et on va effectivement conforter ce que dit notre chef. C’est-à-dire “c’est Assad, il faut se battre contre Assad”. Et donc pour ne pas subventionner les groupes islamistes, c’était “on va subventionner l’ASL”. Mais c’est vrai que c’est une faillite terrible.”
Matthieu Aron : Et cette faillite elle a peut-être aussi d’autres explications.
Jacques Monin : Oui. Économique par exemple. Là aussi, l’Arabie Saoudite et le Qatar, ce sont des partenaires économiques de la France. Et face à eux la Syrie ne pèse pas lourd. Alain Chouet, l’ancien patron du renseignement de la DGSE, qui s’est rendu plusieurs fois en Syrie, se souvient de ce qu’on lui répondait au début de la crise lorsqu’il alertait les autorités françaises sur la réalité de la situation sur le terrain.
Image issue d'un article pour la recherche "Alain Chouet" (source : ladepeche.fr)extrait Alain Chouet : “La réaction que j’avais en général, en rentrant de Syrie, où je venais un peu raconter ce que j’avais vu, ce que j’avais entendu, les messages qu’on avait essayé de me faire passer. La réaction, une fois, la plus caricaturale, a été “écoute tu ne vas pas nous embêter avec la Syrie, c’est même pas le PNB de la Slovénie, alors on a mieux à faire avec nos amis Qataris et Saoudiens !”
OB : j’ai toujours pensé qu’avec la globalisation, on finirait par payer dans notre chair tout le mal qu’on a fait… – oui, je sais ça fait Miss France.
Matthieu Aron : Bon, sans commentaire… Et en plus Jacques Monin, ce n’est pas la première fois qu’on se trompe.
RIP Diplomatie Française, 1958-2007
Jacques Monin : Non. Rappelez-vous, au moment de l’intervention en Libye. On a commis le même type d’erreur de jugement. Écoutez ce que raconte à ce sujet Patrick Haimzadeh, qui est un ancien diplomate à Tripoli [Patrick Haimzadeh a travaillé à l’ambassade de France à Tripoli durant de nombreuses années. Cet ancien officier de l’Armée de l’air française est un parfait connaisseur de la Libye], qui a rencontré Benoit Collombat. À l’époque, Paris s’engage contre Kadhafi, on s’en souvient. Mais c’est le Qatar qui tire les ficelles en s’appuyant sur sa chaine de télévision Al Jazeera.
extrait dialogue Patrick Haimzadeh et Benoit Collombat :Afficher l'image d'origine
Patrick Haimzadeh : Dès le départ, l’objectif c’était effectivement de faire sauter Kadhafi. Al Jazeera avait dès le départ mis en place une cellule de désinformation, en tout cas pour relayer les paroles de libyens qui étaient en fait dans les studios d’Al Jazeera à Doha et qui ont évoqué notamment l’histoire des bombardements. Qui a été centrale, parce que l’histoire des bombardements c’est ce qui a été repris par Nicolas Sarkozy le 21 février, 4 jours après le début de l’insurrection, à Bruxelles, pour déclarer la logique de guerre contre Kadhafi. Mais les bombardements, il n’y en a jamais eu.
Afficher l'image d'origineBenoit Collombat : Des bombardements de populations civiles imputés aux kadhafistes ?
Patrick Haimzadeh : oui. Donc ça c’est le premier volet de l’intervention qatari, c’est l’intervention médiatique. La deuxième intervention, c’est le soutien à une certaine frange de l’insurrection, à certains courants islamistes, qui ne sont pas tous maintenant des gens qui se reconnaissent dans l’État Islamique, mais qui sont des gens qui ont été soutenus par le Qatar. Des livraisons d’armes, françaises d’ailleurs, par le Qatar, ça s’est fait.
Benoit Collombat : Est-ce que la France savait, selon vous, le jeu que jouait le Qatar ?
Patrick Haimzadeh : Bien sûr. On avait des hommes sur le terrain, on savait très bien. Il fallait que ça aille vite et l’objectif militaire premier c’était la chute de Kadhafi, donc à ce moment-là personne ne voulait voir ce qui commençait à se dessiner en Libye.
OB : Énorme, et zou, ça glisse comme rien… Par ailleurs, pas de souci, la parité a été respectée : si les armes étaient françaises, les morts étaient bien libyens.
Matthieu Aron : Voilà pour la Libye donc. Retour maintenant en Syrie. On a un groupe, l’État Islamique, qui monte en puissance grâce à l’argent des Qataris et des Saoudiens, mais cette aide va peu à peu s’interrompre.
Jacques Monin : Oui parce que le groupe État Islamique devient de plus en plus dangereux, il va s’approcher des frontières saoudiennes, il devient si incontrôlable que ses alliés vont finir par couper effectivement les ponts avec lui. Et selon Alain Chouet, l’ex patron du renseignement de la DGSE. A la mi-2013, les Saoudiens prennent en fait conscience que ces rebelles, les rebelles qu’ils ont aidés, peuvent se retourner contre eux.
Afficher l'image d'origineextrait Alain Chouet : “A l’été 2013, le cabinet royal saoudien a coupé les vivres complètement aux frères d’Égypte, mais aussi aux mouvements violents qui agissaient aussi bien dans le nord de l’Irak qu’en Syrie. C’est là qu’apparait d’ailleurs l’État Islamique, parce que jusque-là, il n’existe pas l’État Islamique. Il y a un État Islamique en Irak, mais il n’y a pas d’État Islamique en Irak et au Levant. C’est important de le comprendre parce qu’à partir du moment où l’Arabie et le Qatar coupent les vivres au mouvement, il est obligé de sortir du bois. Et on le voit sortir du bois, sa première action, ça a été d’aller piller la banque centrale de Mossoul. Ils ont raflé 500 millions de dollars en billets et en lingots d’or avec lesquels ils se sont payé des chefs de tribus du nord de l’Irak. Qui paie, commande. N’étant plus payé par l’Arabie Saoudite, l’État Islamique échappe à son créateur et reprend la stratégie classique des Frères Musulmans, qui est de condamner la famille Saoud. Le monstre a échappé à ses créateurs.
Matthieu Aron : L’Arabie Saoudite prend donc conscience qu’elle a enfanté un monstre, et cette analyse, Jacques Monin, ce n’est pas simplement celle d’anciens patrons du renseignement français.
OB : telle mère, telle fille…
Jacques Monin : Non. À ce moment-là, même les plus hauts dignitaires d’Arabie Saoudite reconnaissent qu’ils ont commis des erreurs. Prenez par exemple le prince et homme d’affaires saoudien al-Walid Ben Talal. C’est l’un des plus grands investisseurs saoudiens en France, c’est la vingtième fortune du monde, il possède entre autres le George V à Paris et plusieurs hôtels de DisneyLand. Eh bien écoutez ce qu’il répond en octobre 2014 à une journaliste de CNN lorsqu’elle l’interroge sur le sujet.
extrait journaliste de CNN et Al-Walid Ben Talal
journaliste de CNN : Qu’en est-il du financement du terrorisme par des grandes fortunes saoudiennes ? Est-ce qu’il est autorisé ? Est-ce qu’on réprime le financement des groupes terroristes quels qu’ils soient ?
Al-Walid Ben Talal : Très honnêtement, je dois vous dire que oui, on avait une faiblesse de ce côté-là. Malheureusement quelques éléments extrémistes en Arabie Saoudite ont financé des éléments extrémistes en Syrie mais l’Arabie Saoudite a pris des mesures très sévères pour y mettre fin. Et maintenant tout ça c’est terminé.
Matthieu Aron : “C’est terminé.” Explique ce prince saoudien. Les choses sont peut-être un peu plus complexes.
Jacques Monin : Oui parce que comme souvent, il y a ce que l’on dit et ce que l’ont fait, ou plutôt en l’occurrence ce que l’on ne fait pas. Parce que si les Saoudiens ne font plus rien pour aider le groupe État Islamique, ils ne font plus rien non plus pour lutter contre lui. Et c’est ce que remarque l’ancien haut-fonctionnaire du quai d’Orsay Pierre Conesa
extrait Pierre Conesa : “L’Arabie Saoudite ne combat pas Daesh. En fait ce sont des pays de l’OTAN qui vont battre Daesh. Il y a 12 pays de l’OTAN, y compris l’Australie, plus 5 pays arabes. En fait surtout la Jordanie plus quelques pays du Golfe. Mais en fait quand on regarde la composition des forces aériennes, on s’aperçoit que l’Arabie Saoudite met autant d’avions que la Hollande et le Danemark additionnés. Mais par contre elle met 5 fois plus d’avions pour se battre au Yémen contre les Houthis, c’est-à-dire contre les chiites. Donc l’Arabie Saoudite fait la même politique que Daesh, c’est-à-dire la persécution des chiites, mais il n’y a aucune raison de se battre entre eux. La société saoudienne ne comprendrait pas pourquoi on va essayer de faire disparaitre une société qui leur ressemble autant, celle-là même qui décapite, qui crucifie, qui coupe les mains des voleurs, qui opprime les femmes et qui interdit les autres religions.
Matthieu Aron : L’Arabie Saoudite ne fait donc rien pour intervenir véritablement et en coulisse son rôle pourrait être encore plus trouble ?
Mais qui, qui, qui aurait pu s’en douter ?

« Le rapport [de la Commission parlementaire que j’ai présidée sur les services de renseignement durant le 11 septembre] montre la participation directe du gouvernement saoudien dans le financement du 11 septembre. Nous savons au moins que plusieurs des 19 kamikazes ont reçu le soutien financier de plusieurs entités saoudiennes, y compris du gouvernement. Le fait de savoir si les autres ont aussi été soutenus par l’Arabie saoudite n’est pas clair, car cette information a été cachée au peuple américain. On nous dit que cela ne peut être fait pour des raisons de sécurité nationale, mais c’est exactement le contraire. Publier est important précisément pour notre sécurité nationale.

Les Saoudiens savent ce qu’ils ont fait, ils savent que nous savons. La vraie question est la manière dont ils interprètent notre réponse. Pour moi, nous avons montré que quoi qu’ils fassent, il y aurait impunité. Ils ont donc continué à soutenir Al-Qaïda, puis plus récemment dans l’appui économique et idéologique à l’État islamique. C’est notre refus de regarder en face la vérité qui a créé la nouvelle vague d’extrémisme qui a frappé Paris. » [Sénateur Bob Graham, ancien Président de la Commission du Renseignement du Sénat américain, Le Figaro02/02/2015]

L’ONU veut saisir les camions transportant le pétrole des djihadistes
Jacques Monin : Si l’on en croit des sources bien informées, comme on dit, l’Arabie Saoudite continuerait indirectement de financer Daesh en achetant son pétrole au marché noir avec la complicité de la Turquie. C’est ce que soutient en tout cas un fin connaisseur du sujet, l’ancien patron d’Elf, Loïk Le Floch-Prigent, qui a lui-même longtemps travaillé en Irak et en Syrie.
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Des camions-citerne traversent la frontière turque
extrait Loïk Le Floch-Prigent et Benoit Collombat
Afficher l'image d'origineLoïk Le Floch-Prigent : Le pétrole de Daesh ne peut sortir, ne peut être payé, que par des gens qui sont prêts à le payer et à étouffer son existence. C’est forcément un mélange de Turcs et de Saoudiens. Il n’y a pas d’autres solutions. C’est-à-dire que c’est les deux pays qui sont en contact et qui ont la possibilité de le faire. 
Jacques Monin : Qu’est-ce qu’ils en font les Saoudiens de ce pétrole ? Ils le blanchissent ?
Loïk Le Floch-Prigent : Oh, ils l’utilisent forcément, ils ne peuvent pas le blanchir. Je vous rappelle qu’un pétrole a un ADN et par conséquent on sait d’où il vient si jamais il est sur le marché. Si jamais ils exportaient ce pétrole, ce serait su. Ce pétrole ne vient jamais sur le marché donc ils l’utilisent, c’est tout. La laverie s’appelle une raffinerie.
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 La route qui part de Silopi, dernière ville turque avant la frontière …
Matthieu Aron : Voilà donc pour les éléments qui jettent le doute sur l’implication du Qatar et de l’Arabie Saoudite. Et pourtant la France continue d’entretenir les meilleurs rapports avec ces pays.
Jacques Monin : Rappelez-vous, François Hollande s’est rendu dans le Golfe, c’était en mai dernier. Il signe avec le Qatar un contrat qui porte sur la vente de 24 Rafales. Et puis il y a un mois, il y a un mois à peine, en octobre dernier, Manuel Valls se rend à son tour à Ryad pour signer des promesses de contrat et voilà d’ailleurs ce qu’il lance devant un parterre de dignitaires saoudiens.
extrait Manuels Valls : Avec l’Arabie Saoudite nous avançons en confiance, nous approfondissons une relation économique que nous tournons résolument vers l’avenir. Venez investir dans notre pays au cœur de l’Europe, c’est le moment, plus que jamais.”
Matthieu Aron : À ce stade de votre enquête, Jacques Monin, ce que l’on peut retenir c’est qu’en Syrie de très nombreux pays ont joué avec le feu.
Jacques Monin : Les États-Unis qui ont déstabilisé l’Irak, les pays du Golfe qui ont financé des mouvements djihadistes, la France qui a joué les rebelles contre le pouvoir syrien sans voir qui elle avait véritablement en face d’elle et la Turquie qui laisse prospérer les trafics sur son territoire. Bref, pour Hocham Daoud qui est anthropologue au CNRS, les responsabilités sont multiples.
extrait Hocham Daoud : “Tout le monde a joué avec Daesh. Tout le monde voulait jouer à travers Daesh pour s’imposer. En fait, on a créé Frankenstein, aujourd’hui tout le monde essaye de trouver un moyen pour l’arrêter. Oui il y a des moyens, on peut avoir des forces de coordination pour venir à bout de Daesh s’il y a une volonté politique.”
Matthieu Aron : Une réponse politique, sans doute, mais en attendant c’est une réponse militaire qui est apportée.
Jacques Monin : C’est d’abord un signe adressé à l’opinion française, c’est un signe de fermeté et de détermination. Mais sur le terrain l’efficacité des frappes est limitée et rien ne dit d’ailleurs qu’elles n’auront pas des effets pervers. Écoutez ce que pense à ce sujet, l’ancien colonel de marine Michel Goya, toujours interrogé par Benoit Collombat.
extrait Michel Goya et Benoit Collombat :Afficher l'image d'origine
Michel Goya : Vous savez, les frappes françaises c’est 3 % du total de toutes les frappes de la coalition qui n’a pas détruit l’État Islamique. Des 200 et quelques frappes que nous avons réalisées, en réalité c’est un petit coup porté à l’État Islamique, donc on peut imaginer d’augmenter les doses je dirais, mais fondamentalement ça ne va pas changer grand-chose.
Benoit Collombat : Et est-ce que ça n’alimente pas le terrorisme encore un peu plus ?
Michel Goya : Oui, cette campagne de frappes c’est un sergent recruteur remarquable pour l’État I’Islamique. La campagne aérienne, la coalition dans son ensemble a peut-être tué 400 civils. Donc tout ça, ça alimente globalement le ressentiment sur place, ça alimente l’idée que ce sont toujours les arabes sunnites qui se prennent des bombes dessus. Le bilan de la coalition, on a tué 10 000 combattants, c’est un chiffre invérifiable en réalité. 10 000 combattants mais elle en a recruté aussi un certain nombre.
Matthieu Aron : Voilà, c’est ce que l’on appelle un cercle infernal, mais comment faire autrement ? Aucune solution simple ne semble, au moins à court terme, se dégager. Reste l’autre question, qu’il est peut-être aussi temps de poser. C’est celle de nos alliances, avec Jacques Monin, notamment le Qatar et l’Arabie Saoudite.
Jacques Monin : Oui, peut-on adopter une posture morale lorsqu’il s’agit de Damas et fermer les yeux sur ce que font Doha et Riyad ?Comment peut-on être crédible si l’on fait du commerce avec des pays qui soutiennent que l’on dénonce par ailleurs. Là-dessus le spécialiste du renseignement Alain Chouet est catégorique.
extrait Alain Chouet : “On ne pourra pas continuer éternellement dans une politique schizophrène qui consiste à vouloir imposer la démocratie dans certains pays en maintenant une alliance entre nos démocraties et la démocratie qui est la plus grande du monde, et les états théocratiques les plus réactionnaires de la région. On a fermé les yeux sur l’idéologie prônée par ces pays, parce qu’on ne la voyait pas, parce qu’on n’en voyait pas les effets. On n’en mesurait pas les effets parce que rien ne se passait chez nous, ou s’il se passait des choses on ne les voyait pas, eh bien maintenant on les voit.
Jacques Monin : Oui alors question. La France va-t-elle évoluer de ce côté-là ? Rien n’est moins sûr, pour l’instant Matignon affiche un embarras prudent et préfère insister sur l’évolution de ses alliés, plutôt que sur ses turpitudes.
Matthieu Aron : Merci Jacques Monin pour cette enquête réalisée en collaboration avec Benoit Collombat. Enquête à retrouver sur notre site internet franceinter.fr et la page Facebook de Secret d’Infos.
Source : France Inter, Matthieu Aron, 20/11/2015

SOURCE: https://histoireetsociete.wordpress.com/2015/11/24/siil-ny-avait-quun-billet-a-lire-sur-les-racines-des-attentats-cest-celui-ci-tout-y-est/

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Selon un document de la DIA l’Occident facilite la montée de l’Etat islamique « afin d’isoler le régime syrien »

diaDéfense Intelligence Agency (DIA)

Le lundi 18 mai, Judicial Watch, le groupe de vigilance du gouvernement conservateur, a publié une sélection de documents autrefois classifiés obtenus du Département américain de la Défense et du Département d’Etat grâce à un procès fédéral.

Alors que les grands médias se concentraient sur le traitement par la Maison Blanche de l’attaque du consulat de Benghazi, un bien plus «grand tableau» se dégage de la lecture d’un document de la Defense  Intelligence Agency rédigé en 2012: à savoir que l’avènement d’un «État islamique» dans l’est de la Syrie est souhaitable pour que l’Occident puisse arriver à ses fins dans la région.

De manière surprenante, le rapport récemment déclassifié stipule que pour «l’Occident, les pays du Golfe et la Turquie [qui] soutiennent l’opposition [syrienne]… il y a la possibilité d’établir une principauté salafiste officielle ou pas, dans l’est de la Syrie (Hasaka et der Zor), et c’est exactement ce que veulent les puissances qui soutiennent l’opposition, afin d’isoler le régime syrien …».

Le rapport de la DIA, anciennement classé «SECRET // NOFORN*» et daté du 12 août 2012, a été largement diffusé dans les divers organes gouvernementaux, y compris CENTCOM, la CIA, le FBI, le DHS, NGA, le Département d’État et beaucoup d’autres.

Le document montre que, dès 2012, le renseignement américain avait prédit la montée de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (ISIL ou ISIS), mais au lieu de désigner clairement le groupe comme un ennemi, le rapport considère le groupe terroriste comme un atout stratégique américain.

Bien qu’un certain nombre d’analystes et de journalistes documentent depuis longtemps le rôle des agences de renseignement occidentales dans la formation et l’entrainement de l’opposition armée en Syrie, ce document constitue la confirmation par les plus hautes sphères du Renseignement étasunien de l’idée que les gouvernements occidentaux voient essentiellement ISIS [EIIL] comme le meilleur moyen de parvenir à un changement de régime en Syrie. Non seulement ce document le dit clairement mais il le dit comme si c’était la chose la plus naturelle qui soit.

Des preuves matérielles, des vidéos, ainsi que les récents aveux de hauts fonctionnaires impliqués (voir l’aveu de l’ancien ambassadeur des Etats-Unis en Syrie, Robert Ford, ici et ici), ont, depuis, prouvé que le soutien matériel des terroristes d’ISIS sur le champ de bataille syrien par le Département d’État et la CIA remonte à au moins 2012 et 2013 (pour un exemple clair de «preuves matérielles»: voir le rapport de l’organisation anglaise, Conflict Armement Research, qui, en remontant la trace des roquettes anti-chars croates récupérées auprès de combattants ISIS, est arrivée à un programme conjoint CIA /Arabie Saoudite via des numéros de série identifiables).

On peut résumer ainsi les points clés du rapport de la DIA, concernant «ISI» (en 2012 : «Etat Islamique en Irak») et son futur compère ISIS, qui vient d’être déclassifié  :

  • Al-Qaïda conduit l’opposition en Syrie
  • L’Occident s’identifie avec l’opposition
  • L’établissement d’un Etat Islamique naissant n’est devenu réalité qu’avec la montée de l’insurrection syrienne (il n’y a aucune raison de penser que le retrait des troupes américaines d’Irak ait joué le rôle de catalyseur dans l’essor de l’Etat Islamique, comme l’affirment d’innombrables politiciens et experts; voir la section 4 .D. ci-dessous)
  • La mise en place d’une «principauté salafiste» en Syrie orientale est «exactement» ce que veulent les puissances extérieures qui soutiennent l’opposition (identifiées comme «l’Occident, les pays du Golfe, et la Turquie») pour affaiblir le gouvernement d’Assad
  • Il est suggéré de créer des «lieux de refuge sûrs» dans les zones conquises par les insurgés islamistes comme cela a été fait en Libye (ce qui dans les faits, se traduit par une soi-disant zone d’exclusion aérienne comme premier acte d’une «guerre humanitaire»; voir 7.B.)
  • L’Irak est identifié à «l’expansion chiite» (de 8.C)
  • Un « «état islamique» sunnite pourrait empêcher «l’unification de l’Irak» et pourrait «faciliter à nouveau l’entrée d’éléments terroristes de tout le monde arabe dans l’arène irakienne.» (Voir la dernière ligne du PDF.)

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Ce qui suit est extrait du rapport de sept pages déclassifié de la DIA (C’est nous qui soulignons ) :

 

dia-2012-syria-islamic-state1

R 050839Z 12 août

La situation générale:

  1. A l’intérieur, les événements prennent une tournure clairement sectaire.
  2. Les Salafistes [sic], Les Frères musulmans et Al-Qaïda – Irak, sont les forces principales de l’insurrection en Syrie.
  3. L’Occident, les pays du Golfe et la Turquie soutiennent l’opposition, tandis que la Russie, la Chine et l’Iran soutiennent le régime.

  1. (C) Al-Qaïda – Irak (IQA): … B. IQA soutient l’opposition syrienne depuis le début, à la fois idéologiquement et dans les médias …

4.D. IQA a perdu du terrain dans les provinces de l’ouest de l’Irak en 2009 et 2010. Cependant, après la montée de l’insurrection en Syrie, les pouvoirs religieux et tribaux régionaux ont sympathisé avec le soulèvement sectaire. Cette (sympathie) s’est concrétisée par l’appel à bénévoles pour soutenir les sunnites [sic] en Syrie, dans les sermons du vendredi.

  1. (C) Hypothèses sur le développement futur de la crise:
  2. le régime va survivre et garder le contrôle du territoire syrien.
  3. Evolution de la situation actuelle en guerre par procuration: … les forces d’opposition tentent de contrôler les zones orientales (Hasaka et Der Zor), qui touchent les provinces irakiennes orientales (Mossoul et Anbar), en plus des frontières turques voisines. Les pays occidentaux, les pays du Golfe et la Turquie soutiennent ces efforts. Cette hypothèse, qui est le plus probable étant donné ce que nous savons des événements récents, permettra de préparer des lieux de refuges sûrs sous contrôle international comme cela a été fait en Libye quand Benghazi a été choisi comme centre de commande du gouvernement provisoire.

8.C. Si la situation se détériore,  on pourra établir une principauté salafiste officielle ou pas, dans l’est de la Syrie (Hasaka et Der Zor), Et c’est exactement ce que veulent les puissances qui soutiennent l’opposition, afin d’isoler le régime syrien qui est considéré comme l’extrémité stratégique de l’expansion shiite (Irak et l’Iran)

8.D.1. … ISI pourrait aussi constituer un Etat islamique en s’unissant avec  d’autres organisations terroristes en Irak et en Syrie, ce qui mettrait gravement en danger l’unification de l’Irak et la défense de son territoire.

Brad Hoff, Levant Report | Mai 19, 2015

Note : * no foreign nationals : ne pas communiquer aux étrangers

Traduction : Dominique Muselet 

Article original : http://levantreport.com/2015/05/19/2012-defense-intelligence-agency-document-west-will-facilitate-rise-of-islamic-state-in-order-to-isolate-the-syrian-regime/

Chacun est libre de diffuser les articles publiés par Arrêt sur info à condition de mentionner le nom de l’auteur et le lien

Source: http://arretsurinfo.ch/selon-un-document-de-la-dia-de-2012-loccident-facilitera-la-montee-de-letat-islamique-afin-disoler-le-regime-syrien/

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US Department of Defense Admits Supporting ISIS, Buffer Zones In Syria

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While the Western mainstream media and even independent gatekeepers like Noam Chomsky for years spread the lie that any suggestion that the United States and NATO were supporting ISIS was a “conspiracy theory,”recently uncovered and declassified documents from the Defense Intelligence Agency have proven the Western press and the likes of Chomsky wrong and, yet again, the so-called “conspiracy theorists” right.

This is because, on May 18, Judicial Watch published a selection of recently declassified documents that were obtained from the US Department of Defense and the US State Department as a result of a lawsuit filed against the US government. The lawsuit and most of the documents contained within the release revolved around the Benghazi scandal but a deeper look into the documents dating back to 2012 reveal an even bigger story – that the US and NATO have admitted in their own documents to supporting al-Qaeda and ISIS in Syria and Iraq.

MORE: http://www.globalresearch.ca/us-department-of-defense-admits-supporting-isis-buffer-zones-in-syria/5451809

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A chacun son Jihad !

Entre les monstruosités et les crimes ordinaires, si on peut les qualifier tels, il y a un point commun en amont : jamais, de la part de ceux qui ont connu leurs auteurs avant, la moindre réserve, le plus petit bémol. Non, les assassins étaient serviables, gentils, on n’aurait jamais pu soupçonner que le pire surviendrait.

En effet, le crime n’imprime pas sa marque sur les visages, comme pour nous prévenir. Il surgit à la suite de circonstances qui laissent croire à celui qui l’accomplit qu’il n’avait pas d’autre choix. Ou pour des motifs obscurs et délirants quand il aboutit aux massacres ignominieux de Daesh. Alors, on ne dissimule plus ce qu’on est, ce qu’on fait, parce qu’on n’en a pas honte et qu’on espère que cette transparence attirera, convaincra, mobilisera. Que le visage de la terreur sera contagieux.

On a beaucoup évoqué le parcours de Maxime Hauchard et Mickaël Dos Santos, qui ont rejoint Daesh en Syrie et participé, sûrement pour l’un d’eux, aux décapitations de prisonniers syriens et de l’otage américain (Le Figaro, Le Parisien).

Le message d’adieu de Dos Santos à sa mère au cours de l’été 2013 donne évidemment une idée de ce qui l’animait : « Convertis-toi à l’Islam, maman, et tu auras le bonheur ».

On peut sans doute considérer que cette attitude est révélatrice de la démarche de quelques-uns de ces jeunes gens s’étant convertis à l’Islam, souvent par réaction – 80% des familles concernées seraient athées et de classe moyenne ou aisée (Le Monde) – et désireux de quitter une France trop tiède pour eux et sans espoir.

Il me semble que ce sentiment de vacance, cette attente, cette intuition d’avoir un vide à combler, une mission à accomplir, cette incertitude sur demain et sur son sort sont propres à un âge – 15, 16, 17 ans – où dans l’ambiguïté on cherche, on se cherche un chemin. Il n’est pas besoin, face à un tel désir équivoque avant qu’il identifie sa voie, de s’étonner, tant il y a là quelque chose de général.

La quête d’un destin à la hauteur de ses exigences relève de la banalité honorable de jeunes existences qui, la plupart du temps, découvriront l’ancrage qui leur convient et le futur qui les justifiera. A chacun son rêve de Jihad en quelque sorte !

Ce qui est singulier et déplorable à cause des horreurs collectives qui vont suivre tient au choix non pas évidemment de l’islam en tant que tel – j’ai besoin de continuer à croire que cette religion est fidèle à elle-même aussi dans la paix et la modération – mais de sa forme extrême, la plus sanglante, la plus radicale. Comme si cette foi n’avait été adoptée qu’à cause de son intégrisme sans limite et des débordements meurtriers qu’elle semble légitimer.

Quel besoin auraient donc eu Hauchard et Dos Santos, si l’islam seul avait conquis leur coeur et leur tête, de passer de cette croyance même cultivée dans l’exaltation à cette barbarie ? Si ce glissement a été si vite effectué qu’en réalité chez eux il est apparu instantané, c’est que la passion de tuer, l’obsession de faire mal, le sadisme, les tortures et la provocation suprême qu’est l’assassinat perpétré de sang-froid au nom d’une prétendue bonne cause, se sont trouvés au coeur de ces humains singuliers. Ils ont choisi ce type de destin parce qu’il impliquait la destruction des autres, les mécréants, les ennemis.

On peut soutenir qu’une conception perverse de l’islam a engendré ces monstruosités mais aussi que celles-ci ont pu d’autant mieux être accomplies que la religion semblait les cautionner. Est-ce elle la coupable, ou le jeune homme qui portait en lui des dispositions pour la radicalité à l’encontre d’un monde trop mou, trop tolérant, trop consensuel ?

J’incline à concevoir ces folies meurtrières comme la possibilité donnée à certains esprits malades de commettre le pire, avec l’assurance absurde que leur action est nécessaire puisque pour eux, de la mort surgit le Bien. C’est se donner le droit de tuer impunément en plaidant sa totale innocence, sa parfaite éthique, la pureté de son âme. Le comble de l’hypocrisie ou le paroxysme du délire.

C’est une différence essentielle avec les cours d’assises où les accusés, avouant ou non, ne mettent pas en question le caractère gravement transgressif des agissements qui leur sont imputés. Même un Maxime Brunerie ayant tenté d’assassiner Jacques Chirac pour mettre de l’éclat dans sa vie, de la célébrité dans sa grisaille et être promu au rang de personnage historique n’avait absolument rien de comparable avec ces fous d’eux-mêmes plus que d’un Mahomet dévoyé par leur aveuglement et leur bêtise. Son narcissisme était modeste et national quand leur démence est internationale, politique et sauvage.

Impossible de faire l’économie du point de départ qui est l’être lui-même, sa résolution et ses choix. C’est d’abord là que réside le mal et que le remède devrait s’appliquer.

Ma Photo

Philippe Bilger

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Ils opèreraient à tous les postes de l’organisation terroriste et seraient près d’un millier de Français à être actifs au sein du groupuscule se faisant appeler Etat islamique. Avec 10% des effectifs de Daesh, la France serait même le pays occidental le plus représenté au sein du groupe terroriste. 350 Français y participeraient en tant que combattants et au moins trois feraient partie des bourreaux des victimes de l’EI.

VIDEO: http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/au-moins-trois-franais-feraient-partie-des-bourreaux-de-daesh-353180.html

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the real Syrian Free Press

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A former DAESH-ISIS mercenary, named as ‘Abu Abdullah’, bodyguard of terrorist leader Saddam Jamal, in an exclusive interview with the British ‘The Daily Telegraph’ has revealed some of the crimes committed in the name of what we call their ‘Zionist jihad’.

Mercenary ‘Abu Abdullah’, was previously a drug dealer and a Free Syrian Army militant, before to receive more money for his services if working’ for Daesh-ISIL’s gangs.

He spoke of a series of horrific incidents, including when his boss, terrorist leader Jamal, had forced a couple of parents to watch his jihadists murdering their kids one by one.

« Starting with a 13-year-old boy, they lined up the sons according to their height and beheaded them in that order, » said the bodyguard.

« Afterwards, they hung the boys’ heads on the door of the school the family had been hiding in. »

Abdullah declared that Saddam Jamal was working for DAESH not…

Voir l’article original 574 mots de plus

20141113_Kurdist-2Kurds battling Daesh terrorist in Kobani reportedly made advances in the south of the flashpoint Syrian town on the border with Turkey.

Top Kurdish officials told AFP their fighters were advancing street by street, voicing confidence that the ISIL would soon be ejected.

The Kurdish YPG recaptured streets and buildings in the south of Kobani, after a fierce battle against the Daesh-ISIL.

On Monday night, the US-led coalition hit ISIL positions in Kobani’s southeast.

Syria’s Kurds are being backed by Iraqi peshmerga fighters in their bid to reclaim the town from terrorists hands.

Syrian Kurdish chief Saleh Muslim said the YPG were advancing “street by street” and that they would “recapture the town in a very short time”. And the Kurds’ top field commander in Kobane, Narin Afrin, a 40-year-old woman, said by telephone: “We have been resisting for 56 days in very difficult conditions.”

~

Source: AFP News

SFP/patriot from local agencies ~ 13/11/2014
the real SyrianFreePress.NETwork
https://syrianfreepress.wordpress.com/?p=38989

~

NOTE: The contents of this article/speech are of sole responsibility of the author(s). The team and the editor of SyrianFreePress.NETwork do not necessarily subscribe every point of view expressed and are not be responsible for any inaccurate or incorrect statement in this article.

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adnan-khanpar Adnan Khan, The Globe and Mail (Canada) 22 octobre 2014 traduit de l’anglais par Djazaïri

Adnan Khan est un écrivain et photographe qui vit à Istanbul et à Islamabad

L’Etat Islamique en Irak et au Levant (Daesh), les Kurdes, la Turquie, et la lutte des classes
SOURCE:
http://lemondealenversblog.com/2014/10/30/letat-islamique-en-irak-et-au-levant-daesh-les-kurdes-la-turquie-et-la-lutte-des-classes/
http://mounadil.wordpress.com/2014/10/22/letat-islamique-en-irak-et-au-levant-daesh-les-kurdes-la-turquie-et-la-lutte-des-classes/

Une lecture intéressante du positionnement de la Turquie à l’égard de la situation à sa frontière avec la Syrie où l’Etat Islamique (EI, Daesh) cherche à s’emparer de la ville de Kobané aux dépens des Kurdes syriens.

ETAT ISLAMIQUE TURQUIE

En effet, Adnan Khan dépasse la lecture commune qui privilégie soit l’angle religieux, soit l’angle ethnique pour nous donner à comprendre ce qui se joue réellement en Turquie : la reprise du bras de fer entre un gouvernement, d’inspiration islamiste, qui a a lancé le pays, avec un certain succès, dans une expansion économique de type capitaliste et une extrême gauche qui n’a pas renoncé à faire aboutir un projet socialiste par la voie révolutionnaire.

Il s’avère que cette extrême gauche comporte une forte représentation kurde sans pour autant qu’on puisse la caractériser sous l’angle ethnique ou culturel. Et cette extrême gauche se reconnaît dans le projet politique non ethnique porté par le Parti des Travailleurs du Kurdistan et le PYD qui assure la défense de Kobané.

On comprend mieux à la fois les réticences du gouvernement turc mais aussi la réaction d’hostilité d’une partie de la population turque à l’égard des régimes occidentaux, Etats Unis en tête.

Le vrai problème kurde de la Turquie

Il y a eu peu de manifestations de joie chez les Kurdes de Turquie lorsque l’aviation américaine a commencé à larguer des bombes sur l’État Islamique (EI, Daeeh) en Syrie. Leur réaction a été pour le moins surprenante: depuis des semaines, les Kurdes protestaient à Istanbul et dans le sud à majorité kurde de la Turquie contre le manque de soutien apporté à leurs compatriotes kurdes de Kobané, la ville assiégée en Syrie, juste de l’autre côté de la frontière.

Kobané était encerclée sur trois côtés, la seule voie de passage sûre pour y entrer ou en sortir étant celle vers la Turquie au nord. Mais l’armée turque a fermé la frontière. Les défenseurs de la ville, une milice kurde syrienne locale, la branche armée du Parti de l’Union Démocratique (PYD) ont sollicité une aide internationale. Quand les bombardements et les largages de matériel par les Américains ont enfin contribué à faire reculer les forces de l’Etat Islamique, les Kurdes ont probablement échappé au massacre.

L’intervention [américaine] aurait dû provoquer de la joie, mais la protestation a continué, les Kurdes s’en prenant à l’Etat Islamique et condamnant les actions de la Turquie. Encore plus significatif, les manifestants se sont déchaînés contre les Etats Unis et leurs alliés, dont le Canada, dénonçant l’impérialisme et le capitalisme occidentaux.

Les manifestants étaient en majorité des socialistes, d’une tendance virulente qui reste répandue dans la population kurde de Turquie. Leur colère ne découle pas d’un nationalisme ethnique mais d’une idéologie politique. Une révolution est en cours à Kobané, disent-ils, et tout le monde – l’Occident, l’Etat Islamique, les pays arabes, le gouvernement turc – tente de la faire échouer.

Leur version des faits est préoccupante. La Turquie a connu des années de violence politique après l’effondrement d’un processus de paix avec sa minorité kurde en 1993. L’es extrémistes de gauche, principalement des Kurdes favorables au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK interdit) étaient à la lutte contre les ultranationalistes turcs et les islamistes qui se faisaient appeler le Hezbollah turc. Le gouvernement de l’époque, fortement influencé par l’armée, était soupçonné de manipuler les islamistes et les nationalistes dans sa tentative pour écraser l’insurrection dirigée par le PKK.

Ce furent des jours sombres. Des milliers de Kurdes périrent et des centaines de milliers furent déplacés après que pas moins de 3 000 villages du sud-est du pays furent rasés par l’armée pour leur soutien présumé au PKK. « C’était comme une guerre des gangs, » affirme Tolga Baysal, un cinéaste d’Istanbul qui a vécu cette époque. « Le Hezbollah enlevait et assassinait des membres présumés dy PKK, le PKK faisait de même avec le Hezbollah. »

Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter. Un autre processus de paix avec les Kurdes est sur le point de capoter. Le Hezbollah turc est de retour, revigoré par ce qu’il perçoit comme un renouveau islamique en Irak et en Syrie, ainsi que les penchants conservateurs de l’actuel gouvernement turc. Kobané a donné une nouvelle énergie à une extrême gauche turque inspirée par le Parti d’Union Démoocratique qui a annoncé en septembre dernier qu’il allait instaurer la société socialiste parfaite à Kobané. Une fois encore, le gouvernement turc se tourne vers les ultra-nationalistes pour les contrer.

Selon le discours prédominant, la volonté kurde d’une auto-détermination sur une base culturelle et ethnique a été réveillée par les événements de Syrie. Mais c’est une simplification excessive. L’escalade du conflit a plus à voir avec l’idéologie politique – un socialisme radical en opposition avec le projet capitaliste turc en plein essor et le gouvernement enraciné dans l’islamisme politique qui le dirige.

En effet, le Parti de la Justice et du Développement (AKP) qui gouverne la Turquie a fait des avancées significatives ces dix dernières années en reconnaissant des droits culturels aux Kurdes. Beaucoup de travail reste à accomplir, mais il n’est plus illégal de se dire kurde ou de parler d’un espace nommé Kuridtan. Un nombre limité de chaînes de télévision kurdophones onr reçu l’autorisation d’émettre et d’importants projets de développement dans le sud-est ont amélioré la situation économique des Kurdes.

Mais le Parti de l’Union Démocratique et le PKK ont un projet beaucoup plus vaste que les militants m’avaient expliqué en 2006 quand j’avais visité leur base ses monts Qandil dans le Kurdistan irakien.

« La révolution commence avec le peuple, » m’avait-on dit. « C’est ce qui distingue notre socialisme de tout autre mouvement socialiste : l’action individuelle. Les gens doivent prendre en main leurs propres vies. Essayez d’imaginer ça : un pouvoir qui émane de la base, du peuple vers l’appareil de gouvernement d’une manière qui réduit le pouvoir de ce dernier à un rôle de coordination. C’est la vision du PKK. »

Pendant la semaine que j’avais passée avec les révolutionnaires, j’avais pu voir par moi-même ce à quoi pouvait ressembler leur utopie : une société organisée de manière rigide où tout était mis en commun, les rôles liés au genre étaient éliminés et les idéaux révolutionnaires étaient inculqués. Selon les dirigeants, ce n’était qu’un début.

« Notre mouvement est global, pas seulement limité à la région, » disaient-ils. « Mais nous nous concentrons sur le Moyen Orient comme point de départ. Nous changerons le paysage politique du Moyen Orient comme exemple pour le reste du monde. »

Maintenant, le projet révolutionnaire a trouvé son moment historique : le printemps Arabe. Dans le quartier majoritairement kurde ‘Okmeydani à Istanbul, tous les signes sont présents : des graffiti qui annoncent la résurgence du pouvoir populaire, des faucilles et des marteaux grossièrement dessinés avec de la peinture rouge vif, des portraits de Che Guevara à côté de ceux de révolutionnaires kurdes. « Kobané est notre Stalingrad, » affirme un slogan répandu.

TURQUIE PKK

« L’Etat Islamique n’est pas seul, » m’a dit un manifestant de gauche. « L’Etat Islamique attaque une révolution… Ce n’est pas une lutte contre l’Etat Islamique. C’est une lutte contre le système et ceux qui le soutiennent, dont l’Etat turc et toute une série d’autres : le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Angleterre, la France, les Etats Unis. On doit s’opposer à tous ces systèmes capitalistes et impérialistes. »

Pour le gouvernement turc, ce genre de ferveur menace de casser des années d’entreprise capitaliste et de ramener la Turquie à l’effusion de sang et à la ruine économique des années 1990. Dans son calcul, l’Etat Islamique est un moindre mal. L’extrême gauche turque, qui se trouve être kurde, est la boîte de Pandore – dont le couvercle doit être maintenu fermé à tout prix.

Source:http://mounadil.wordpress.com/2014/10/22/letat-islamique-en-irak-et-au-levant-daesh-les-kurdes-la-turquie-et-la-lutte-des-classes/

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Solidarité Ouvrière

La première semaine d’août dernier, les gangs d’ISIS (Daesh) dans la ville de Tikrit ont commis un crime scandaleux contre des employés municipaux. Ces voyous ont enlevé huit travailleurs qui avaient protesté contre l’arbitraire à leur égard, les emmenant les yeux bandés vers un endroit inconnu. Après plus d’un mois de recherche, leurs familles ont trouvé huit cadavres décomposés cachés dans un puits qu’il a été difficile d’identifier.

Les agents municipaux de l’assainissement et du ramassage des ordures avaient commencé à s’opposer à ISIS en refusant de travailler car ils n’étaient plus payés depuis deux mois, et en protestant quand une mine dissimulée avait tué l’un des leurs. ISIS, qui ne fait aucun effort pour démanteler les mines dans les rues de la ville, les a obligé à travailler sans salaire, les rassemblant pour les sermonner dans le parc principal de Tikrit. Huit travailleurs ont alors quitté ce rassemblement en…

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source:http://emmerdeurdunet.wordpress.com/

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