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Le Roi Abdallah Ben Abdel Aziz
Le Roi Abdallah Ben Abdel Aziz

René Naba

Sur fond de désarroi et de désespérance, en pleine convulsion

Sixième Roi d’Arabie, Abdallah Ben Abdel Aziz, décédé jeudi à 90 ans des suites d’une lourde pathologie, laisse un Royaume en plein désarroi, en pleine convulsion, sur fond d’une guerre de succession entre les deux principaux clans de la dynastie wahhabite (le clan Sideiry et le clan Al shammar), sur fond d’une désespérance de sa jeunesse face aux taux élevé d’un  chômage persistant, à l’arrière plan d’un bras de fer énergétique avec les États Unis visant à assécher les petits producteurs de pétrole de schiste, alors que les deux pays qui ont longtemps fait office de sas de sécurité du royaume, le Yémen, dans la décennie 1960 contre Nasser et l’Irak, dans la décennie 1980 contre Saddam Hussein, échappe désormais au contrôle sunnite au bénéfice des chiites, les rivaux historiques des sunnites dont la dynastie se veut le fer de lance au niveau du Monde arabo-musulman.

Sans doute l’effet du hasard,  qui n’en est pas moins révélateur, l’annonce du décès du Roi a été annoncée, alors que le Yémen plongeait dans le chaos à la suite de la démission collective du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi de son gouvernement, sous les coups de butoir de la milice chiite Ansar Allah et que Riyad se hâtait de dresser un mur de 900 kilomètres à sa frontière avec l’Irak pour se protéger d’une invasion par les djihadistes de l’état islamique autoproclamé.

Abdallah est le monarque qui aura exercé le plus long règne au sein de la dynastie, d’abord en tant que prince héritier et chef de la garde nationale, régentant le royaume en suppléance de son frère Fahd atteint d’une lourde pathologie, (1995-12005), puis en tant que souverain (2005-2015), soit vingt ans. A l’instar de son prédécesseur, l’homme aura présidé aux destinées du Royaume, lourdement handicapé par la maladie (une double pontage coronarien, doublé de troubles dorsaux et d’un cancer au larynx), à une période charnière de l’histoire du Moyen Orient, marquée notamment par l’invasion américaine de l’Irak (2003) et la guerre de Syrie (2011), dix ans plus tard, deux pays se réclamant de l’idéologie laïque baasiste, dont la destruction, le premier l’Irak, a servi de matrice à  l’ossature militaire de l’état islamique et le second, la Syrie, à la prolifération du djihadisme dégénératif erratique.

mur du monde

La construction de la «Grande Muraille» saoudienne a été décidée pour se prémunir précisément du chaos que le Royaume, en partenariat avec les autres pétromonarchies et leurs alliés occidentaux du pacte atlantiste ont infligé aux deux pays se réclamant de l’idéologie laïque baasiste. Le mur se composerait d’un mur et d’un fossé destinés à protéger le royaume wahhabite des rebelles de l’organisation État islamique qui contrôlent «une grande partie de la zone du côté irakien de la frontière» et lorgnent «la conquête ultime de l’Arabie Saoudite, qui renferme les deux mosquées saintes de La Mecque et Médine, leur objectif essentiel.

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Salman, nouveau représentant du clan Sideiry au sein du pouvoir

En application des prescriptions du Roi, Salman, représentant du clan Sideiry, lui a succédé à la tête du Royaume. Agé de 79 ans, prince héritier qu’il cumulait avec celui de ministre de la Défense, cet ancien gouverneur de la province de Riyad pendant 48 ans, un faucon dans la pure tradition wahhabite passe pour avoir supervisé la ventilation des «dons» privés versés tant aux moudjahidines afghans lors de la guerre anti soviétique d’Afghanistan, dans la décennie 1980, qu’aux prédicateurs salafistes lors de la guerre de Syrie, dans la décennie 2010.

Souffrant de déficience mémorielle, le terme d’Alzheimer a été prononcé, Salman sera secondé par le prince Moqren, ancien gouverneur de la province de Médine.

Ancien chef du renseignement saoudien et proche d’Abdallah, Moqren, le nouveau prince héritier, semble avoir pour tâche de déblayer la voie à la venue au pouvoir du premier roi de la troisième génération en la personne de Mout’eab Ibn Abdallah, 62 ans, le propre fils du roi défunt, déjà en place en sa qualité de chef de la garde nationale saoudienne, la garde prétorienne du régime composée de guerriers recrutés dans les tribus du Royaume.

Acteur-clé au Moyen-Orient et premier exportateur mondial de pétrole brut, le Roi Abdallah, prudent et prévoyant, a ainsi placé son fils aîné, Mout’eb au poste stratégique de deuxième vice-président du conseil, scellant l’ordre de succession au bénéfice de son fils, sans possibilité d’en modifier l‘ordre de succession. Son deuxième fils, Mecha’al, a été nommé gouverneur de la région de la Mecque, la capitale religieuse du royaume et son 3eme fils, Turki, gouverneur de Riyad, sa capitale politique et financière. La fratrie Abdallah conserve dans son giron la «Garde Nationale», traditionnelle contrepoids aux forces régulières.

Ultime cadeau d’un roi octogénaire en phase crépusculaire de son règne, le Roi Abdallah (88 ans) a couplé cette démarche en impulsant une refonte de l’archaïque système éducatif saoudien, si préjudiciable à l’image du Royaume, à l’image de l’Islam et à la stratégie de ses alliés du bloc atlantiste. Fait sans précédent dans les annales du Royaume, une dame, Haya Al Sahmary, a été nommée à une fonction d’autorité au sein de la haute administration saoudienne, à la direction de la formation, en tandem avec le Prince Khaled Ben Fayçal, le fils du défunt Roi Fayçal, au poste de ministre de l’éducation, avec à la clé un budget de plusieurs milliards de dollars pour mener à bien cette opération.

Dans la foulée, Abdallah a discrètement évacué de la scène publique, le Mufti As Cheikh, un authentique représentant de la fratrie de Mohamad Abdel Wahhab, le fondateur du Wahhabisme, au profit d’un dignitaire moins rigide.

Sous couvert de guerre contre le terrorisme, l’Arabie saoudite a par ailleurs opéré un rapprochement tangible avec Israël, criminalisant la confrérie des Frères Musulmans, renouant avec Mahmoud Abbas, dans une tentative de renflouement de la question palestinienne, la grande oubliée du «printemps arabe», en vue d’accompagner le règlement du conflit israélo-arabe selon un schéma américain conférant un statut minoré au futur état palestinien.

Au-delà des rivalités de voisinage et des conflits de préséance, la diabolisation des Frères Musulmans, la matrice originelle d’Al Qaida et de ses organisations dérivées, apparaît ainsi comme une grande opération de blanchissement des turpitudes saoudiennes et de dédouanement de la dynastie à son soutien à la nébuleuse du djihadisme erratique depuis son apparition dans la décennie 1980 lors de la guerre anti soviétique d’Afghanistan. Un parrainage qui a valu à l’Irak d’assumer, par substitution, la fonction de victime sacrificielle d’un jeu de billard à trois bandes, en 2003, en compensation au châtiment de l’Arabe saoudite pour sa responsabilité dans les attentats du 11 septembre 2001 contre les symboles de l’hyperpuissance américaine.

Soldant sans état d’âme l’ère Bandar, l’ancien patron de la nébuleuse islamiste, la dynastie wahhabite pense avoir signifier aux rivaux du Royaume, dans l’ordre subliminal, sur fond de  négociations irano américaines sur le nucléaire iranien, la permanence et la solidité du Pacte de Quincy, en dépit des fritures dans les relations entre le meilleur allié des États Unis dans le Monde arabe et le protecteur d’Israël; en dépit des tentatives de rapprochement des États-Unis avec l’Iran, l’ancien super gendarme du Golfe du temps de Chah et désormais la bête noire de la dynastie wahhabite.

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