Centre Français de Recherche sur le Renseignement

Publié: 14 mars 2022 dans Informations générales
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BULLETIN DE DOCUMENTATION N°27

LA SITUATION MILITAIRE EN UKRAINE

Jacques Baud (Suisse)

°°°°

EXTRAIT

————–

PREMIÈRE PARTIE : EN ROUTE VERS LA GUERRE

Pendant des années, du Mali à l’Afghanistan, j’ai travaillé pour la paix et ai risqué ma vie pour elle. Il ne s’agit donc pas de justifier la guerre, mais de comprendre ce qui nous y a conduit. Je constate que les « experts » qui se relaient sur les plateaux de télévision analysent la situation à partir d’informations douteuses, le plus souvent des hypothèses érigées en faits, et dès lors on ne parvient plus à comprendre ce qui se passe. C’est comme ça que l’on crée des paniques. Le problème n’est pas tant de savoir qui a raison dans ce conflit, mais de s’interroger sur la manière dont nos dirigeants prennent leurs décisions. Essayons d’examiner les racines du conflit. Cela commence par ceux qui durant les huit dernières années nous parlaient de « séparatistes » ou des « indépendantistes » du Donbass. C’est faux. Les référendums menés par les deux républiques auto-proclamées de Donetsk et de Lougansk en mai 2014, n’étaient pas des référendums d’«indépendance » (независимость), comme l’ont affirmé certains journalistes peu scrupuleux, mais de référendums d’«auto-détermination » ou d’«autonomie » (самостоятельность). Le qualificatif « pro-russes » suggère que la Russie était partie au conflit, ce qui n’était pas le cas, et le terme « russophones » aurait été plus honnête. D’ailleurs, ces référendums ont été conduits contre l’avis de Vladimir Poutine. En fait, ces Républiques ne cherchaient pas à se séparer de l’Ukraine, mais à avoir un statut d’autonomie leur garantissant l’usage de la langue russe comme langue officielle. Car le premier acte législatif du nouveau gouvernement issu du renversement du président Ianoukovitch, a été l’abolition, le 23 février 2014, de la loi Kivalov-Kolesnichenko de 2012qui faisait du russe une langue officielle. Un peu comme si des putschistes décidaient que le français et l’italien ne seraient désormais plus des langues officielles en Suisse.

Cette décision provoque une tempête dans la population russophone. Il en résulte une répression féroce contre les régions russophones (Odessa, Dniepropetrovsk, Kharkov, Lougansk et Donetsk) qui s’exerce dès février 2014 et conduit à une militarisation de la situation et à quelques massacres (à Odessa et à Marioupol, pour les plus importants). À la fin de l’été 2014, ne restent que les Républiques auto-proclamées de Donetsk et de Lougansk. A ce stade, trop rigides et engoncés dans une approche doctrinaire de l’art opératif, les états-majors ukrainiens, subissent l’ennemi sans parvenir s’imposer. L’examen du déroulement des combats en 2014-2016 dans le Donbass montre que l’état-major ukrainien a systématiquement et mécaniquement appliqué les mêmes schémas opératifs. Or, la guerre menée par les autonomistes est alors très proche de ce que l’on observe dans le Sahel : des opérations très mobiles menées avec des moyens légers. Avec une approche plus flexible et moins doctrinaire, les rebelles ont su exploiter l’inertie des forces ukrainienne pour les « piéger » de manière répétée. En 2014, je suis à l’OTAN, responsable de la lutte contre la prolifération des armes légères, et nous tentons de détecter des livraisons d’armes russes aux rebelles afin de voir si Moscou est impliqué. Les informations que nous recevons viennent alors pratiquement toutes des services de renseignement polonais et ne « collent pas » avec les informations en provenance de l’OSCE : en dépit d’allégations assez grossières, on n’observe aucune livraison d’armes et de matériels militaire de Russie. Les rebelles sont armés grâce aux défections d’unités ukrainiennes russophones qui passent du côté rebelle. Au fur et à mesure des échecs ukrainiens, les bataillons de chars, d’artillerie ou anti-aériens au complet viennent grossir les rangs des autonomistes. C’est ce qui pousse les Ukrainiens à s’engager dans les Accords de Minsk. Mais, juste après avoir signé les Accords de Minsk 1, le président ukrainien Petro Porochenko lance une vaste opération antiterroriste (ATO/Антитерористична операція) contre le Donbass. Bis repetita placent : mal conseillés par des officiers de l’OTAN, les Ukrainiens subissent une cuisante défaite à Debaltsevo qui les oblige à s’engager dans les Accords de Minsk 2…Il est essentiel de rappeler ici que les Accords de Minsk 1 (septembre 2014) et Minsk 2 (février 2015), ne prévoyaient ni la séparation, ni l’indépendance des Républiques, mais leur autonomie dans le cadre de l’Ukraine. Ceux qui ont lu les Accords (ils sont très, très, très peu nombreux) constateront qu’il est écrit en toutes lettres que le statut des républiques devait être négocié entre Kiev et les représentants des républiques, pour une solution interne à l’Ukraine. C’est pourquoi depuis 2014, la Russie a systématiquement demandé leur application tout en refusant d’être partie aux négociations, car il s’agissait d’une affaire intérieure à l’Ukraine. De l’autre côté, les Occidentaux – France en tête – ont systématiquement tenté de substituer aux Accords de Minsk le « format Normandie », qui mettait face à face Russes et Ukrainiens. Or, rappelons-le, il n’y a jamais eu de troupes russes dans le Donbass avant le 23-24 février 2022. D’ailleurs, les observateurs de l’OSCE n’ont jamais observé la moindre trace d’unités russes opérant dans le Donbass. Ainsi, la carte des services de renseignements américains publiée par le Washington Post le 3 décembre 2021 ne montre pas de troupes russes dans le Donbass. En octobre 2015, Vasyl Hrytsak, directeur du Service de sécurité ukrainien (SBU), confessait que l’on avait seulement observé 56 combattants russes dans le Donbass. C’était un même comparable à celui des Suisses allaient combattre en Bosnie durant les week-ends,dans les années 1990, ou des Français qui vont combattre en Ukraine aujourd’hui. L’armée ukrainienne est alors dans un état déplorable. En octobre 2018, après quatre ans de guerre, le procureur militaire ukrainien en chef Anatoly Matios déclarait que l’Ukraine avait perdu 2 700 hommes dans le Donbass : 891 de maladies, 318 d’accidents de la route, 177 d’autres accidents, 175 d’empoisonnements (alcool, drogue), 172 suite à desmanipulations imprudentes d’armes, 101 d’infractions aux règles de sécurité, 228 de meurtres et 615 de suicides. En fait, l’armée est minée par la corruption de ses cadres et ne jouit plus du soutien de la population. Selon un rapport du ministère de l’Intérieur britannique, lors du rappel des réservistes de mars-avril 2014, 70 % ne se sont pas présentés à la première session, 80 % à la deuxième, 90 % à la troisième et 95 % à la quatrième. En octobre/novembre 2017, 70 % des appelés ne se sont pas présentés lors de la campagne de rappel « Automne 2017». Ceci sans compter les suicides et les désertions (souvent au profit des autonomistes) qui atteignent jusqu’à 30 % des effectifs dans la zone de l’ATO. Les jeunes Ukrainiens refusent d’aller combattre dans le Donbass et préfèrent l’émigration, ce qui explique aussi, partiellement au moins, le déficit démographique du pays. Le ministère de la Défense ukrainien s’adresse alors à l’OTAN pour l’aider à rendre ses forces armées plus « attractives ». Ayant déjà travaillé à des projets similaires dans le cadre des Nations Unies, j’ai été sollicité par l’OTAN pour participer à un programme destiné à restaurer l’image des forces armées ukrainiennes. Mais c’est un processus de longue haleine et les Ukrainiens veulent aller vite. Ainsi, pour compenser le manque de soldats, le gouvernement ukrainien recourt alors à des milices paramilitaires. Elles sont essentiellement composées de mercenaires étrangers, souvent militants d’extrême-droite. En 2020, elles constituent environ 40% des forces ukrainiennes et comptent environ 102 000 hommes selon Reuters. Elles sont armées, financées et formées par les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la France. On y trouve plus de 19 nationalités – dont des Suisses.Les pays occidentaux ont donc clairement créé et soutenu desmilices d’extrême droite ukrainiennes. En octobre 2021, le Jerusalem Post sonnait l’alarme en dénonçant le projet Centuria. Ces milices opèrent dans le Donbass depuis 2014, avec le soutien des Occidentaux. Même si on peut discuter le terme « nazi », il n’en demeure pas moins que ces milices sont violentes, véhiculent une idéologie nauséabonde et sont virulemment antisémites. Leur antisémitisme est plus culturel que politique, c’est pourquoi le qualificatif « nazi » n’est pas vraiment adapté. Leur haine du juif vient des grandes famines des années 1920-1930 en Ukraine, résultant de la confiscation des récoltes par Staline afin de financer la modernisation de l’Armée Rouge. Or, ce génocide – connu en Ukraine sous le nom d’Holodomor – a été perpétré par le NKVD (ancêtre du KGB) dont les échelons supérieurs de conduite étaient principalement composés de juifs. C’est pourquoi, aujourd’hui, les extrémistes ukrainiens demandent à Israël de s’excuser pour les crimes du communisme, comme le relève le Jerusalem Post. On est donc bien loin d’une «réécriture de l’Histoire» par Vladimir Poutine. Ces milices, issues des groupes d’extrême-droite qui ont animé la révolution de l’ Euromaïdan en 2014, sont composées d’individus fanatisés et brutaux. La plus connue d’entre elles est le régiment Azov, dont l’emblème rappelle celui de la 2e Panzerdivision SS Das Reich, qui fait l’objet d’une véritable vénération en Ukraine, pour avoir libéré Kharkov des Soviétiques en 1943, avant de perpétrer le massacre d’Oradour-sur-Glane en 1944, en France. Parmi les figures célèbres du régiment Azov, on trouvait l’opposant Roman Protassevitch, arrêté en 2021 par les autorités biélorusses à la suite de l’affaire du vol RyanAir FR4978. Le 23 mai 2021, on évoque le détournement délibéré d’un avion de ligne par un MiG-29 – avec l’accord de Poutine, bien évidemment – pour arrêter Protassevitch, bien que les informations alors disponibles ne confirment absolument pas ce scénario.

Mais il faut alors montrer que le président Loukachenko est un voyou et Protassevitch un « journaliste » épris de démocratie. Pourtant, une enquête assez édifiante produite par une ONG américaine en 2020, mettait en évidence les activités militantes d’extrême-droite de Protassevitch. Le complotisme occidental se met alors en marche et des médias peu scrupuleux« toilettent » sa biographie. Finalement, en janvier 2022, le rapport de l’ OACI est publié et montre que malgré quelques erreurs de procédure, le Bélarus a agi conformément aux règles en vigueur et que le MiG-29 a décollé 15 minutes après que le pilote de RyanAir a décidé d’aller atterrir à Minsk. Donc pas de complot bélarus et encore moins avec Poutine.

Ah !… Encore un détail : Protassevitch, cruellement torturé par la police bélarusse, est aujourd’hui libre. Ceux qui voudraient correspondre avec lui, peuvent aller sur son compte Twitter. La qualification de « nazi » ou « néo-nazi » donnée aux paramilitaires ukrainiens est considérée comme de la propagande russe. Peut-être ; mais ce n’est pas l’avis du Times of Israel, du Centre Simon Wiesenthal ou du Centre de Lutte contre le Terrorisme de l’académie de West Point. Mais cela reste discutable, car, en 2014, le magazine Newsweek semblait plutôt les associer à… l’État Islamique. Au choix ! Donc, l’Occident soutient et continue d’armer des milices qui se sont rendues coupables de nombreux crimes contre les populations civiles depuis 2014: viols, torture et massacres. Mais alors que le gouvernement suisse a été très prompt à prendre des sanctions contre la Russie, il n’en n’a adopté aucune contre l’Ukraine qui massacre sa propre population depuis 2014. En fait, ceux qui défendent les droits de l’homme en Ukraine ont depuis longtemps condamné les agissements de ces groupes, mais n’ont pas été suivis par nos gouvernements. Car, en réalité, on ne cherche pas à aider l’Ukraine, mais à combattre la Russie. L’intégration de ces forces paramilitaires dans la Garde Nationale ne s’est pas du tout accompagnée d’une « dénazification », comme certains le prétendent.

DEUXIÈME PARTIE : LA GUERRE

Cette décision provoque une tempête dans la population russophone. Il en résulte une répression féroce contre les régions russophones (Odessa, Dniepropetrovsk, Kharkov, Lougansk et Donetsk) qui s’exerce dès février 2014 et conduit à une militarisation de la situation et à quelques massacres (à Odessa et à Marioupol, pour les plus importants). À la fin de l’été 2014, ne restent que les Républiques auto-proclamées de Donetsk et de Lougansk. A ce stade, trop rigides et engoncés dans une approche doctrinaire de l’art opératif, les états-majors ukrainiens, subissent l’ennemi sans parvenir s’imposer. L’examen du déroulement des combats en 2014-2016 dans le Donbass montre que l’état-major ukrainien a systématiquement et mécaniquement appliqué les mêmes schémas opératifs. Or, la guerre menée par les autonomistes est alors très proche de ce que l’on observe dans le Sahel : des opérations très mobiles menées avec des moyens légers. Avec une approche plus flexible et moins doctrinaire, les rebelles ont su exploiter l’inertie des forces ukrainienne pour les « piéger » de manière répétée. En 2014, je suis à l’OTAN, responsable de la lutte contre la prolifération des armes légères, et nous tentons de détecter des livraisons d’armes russes aux rebelles afin de voir si Moscou est impliqué. Les informations que nous recevons viennent alors pratiquement toutes des services de renseignement polonais et ne « collent pas » avec les informations en provenance de l’OSCE : en dépit d’allégations assez grossières, on n’observe aucune livraison d’armes et de matériels militaire de Russie. Les rebelles sont armés grâce aux défections d’unités ukrainiennes russophones qui passent du côté rebelle. Au fur et à mesure des échecs ukrainiens, les bataillons de chars, d’artillerie ou anti-aériens au complet viennent grossir les rangs des autonomistes. C’est ce qui pousse les Ukrainiens à s’engager dans les Accords de Minsk. Mais, juste après avoir signé les Accords de Minsk 1, le président ukrainien Petro Porochenko lance une vaste opération antiterroriste (ATO/Антитерористична операція) contre le Donbass. Bis repetita placent : mal conseillés par des officiers de l’OTAN, les Ukrainiens subissent une cuisante défaite à Debaltsevo qui les oblige à s’engager dans les Accords de Minsk 2…Il est essentiel de rappeler ici que les Accords de Minsk 1 (septembre 2014) et Minsk 2 (février 2015), ne prévoyaient ni la séparation, ni l’indépendance des Républiques, mais leur autonomie dans le cadre de l’Ukraine. Ceux qui ont lu les Accords (ils sont très, très, très peu nombreux) constateront qu’il est écrit en toutes lettres que le statut des républiques devait être négocié entre Kiev et les représentants des républiques, pour une solution interne à l’Ukraine. C’est pourquoi depuis 2014, la Russie a systématiquement demandé leur application tout en refusant d’être partie aux négociations, car il s’agissait d’une affaire intérieure à l’Ukraine. De l’autre côté, les Occidentaux – France en tête – ont systématiquement tenté de substituer aux Accords de Minsk le « format Normandie », qui mettait face à face Russes et Ukrainiens. Or, rappelons-le, il n’y a jamais eu de troupes russes dans le Donbass avant le 23-24 février 2022. D’ailleurs, les observateurs de l’OSCE n’ont jamais observé la moindre trace d’unités russes opérant dans le Donbass. Ainsi, la carte des services de renseignements américains publiée par le Washington Post le 3 décembre 2021 ne montre pas de troupes russes dans le Donbass. En octobre 2015, Vasyl Hrytsak, directeur du Service de sécurité ukrainien (SBU), confessait que l’on avait seulement observé 56 combattants russes dans le Donbass. C’était un même comparable à celui des Suisses allaient combattre en Bosnie durant les week-ends,dans les années 1990, ou des Français qui vont combattre en Ukraine aujourd’hui. L’armée ukrainienne est alors dans un état déplorable. En octobre 2018, après quatre ans de guerre, le procureur militaire ukrainien en chef Anatoly Matios déclarait que l’Ukraine avait perdu 2 700 hommes dans le Donbass : 891 de maladies, 318 d’accidents de la route, 177 d’autres accidents, 175 d’empoisonnements (alcool, drogue), 172 suite à des manipulations imprudentes d’armes, 101 d’infractions aux règles de sécurité, 228 de meurtres et 615 de suicides. En fait, l’armée est minée par la corruption de ses cadres et ne jouit plus du soutien de la population. Selon un rapport du ministère de l’Intérieur britannique, lors du rappel des réservistes de mars-avril 2014, 70 % ne se sont pas présentés à la première session, 80 % à la deuxième, 90 % à la troisième et 95 % à la quatrième. En octobre/novembre 2017, 70 % des appelés ne se sont pas présentés lors de la campagne de rappel « Automne 2017». Ceci sans compter les suicides et les désertions (souvent au profit des autonomistes) qui atteignent jusqu’à 30 % des effectifs dans la zone de l’ATO. Les jeunes Ukrainiens refusent d’aller combattre dans le Donbass et préfèrent l’émigration, ce qui explique aussi, partiellement au moins, le déficit démographique du pays. Le ministère de la Défense ukrainien s’adresse alors à l’OTAN pour l’aider à rendre ses forces armées plus « attractives ». Ayant déjà travaillé à des projets similaires dans le cadre des Nations Unies, j’ai été sollicité par l’OTAN pour participer à un programme destiné à restaurer l’image des forces armées ukrainiennes. Mais c’est un processus de longue haleine et les Ukrainiens veulent aller vite. Ainsi, pour compenser le manque de soldats, le gouvernement ukrainien recourt alors à des milices paramilitaires. Elles sont essentiellement composées de mercenaires étrangers, souvent militants d’extrême-droite. En 2020, elles constituent environ 40% des forces ukrainiennes et comptent environ 102 000 hommes selon Reuters. Elles sont armées, financées et formées par les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la France. On y trouve plus de 19 nationalités – dont des Suisses.Les pays occidentaux ont donc clairement créé et soutenu des milices d’extrême droite ukrainiennes. En octobre 2021, le ‘Jérusalem Post’ sonnait l’alarme en dénonçant le projet Centuria. Ces milices opèrent dans le Donbass depuis 2014, avec le soutien des Occidentaux. Même si on peut discuter le terme « nazi », il n’en demeure pas moins que ces milices sont violentes, véhiculent une idéologie nauséabonde et sont virulemment antisémites. Leur antisémitisme est plus culturel que politique, c’est pourquoi le qualificatif « nazi » n’est pas vraiment adapté. Leur haine du juif vient des grandes famines des années 1920-1930 en Ukraine, résultant de la confiscation des récoltes par Staline afin de financer la modernisation de l’Armée Rouge. Or, ce génocide – connu en Ukraine sous le nom d’Holodomor – a été perpétré par le NKVD (ancêtre du KGB) dont les écles informations alors disponibles ne confirment absolument pas ce scénario.

Dès le 16 février, Joe Biden sait que les Ukrainiens ont commencé à pilonner les populations civiles du Donbass, mettant Vladimir Poutine devant un choix difficile : aider le Donbass militairement et créer un problème international ou rester sans rien faire et regarder les russophones du Donbass se faire écraser. S’il décide d’intervenir, Vladimir Poutine peut invoquer l’obligation internationale de « Responsibility To Protect » (R2P). Mais il sait que quelle que soit sa nature ou son ampleur, l’ intervention déclenchera une pluie de sanctions. Dès lors, que son intervention soit limitée au Donbass ou qu’elle aille plus loin pour faire pression sur les Occidentaux pour le statut de l’Ukraine, le prix à payer sera le même. C’est d’ailleurs ce qu’il explique lors de son allocution du 21 février. Ce jour-là, il accède à la demande de la Douma et reconnaît l’indépendance des deux Républiques du Donbass et, dans la foulée, il signe avec elles des traités d’amitié et d’assistance. Les bombardements de l’artillerie ukrainienne sur les populations du Donbass se poursuivent et, le 23 février, les deux Républiques demandent l’aide militaire de la Russie.

La « démilitarisation

L’offensive russe se déroule de manière très « classique ». Dans un premier temps – comme l’avaient fait les Israéliens en 1967 – avec la destruction au sol des forces aériennes dans les toutes premières heures. Puis, on assiste à une progression simultanée surplusieurs axes selon le principe de « l’eau qui coule » : on avance partout où la résistance est faible et on laisse les villes (très voraces en troupes) pour plus tard. Au nord, la centrale de Tchernobyl est occupée immédiatement afin de prévenir des actes de sabotage. Les images de soldats ukrainiens et russes assurant ensemble la surveillance de la centrale ne sont naturellement pas montrées… L’idée que la Russie cherche à s’emparer de Kiev, la capitale pour éliminer Zelensky, vient typiquement des Occidentaux : c’est ce qu’ils ont fait en Afghanistan, en Irak, en Libye et ce qu’ils voulaient faire en Syrie avec l’aide de l’État islamique. Mais Vladimir Poutine n’a jamais eu l’intention d’abattre ou de renverser Zelensky. La Russie cherche au contraire à le maintenir au pouvoir en le poussant à négocier en encerclant Kiev. Il avait refusé de faire jusque-là pour appliquer les Accords de Minsk, mais maintenant les Russes veulent obtenir la neutralité de l’Ukraine. Beaucoup de commentateurs occidentaux se sont étonnés que les Russes aient continué à chercher une solution négociée tout en menant des opérations militaires.L’explication est dans la conception stratégique russe, depuis l’époque soviétique. Pour les Occidentaux, la guerre commence lorsque la politique cesse. Or, l’approche russe suit une inspiration clausewitzienne : la guerre est la continuité de la politique et on peut passer de manière fluide de l’une à l’autre, même au cours des combats. Cela permet de créer une pression sur l’adversaire et le pousser à négocier. Du point de vue opératif, l’offensive russe a été un exemple du genre : en six jours, les Russes se sont emparés d’un territoire aussi vaste que le Royaume-Uni, avec une vitesse de progression plus grande que ce que la Wehrmacht avait réalisé en 1940. Le gros de l’armée ukrainienne était déployé au sud du pays en vue d’une opération majeure contre le Donbass. C’est pourquoi, les forces russes ont pu l’encercler dès le début mars dans le « chaudron » compris entre Slavyansk, Kramatorsk et Severodonetsk, par une poussée venant de l’est par Kharkov et une autres venant du sud depuis la Crimée. Les troupes des Républiques de Donetsk (RPD) et de Lougansk (RPL) complètent l’action des forces russes par une poussée venant de l’Est. A ce stade, les forces russes resserrent lentement l’étau, mais ne sont plus sous pression du temps. Leur objectif de démilitarisation est pratiquement atteint et les forces ukrainiennes résiduelles n’ont plus de structure de commandement opératif et stratégique. Le « ralentissement » que nos « experts » attribuent à une mauvaise logistique, n’est que la conséquence d’avoir atteint les objectifs fixés. La Russie ne semble pas vouloir s’engager dans une occupation de l’ensemble du territoire ukrainien. En fait, il semble plutôt que la Russie cherche à limiter son avance à la frontière linguistique du pays. Nos médias parlent de bombardements indiscriminés contre les populations civiles, notamment à Kharkov et des images dantesques sont diffusées en boucle. Pourtant, Gonzalo Lira, un latino-américain qui y vit, nous présente une ville calme le 10 mars, et le 11 mars. Certes c’est une grande ville et on ne voit pas tout, mais cela semble indiquer que l’on n’est pas dans la guerre totale qu’on nous sert en continu sur nos écrans. Quant aux Républiques du Donbass, elles ont « libéré » leurs propres territoires et combattent dans la ville de Marioupol. La « dénazification » Dans les villes comme Kharkov, Marioupol et Odessa, la défense est assurée par les milices paramilitaires. Elles savent que l’objectif de « dénazification » les vise au premier chef. Pour un attaquant en zone urbanisée, les civils sont un problème. C’est pourquoi la Russie cherche à créer des couloirs humanitaires pour vider les villes des civils et ne laisser que les milices afin de les combattre plus facilement. À l’inverse, ces milices cherchent à garder les civils dans les villes afin de dissuader l’armée russe de venir y combattre. C’est pourquoi elles sont réticentes à mettre en œuvre ces couloirs et font tout pour que les efforts russes soient vains : ils peuvent ainsi utiliser la population civile comme « boucliers humains ». Les vidéos montrant des civils cherchant à quitter Marioupol et tabassés par les combattants du régiment Azov sont naturellement soigneusement censurées chez nous. Sur Facebook, le groupe Azov était considéré dans la même catégorie que l’État islamique et soumis à la « politique sur les individus et organisations dangereuses» de la plate-forme. Il était donc interdit de le glorifier, et les « posts » qui lui étaient favorables étaient systématiquement bannis. Mais le 24 février, Facebook modifie sa politique et autorise les posts favorables à la milice. Dans le même esprit, en mars, la plate-forme autorise, dans les ex-pays de l’Est, les appels au meurtre de militaires et de dirigeants russes. Voilà pour les valeurs qui inspirent nos dirigeants, comme nous le verrons. Nos médias propagent une image romanesque de la résistance populaire. C’est cette image qui a conduit l’Union européenne à financer la distribution d’armes à la population civile. C’est un acte criminel. Dans mes fonctions de chef de la doctrine des opérations de maintien de la paix à l’ONU, j’ai travaillé sur la question de la protection des civils. Nous avons alors constaté que les violences contre les civils avaient lieu dans des contextes très précis.

Pour tout LIRE, fichier à demander à marcfievet@live.fr

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