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assembleeLes indemnités très “spéciales” des ténors du Parlement
19 avril 2016  Par Olivier-Jourdan Roulot

Après la réserve parlementaire et l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), l’association “Pour une démocratie directe” jette un nouveau pavé dans la mare sur la question du train de vie des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat. L’association accuse les plus hauts dignitaires des deux chambres de se répartir près de 1,5 million d’euros.

En toute illégalité.

Ça a été un travail de Romains pour rassembler le maximum d’éléments et passer au tamis tous les textes”, confie Hervé Lebreton. Une habitude chez cet homme pugnace, prof de mathématiques, qui milite pour la libre information des citoyens sur la chose publique, notamment quand il s’agit du train de vie des membres des assemblées.

Dans un courrier envoyé ce mardi aux présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, Hervé Lebreton et ses amis mettent les pieds dans le plat. D’entrée, le ton est donné : “Arrêt des versements des suppléments illégaux aux hauts parlementaires”, peut-on lire en guise de préliminaire de la missive. Quelques lignes plus bas, les auteurs précisent le sujet à l’ordre du jour. “Il semblerait, écrivent-ils, que certains hauts parlementaires perçoivent, contrairement à la loi, des suppléments d’indemnité portant par exemple le nom d’“indemnité spécifique de fonction” : président de l’Assemblée nationale, questeurs, vice-présidents, présidents de groupe, présidents de commission, rapporteurs généraux, président de délégation, président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques, secrétaires.”

Dans le détail et sans usage du subjonctif, les principaux dignitaires du bicamérisme à la française empochent chaque mois entre 681,61 et 7 057, 55 euros (voir ci-dessous), selon leur position sur l’échelle de la notabilité parlementaire. Ces sommes sans justification légale s’ajoutent aux indemnités qu’ils touchent déjà, et qui elles sont prévues pour leur permettre de vivre et exercer dignement leur mandat : 14 940 euros bruts par mois pour les sénateurs, 12 870 euros bruts pour les députés.

“Qu’on mette des moyens supplémentaires pour le questeur est normal, mais il n’y a pas de raison qu’il gagne plus, glisse Hervé Lebreton au Lanceur. Un parlementaire est un parlementaire à 100%, ceux qui touchent ces indemnités ne travaillent pas plus, surtout quand en plus ils cumulent.”

Si les règlements des deux assemblées prévoient bien des variations des indemnités de fonction, il s’agit de… diminutions/sanctions, en cas de manquements divers (absences, comportement violent…). Mais aucune trace d’une possible augmentation/gratification dans les dizaines et dizaines de pages et de textes souvent arides épluchés par Lebreton et ses amis. Or, la loi organique est formelle : pour qu’il puisse y avoir variation de l’indemnité, elle doit être prévue dans les règlements. “Les textes sont clairs, simples et sans ambiguïté pouvant prêter à interprétation, commente notre interlocuteur. Nulle part il n’est indiqué que le président de l’Assemblée touche plus, point final.” Il n’empêche : au total, d’après les relevés et les croisements de Pour une démocratie directe, ce sont 1 087 667 euros et 563 694 euros par an que se répartissent respectivement les barons de la vie parlementaire au Sénat et à l’Assemblée.

Ces sommes, l’association est tombée dessus alors que ses adhérents effectuaient des recherches sur l’IRFM, autre sujet de son intérêt. Pour la petite histoire, c’est l’obstination des assemblées dans leur refus de répondre à leurs demandes réitérées de communication de pièces et infos qui les mettra sur la piste de cette manne cachée. À partir de là, on a déroulé la pelote.” Un travail long et fastidieux. Les militants ont également passé au crible les déclarations de patrimoine des parlementaires à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Ils ont pu constater que ces sommes n’y figuraient pas, à de (très) rares exceptions près…claude-bartolone-president-de-l-assemblee-nationale_president_header

larcher_gerard86034eClaude Bartolone

Gérard Larcher

Dans leur courrier à Gérard Larcher et Claude Bartolone, respectivement deuxième et quatrième personnages dans l’ordre protocolaire de l’État, les auteurs font la démonstration de leur parfaite maîtrise du droit constitutionnel. Ils rappellent que les rémunérations des parlementaires sont encadrées. Et que leurs indemnités, en vertu de la Constitution (article 25), sont fixées par une loi organique. Celle de 1958 définit “les deux seules indemnités parlementaires possibles” (parlementaire et de fonction), comme souligné par le courrier, et leur montant précis. Au moment de sa rédaction, ce souci de formalisme répondait aux très vives critiques qui avaient ébranlé le régime des IIIe et IVe Républiques. Notamment sur le fait que les parlementaires fixaient eux-mêmes le montant de leur indemnités…

romanbBernard Roman

clergeauMarie-Françoise Clergeau

“La loi organique préserve ainsi les parlementaires de toute tentation de s’augmenter eux-mêmes”, souligne Hervé Lebreton, qui demande le…remboursement des sommes perçues par les parlementaires ! Avec des montants conséquents, quand on fait comme l’association le cumul sur les quatre dernières années : 317 590 euros pour Claude Bartolone, 236 520 pour Bernard Roman et Philippe Briand , 221 738 pour Marie-Françoise Clergeau ou encore 211 727 pour Jean-Pierre Bell. “Quand un agent de l’État touche un trop-perçu, l’État demande un remboursement, ça peut arriver, il n’y a pas pbriandmort d’homme, justifie Hervé Lebreton.

Philippe Briand

Il n’y a pas de raison qu’ils ne remboursent pas, autrement il va falloir qu’ils se justifient. Et on ne s’amuse pas à changer la loi quand un fonctionnaire touche en trop. La loi doit être la même pour tous.”

Qui touche, et combien ?

Ils sont 80.

Leur patronyme est couché sur une liste patiemment reconstituée par les militants de Pour une démocratie directe. Avec à chaque fois, à la même ligne que leur nom, une somme en euros : celle qu’ils perçoivent chaque mois au nom d’une indemnité dont ils ne parlent jamais.

La crème de la crème.
Au sommet de la hiérarchie parlementaire, dont ils occupent les fonctions et les positions les plus prestigieuses, ils composent une sorte de super-élite. 45 siègent au Sénat, 35 ont leur place réservée sur les bancs de l’Assemblée nationale. Ces ténors de la politique connaissent tout des rouages de la vie du Parlement, sur laquelle ils pèsent de tout leur poids.

Pour lister les heureux bénéficiaires à l’Assemblée, les adhérents de Pour une démocratie directe ont dû compter sur… eux-mêmes. Il a fallu grappiller un peu partout : une piste au détour d’un article dans un journal, des tuyaux et indiscrétions ici, un parlementaire qui oublie un instant la langue de bois à la télévision ou en public, et lâche du lest sans s’en apercevoir… Pour le Sénat, l’affaire s’est révélée plus simple : sur le site Internet de la haute assemblée, une page recense le montant de ces indemnités réparties entre les membres de la haute hiérarchie installée dans le palais du Luxembourg. L’objet est consultable ici.
Sur les 80 parlementaires identifiés, certains perçoivent quelques centaines d’euros tous les mois. Ce montant vient s’ajouter à leurs indemnités légales : le député radical Paul Giacobbi empoche ainsi 681,61 euros en tant que secrétaire du bureau de l’Assemblée nationale. Tout comme ses collègues Marc Dolez (Front de gauche)  et Dino Cinieri (LR). Leurs homologues du Sénat perçoivent 695,81 euros – par exemple, la sénatrice UDI Valérie Létard, Bruno Gilles et Christian Cambon (LR) ou Catherine Tasca (PS). Au palais Bourbon, Bernard Accoyer (LR, commission chargée d’épurer les comptes), Gilles Carrez (LR, commission des finances), Elisabeth Guigou (PS, commission permanente des affaires étrangères), Dominique Raimbourg (PS, commission des lois) et Patrick Bloche (PS, affaires culturelles) monnaient leur présidence 866,22 euros. Même traitement “spécial” pour la rapporteure générale de la commission des finances, Valérie Rabault (PS).

En grimpant à l’étage supérieur de la hiérarchie, mieux vaut s’installer au Sénat qu’à la chambre des députés, en tout cas pour arrondir ses fins de mois. À l’Assemblée nationale, 1022,42 euros tombent dans les poches de Marc Le Fur et Catherine Vautrin (LR), du Vert Denis Baupin ou de Laurence Dumont (PS). Les vice-présidents du Sénat – Jean-Claude Gaudin et Isabelle Debré (LR), Hervé Marseille (UDI), Thierry Foucaud (PC)… – doublent la mise par rapport à leurs homologues députés, avec 2 030,64 euros mensuels. À noter que les présidents de groupe (Corinne Bouchoux pour les sénateurs EELV, le radical de gauche Jacques Mézard, la communiste Éliane Assassi), ceux des commissions et les rapporteurs généraux bénéficient du même traitement, au palais du Luxembourg. Dans l’organisation et le fonctionnement des chambres, les questeurs occupent une place centrale : au palais Bourbon, Philippe Briand (LR), Bernard Roman (PS) et Marie-Françoise Clergeau (PS) s’octroient chacun 4 927,5 euros. C’est mieux que leurs homologues sénateurs : Bernard Saugey (LR), Dominique Bailly (PS) et Jean-Leonce Dupont (UDI), qui empochent tout de même 4 132,29 euros.

Enfin, les présidents des deux chambres savent monnayer le prestige de leur fauteuil. Au Sénat, Gérard Larcher encaisse 7 057,55 euros mensuels d’indemnité spéciale, comme son homologue de l’Assemblée. On se souvient que Claude Bartolone prônait le “devoir d’exemplarité” au moment de son élection au perchoir du palais Bourbon, en 2012. Le député PS de Seine-Saint-Denis s’était offert un joli coup de pub en annonçant notamment qu’il allait réduire ses indemnités de président de 30%. “Nous avons décidé de travailler pour moderniser et rendre plus transparentes nos institutions”, avait-il lancé devant la presse, au nom du “devoir d’exemplarité”.

http://www.lelanceur.fr/les-indemnites-tres-speciales-des-tenors-du-parlement/

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Afficher l'image d'origineExtrait de La Grande bouffe, Marco Ferreri – 1973Photo: http://www.vice.com/fr/read/la-grande-bouffe-stagiaire-918

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4 avril 2016  Par Olivier-Jourdan Roulot
Avec son association, Pour une démocratie directe, il est celui qui met les pieds dans le plat de la (petite) cuisine des parlementaires. À force de ténacité, ce prof de maths chantre du “pouvoir citoyen” a forcé l’Administration à lever partiellement le voile sur les avantages que nos élus s’octroient à l’Assemblée nationale et au Sénat. Après la réserve, le voilà qui s’attaque aux frais des parlementaires. Hervé Lebreton se dit “choqué” par l’augmentation que s’est attribuée le président de la région “Hauts de France” Xavier Bertrand, et que ce dernier à justifié par la perte de son IRFM, une indemnité destinée à couvrir les frais des députés mais que beaucoup prennent pour leur “argent de poche”.

Hervé Lebreton, un homme sort de la réserve (parlementaire)

Hervé Lebreton, président de « Pour une démocratie directe » © NICOLAS TUCAT / AFP

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Entretien.

Le Lanceur: Êtes-vous un lanceur d’alerte ?

Hervé Lebreton : Je me méfie du vocabulaire employé pour désigner les gens, par exemple quand on me qualifie d’empêcheur de tourner en rond… Il ne faut pas inverser les rôles : ce qui est anormal, c’est l’attitude des institutions et de certains parlementaires qui privilégient leur intérêt personnel en le faisant passer avant l’intérêt général, pas qu’un citoyen demande des comptes à son administration ou à son élu.

Alors, pour répondre, oui nous lançons des alertes en pointant certaines pratiques qui ne devraient pas exister, comme la réserve et l’enrichissement des parlementaires. Ou quand on pose la question du Code pénal. Maintenant, nous n’agissons pas dans le cadre de notre activité professionnelle.

Il y a eu un effort, mais ça ne suffit pas”

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L’Assemblée nationale

Le Lanceur:  Il y a quelques jours – c’est désormais une tradition – l’Assemblée a rendu public l’usage fait par les députés de leur réserve parlementaire. Ces informations vous ont-elles satisfait ?

Avec la modification de la loi organique [du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique, NdlR], il y a eu un effort de transparence. Pour autant, accéder aux informations pose encore problème : on ne nous dit pas précisément comment sont subventionnées les associations, même sous injonction des juges. Par ailleurs, les dérives n’ont pas disparu : on voit encore des associations présidées par des membres de la famille de parlementaires, quand ce ne sont pas eux-mêmes qui les président et bénéficient de cette manne, ou par des proches. Ensuite, en matière de démocratie locale, cette réserve permet d’arroser, avec des associations ou des collectivités. Et le problème est double quand il s’agit des sénateurs, élus par les grands électeurs. Alors, oui, il y a eu un effort, mais ça ne suffit pas.

Le Lanceur: Autre évolution, les montants attribués sont maintenant déterminés préalablement (130.000 euros pour un parlementaire de base, autour de 160.000 pour un sénateur), alors que ce système d’initiés reposait autrefois sur le poids politique de chacun… Estimez-vous que cette façon de financer ses bonnes œuvres avec l’argent public a tout de même été moralisée ?

Il faut voir les choses en face : dans la réalité, les parlementaires se sont partagé les parts d’un gâteau que rien ne prévoit, du point de vue de la loi. Sur le fond, ils étaient surtout inquiets de ne plus avoir autant de gâteau qu’avant, au lieu de se poser la question de savoir si c’est à eux de distribuer ou pas cet argent. C’est dramatique.

Les articles 54 et 57 de la loi organique de finances [LOLF] sont les seuls articles à faire référence à la réserve parlementaire. Ce texte post-Cahuzac sur la transparence de la vie publique précise qu’il doit y avoir un tableau dans la loi de règlement. Le Gouvernement est tenu de préciser qui a distribué quoi, et à qui. Maintenant, il va bien falloir se poser un jour les bonnes questions.

Le Lanceur: Posons-les. Dans ce qui a été publié il y a quelques jours, quels cas vous ont particulièrement choqué ?

Je n’ai pas envie de répondre, pour ne pas nourrir ce qui relève d’une opération de com… Je ne comprends pas comment on arrive en France à tolérer des pratiques qui ne devraient pas exister. Dans un référé de 2014, la Cour des comptes dit clairement que ces subventions coûtent très cher à l’État, à cause des circuits empruntés par cet argent public. C’est énorme : plus de 500 euros pour leur seule gestion par dossier. La Cour a réalisé un sondage, mettant en cause la responsabilité des ministres et des préfectures, parce que ce sont eux qui signent et qui ont laissé faire… Il y a une sorte de bulle créée, qui se dégonfle au moment des élections.

Le Lanceur: Cette bulle, que contient-elle ?

Sur 550 cas étudiés par la Cour des comptes, 40 % de ces subventions n’auraient pas dû passer. Ces demandes ne comportaient pas les documents nécessaires, ou elles n’avaient pas de rapport avec l’objet des subventions d’État. Dans le lot, certaines sont totalement légitimes, quand il s’agit de soutenir l’action d’associations d’intérêt général comme les Restos du Cœur, ou quand une commune a subi des catastrophes naturelles [au titre de la solidarité nationale]. Rien à redire dans ce cas. En revanche, quand une municipalité comme Le Perreux en profite pour gonfler son budget et construire des routes, ce n’est pas normal. Avec cette voie discrétionnaire, chacun fait un peu ce qu’il veut. Aider une commune parce que certaines personnes sont proches du pouvoir, ce n’est pas le rôle de l’État.

Les journalistes attachent plus d’importance aux communiqués de l’Assemblée et du Sénat qu’à ce que nous affirmons, sur une pratique qui n’a aucune existence légale. Ce faisant, ils font exister localement des élus nationaux qui ne représentent pas une circonscription mais l’ensemble de la nation”

Le Lanceur: Vous qualifiez d’opération de communication la publication par les assemblées de l’usage de la réserve… Pourriez-vous développer ?

Les journalistes attachent plus d’importance aux communiqués de l’Assemblée et du Sénat qu’à ce que nous affirmons, sur une pratique qui n’a aucune existence légale. Ce faisant, ils font exister localement des élus nationaux qui ne représentent pas une circonscription mais l’ensemble de la nation. Résultat, on communique et on se fait mousser avec des articles dans lesquels on lit que tel sénateur ou tel député a mis la main à la poche de sa réserve, pour des subventions d’État dont ils n’ont pas à décider.

Le Lanceur: De votre point de vue, la réserve – parce qu’elle favorise le clientélisme – devrait être purement et simplement supprimée…

Chacun doit se recentrer sur ses missions, au nom de la séparation des pouvoirs : que les ministères octroient des subventions relève de leurs prérogatives. Ce n’est pas aux parlementaires de les flécher, ils n’ont pas été élus pour ça. Cette pratique a poussé l’État à subventionner des choses qui ne rentrent pas dans ses attributions. Qu’on accepte encore ce passe-droit, qui méconnaît la Constitution, est impensable. Les parlementaires ont trois missions : voter la loi, contrôler le gouvernement et évaluer les politiques publiques. Qu’ils en restent là.

Le Lanceur: Il est donc trop tôt pour décréter ce dossier de la réserve classé ?

Actuellement, nous sommes en contentieux avec le ministère des Finances. Le 21 janvier 2015, nous avons obtenu une décision de la justice obligeant Bercy à nous fournir l’ensemble des subventions de 2012 attribuées via la réserve parlementaire par ce ministère. Depuis, on ne nous a toujours pas fourni ces éléments… Nous sommes obligés de prendre attache avec le juge pour demander que cette décision qui condamne le ministère soit mise à exécution !

Le Lanceur: Comment expliquez-vous cette rétention manifeste de Bercy ?

bercy2Je ne l’explique pas. À chaque fois, le ministère s’arrange pour répondre au terme des délais, ou donner un petit bout d’information, et nous faire patienter. C’est incompréhensible qu’en 2016 on n’ait pas un accès direct et simple à l’utilisation de l’argent de l’État. Plus généralement, on ne s’arrêtera pas tant que cette pratique n’aura pas été supprimée. Les passe-droits et les pistons, ce n’est pas tolérable dans une république démocratique digne de ce nom !

Qu’un parlementaire mange est normal, mais ce n’est pas parce qu’on est parlementaire qu’on mange plus”

Le Lanceur: Après la réserve, vous vous attaquez à un autre de ces petits avantages que les parlementaires s’octroient en toute discrétion : l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM)…

Oui, il y a beaucoup de choses à en dire. L’IRFM est versée aux parlementaires alors que les assemblées prennent déjà en charge le paiement des assistants, les frais de déplacement, l’hébergement à Paris… En plus, on verse cette somme d’environ 6 000 euros. Pour quoi faire ? On se pose la question. On peut comprendre qu’il y ait un poste pour disposer d’une permanence parlementaire. En revanche, qu’un parlementaire mange comme tout le monde est normal, mais ce n’est pas parce qu’on est parlementaire qu’on mange plus. Qu’il s’habille correctement, aussi… On peut admettre l’achat d’un costume neuf tous les deux ans – ça paraît raisonnable comparé à d’autres métiers, comme ceux de la finance ou de la vente. Et ensuite ? Comment peut-on dépenser 6 000 euros par mois en costume ou en coiffeur ?

Le Lanceur: Quel circuit emprunte cet argent ? Il s’agit donc de dépenses personnelles…

Oui, cet argent a très certainement servi à des dépenses personnelles. Elles sont compliquées à tracer parce que les assemblées le versent sans aucun contrôle. On parle ici d’enrichissement personnel, notamment par le remboursement d’achat des permanences. Ce n’est qu’une petite partie de l’iceberg qu’on voit dépasser.

Le Lanceur: Là encore, vous constatez le même déni de la représentation nationale ?

On peut se référer à ce que Bernard Roman, une des personnes les plus à même de savoir à quoi sert cet argent, a expliqué au micro d’un journaliste de LCP. Le premier questeur de l’Assemblée nationale a dit que l’IRFM ne devait plus servir à rembourser l’achat d’une permanence ou d’une résidence dans la circonscription, ou un studio à Paris. J’en conclus que ça a effectivement servi à ça. Les députés sur lesquels notre enquête a porté ont financé ces achats par un prêt consenti par l’Assemblée nationale, qui couvrait non seulement l’achat mais aussi les frais de notaire. Résultat, en remboursant avec leur IRFM, ils sont devenus propriétaires d’un bien immobilier sans sortir un seul sou de leur poche !

Le Lanceur: Vous vous apprêtez à publier de nouveaux éléments sur le sujet…

Les décisions des assemblées n’ont pas été à la hauteur de ce que nous dénoncions dans un premier rapport. D’ici quelques jours, nous allons sortir un petit guide pour expliquer comment les parlementaires peuvent utiliser leur IRFM. Quand on a posé le problème, le Sénat a donné un an aux parlementaires pour arrêter ce système. De son côté, l’Assemblée nationale a fait inscrire à son règlement le fait que ceux qui remboursent déjà ces achats pourront continuer à le faire… Je ne comprends pas cette logique : soit c’est un mécanisme anormal et il faut arrêter tout de suite, soit c’est quelque chose de parfaitement normal ! Ces institutions n’ont fait que colmater les brèches, faisant croire que le problème était résolu. Dans la pratique, rien n’est transparent, il n’y a toujours aucun contrôle, et celui qui veut continuer peut le faire.

Le Lanceur: Vous posez la question de potentielles prises illégales d’intérêts…

On a soulevé le problème de la légalité l’année dernière. En face, on a entendu des gens qui sont à la fois juges et parties : M. Dosière [député PS de l’Aisne], qui passe un peu pour le chevalier blanc, est sorti dans tous les médias pour expliquer que la pratique de l’IRFM ne souffrait aucune critique. Nous nous sommes renseignés. À ce stade, nous n’avons pas validé cette interprétation. Mais la question se posera certainement un jour, et ce ne sera pas à un parlementaire d’y répondre. C’est au juge de le faire, à personne d’autre.

Le Lanceur: La République française et ses mécaniques opaques, telles que vous les avez découvertes, est-elle moins vertueuse que les autres grandes démocraties ?

Elle est perfectible, en tout cas. À chaque fois que nous soulevons un caillou, on trouve un cadavre. Que des gens essaient d’abuser de leur pouvoir à des fins personnelles ou pas, ce n’est pas normal, mais on peut comprendre que ça existe. En revanche, que les institutions ne réagissent pas pose un vrai problème. Quand on observe certaines démocraties anglo-saxonnes ou du nord de l’Europe, avec une séparation des pouvoirs réellement mise en pratique, on constate que nous avons des choses à apprendre. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé en Angleterre en 2009 [Hervé Lebreton fait ici référence au scandale des notes de frais des parlementaires] : ça s’est terminé avec 250 parlementaires auditionnés, certains ont été en prison, et chaque citoyen anglais peut désormais savoir ce que font les parlementaires.

En France, on est dans une tout autre situation : ici, nos élus se moquent d’avoir des comptes à rendre, ou alors les citoyens ne s’y intéressent pas. Dans les faits, le pouvoir ne veut pas se réformer, voilà le constat.

Le Lanceur: On imagine volontiers la façon dont votre propos est reçu…

Oui, dès qu’on dit quelque chose, on est traité de poujadiste, de populiste. Le discours est encore une fois bien rodé, pour décrédibiliser les lanceurs d’alerte. Mais ce n’est pas moi, parce que je pointe du doigt certaines dérives, qui suis responsable de cette situation et donc qui fais monter les extrémistes. Ce discours est trop facile. Oui, il y a des élus qui profitent de leur mandat.

Maintenant, plutôt que crier “tous pourris”, il faut prendre des décisions pour éviter que ces choses ne se reproduisent. Face à nous, il y a deux options : soit on continue de creuser le fossé, et chacun fait ses affaires de son côté, soit on essaie de combler ce fossé. Il faut que des gens fassent avancer les choses, et le faire sans concession.

Le Lanceur: Un mot enfin sur les revenus de Xavier Bertrand, qui font polémique depuis quelques jours. Le président du conseil régional des Hauts-de-France justifie l’augmentation qu’il s’accorde (1) par la perte de l’IRFM, dont il ne bénéficie plus…

J’ai regardé cette histoire. Qu’on mette l’IRFM dans les revenus dont cet élu disposait avant [i.e. avant que Xavier Bertrand ne démissionne de son mandat de député], c’est énorme. Une fois encore, on est sur cette limite pas très claire entre intérêt privé et public. On fait comme s’il s’agissait d’argent de poche du parlementaire, alors que cette enveloppe est destinée à couvrir des frais qui ne le sont pas encore par les assemblées. C’est ce qui me choque le plus. Clairement, ça montre la façon dont les parlementaires considèrent cet argent. Pour conclure, M. Bertrand ne dit pas pourquoi il s’est augmenté. Quand il explique que ce n’est pas pour gagner de l’argent, parce que autrement il ferait autre chose que la politique, c’est très gros. Cette augmentation a bien été proposée par quelqu’un…

1. L’affaire a été révélée par nos confrères de La Voix du Nord, avant de rebondir sur Europe 1.

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La salle des Conférences du Sénat

L’argent des parlementaires
Députés : 12 870 € bruts par mois
Sénateurs : 14 940 € bruts par mois

Dans le détail– Indemnité parlementaire (calculée à partir de 3 indemnités, de base, de fonction et de résidence) : 7 100,15 € bruts pour les parlementaires de base– Indemnité représentative de frais de mandat (non imposable) : 5 770 € bruts pour les députés, 7 840 € bruts pour les sénateurs.

À noter que les parlementaires jouissent d’une fiscalité extrêmement avantageuse, qualifiée parfois de “paradis fiscal”. Pour commencer, une part importante de leurs indemnités échappe à l’impôt : c’est le cas pour l’IRFM et l’indemnité de fonction, non imposables. Un petit cadeau de 7 190 euros pour les députés et de 9 260 euros pour les sénateurs. Par ailleurs, ils paient moins d’impôts que le commun des mortels : le montant de leur impôt est en effet calculé indemnité par indemnité, une astuce qui leur permet de rester à un seuil inférieur par rapport à la tranche dont ils dépendraient en cas de calcul cumulé.

Autres avantages

– Enveloppe collaborateurs : 9 504 € bruts pour les députés, 7 548,10 € pour les sénateurs

– Prise en charge des frais de transport (train, taxi, avion)

S’enrichir au Parlement

Dans un rapport rédigé après avoir mené l’enquête, l’association Pour une démocratie directe décrit comment certains parlementaires s’enrichissent au cours de leur mandat.

Voici par exemple le cas éloquent d’un maire élu député en 2002 :

– En 2003, notre homme fait l’acquisition d’une permanence parlementaire, d’une valeur de 126 380 euros. Un achat qu’il finance sans aucun apport personnel. En effet, l’Assemblée nationale lui consent un prêt qui couvre à la fois le prix d’achat dans sa totalité et les frais de notaire. Dans le détail, elle lui prête une première somme de 113 742 euros, puis une seconde de 22 748 euros, à 2 % sur 10 ans (soit 108 % du prix d’achat).

– Pendant huit ans, grâce à l’argent de l’IRFM, l’heureux député-maire va pouvoir rembourser directement son prêt et/ou se payer un loyer. Sur la base d’un loyer de 1 500 euros, le bien est quasiment entièrement remboursé au bout de cette période.

– En 2011, l’élu revend sa permanence. Résultat, un enrichissement personnel de 165 000 euros, prix de la revente. Mieux, comme le pointe l’association, cet argent prêté par l’Assemblée au taux très avantageux de 2 % a en réalité été emprunté par l’État pour la même durée à… 4,12 %. On le voit, l’opération se révèle gagnante sur toute la ligne pour monsieur le député-maire, sur le compte de l’argent public.

La combine est tellement bonne que le même a remis le couvert en avril 2013, en s’offrant une nouvelle permanence parlementaire de 190 000 euros !

Autre exemple, un de ses collègues, également député-maire, s’est offert une résidence dans sa circonscription en septembre 2009, deux ans après son entrée au palais Bourbon :

– Pour financer cet achat de 215 000 euros, l’Assemblée lui consent un prêt couvrant 116 % du prix d’achat, à un taux de 2 % sur 10 ans. Le bien est revendu en 2011. L’opération se révèle admirablement profitable pour l’élu : 295 000 euros, soit une superbe plus-value de 80 000 euros sur seulement deux ans – et ce sans même compter sur le remboursement grâce à l’argent de l’IRFM !

– Dans la foulée, l’édile acquiert une autre résidence, dont le prix de vente est fixé à 250 000 euros. Cette fois, le prêt consenti par la très généreuse Assemblée (toujours à 2 %, sur 8 ans) ne couvre que 84 % du prix d’achat. Mais heureusement l’IRFM et l’argent encaissé sur la revente du premier bien le dispensent de sortir de moindre euro…

Évidemment, comme dans le cas précédent, l’État a chaque fois emprunté à des taux supérieurs à ceux qui lui ont été consentis (3,62 % en septembre 2009 et 2,5 % en septembre 2011).

À travers ces deux exemples, on voit combien la position de parlementaire est mise à profit par certains, qui utilisent toutes les ficelles (taux extrêmement bas, frais de dossier inexistants, financement total du projet, avance de trésorerie…) pour se constituer un patrimoine entièrement offert sur le compte de l’argent public.

Sur la base de son travail d’enquête, l’association Pour une démocratie directe peut notamment constater que 24,4 % des députés sont propriétaires de leur permanence en circonscription et que 17,3 % d’entre eux ont acheté une résidence secondaire dans leur circonscription avec l’argent de l’Assemblée nationale…

SOURCE: http://www.lelanceur.fr/herve-lebreton-un-homme-sort-de-la-reserve-parlementaire/

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24 mars 2016  Par Olivier-Jourdan Roulot

Révélations – En Paca, le tourisme pèse lourd, normal qu’il paie son principal promoteur en retour. D’autant que Bruno James, directeur du comité régional de tourisme, s’est taillé une situation sur mesure : augmentation turbo, avantages variés, golden parachute, rien n’est trop beau pour saluer l’inestimable talent de ce fidèle de l’ex-président du conseil régional. En toute discrétion, jusqu’à… planquer des pièces quand l’Inspection générale des services débarque !

Après la respiration démocratique, l’action : au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, la nouvelle mandature regroupée autour du LR Christian Estrosi peut compter sur plusieurs organismes associés pour appliquer son programme. Parmi ceux-ci, le comité régional de tourisme (CRT), désormais présidé par le Marseillais Renaud Muselier.

L’objet de cette association, déclarée le 26 février 1988 et régie par la loi du 3 janvier 1987, précise son champ d’intervention : “assurer la préparation et la mise en œuvre des actions de promotion touristique”, “élaborer le schéma régional de développement du tourisme et des loisirs” et “assurer la mise en œuvre de la politique du tourisme”.

408 981 euros pour “risque structurel”…

Ce vendredi 25 mars 2016, le CRT réunit son conseil d’administration à 9h30, au Club du Vieux-Port. À l’ordre du jour de la séance, l’élection du bureau, la mise en place de la commission des marchés ou encore un futur déménagement dans de nouveaux locaux. Mais également l’adoption des comptes 2015 et du budget prévisionnel 2016. Les participants sont notamment invités à approuver une provision de 408 981 euros pour “risque structurel”. Gageons que les administrateurs seront curieux de découvrir ce que cache cette mystérieuse ligne budgétaire… Pour comprendre, un bond de quelques années en arrière s’impose.

Tout démarre le 30 avril 2009. Ce jour-là, Jean-Marc Coppola appose sa signature au bas d’un document qui porte les armes de la région Paca en en-tête. Allié de premier plan de Michel Vauzelle au sein de la majorité de la gauche plurielle, le vice-président communiste de l’assemblée régionale a également hérité de la présidence du comité régional de tourisme. Ce 30 avril 2009, un second paraphe noircit la feuille blanche à côté de celui de l’élu : Bruno James est officiellement directeur général du CRT. Il vient de signer son contrat de travail.

Un bon petit soldat

Avant de s’improviser expert du tourisme, James a longtemps dirigé la communication du conseil régional, où il a fini au grade de directeur général adjoint, et le service des moyens généraux. Arrivé au conseil régional dans les bagages de Michel Vauzelle, il est un très proche de l’ancien maire d’Arles.

Membre de la garde rapprochée de celui qui fut le premier porte-parole de Mitterrand, il a été pendant une double décennie de toutes ses campagnes électorales. Il était le grand ordonnateur des meetings, réglant le bal de ces grandmesses dans lesquelles son grand homme faisait apprécier ses talents oratoires d’homme de gauche. Un entrain exercé avec le désintéressement du militant, puisque non rémunéré. À croire que son salaire au conseil régional suffisait amplement à ses besoins, ou que cet incontestable dévouement justifie sa superbe carrière.

La rémunération du nouvel homme fort du tourisme provençal est fixée à 9 423,04 euros mensuels. Elle tient compte de la situation antérieure de James au conseil régional. Le contrat prévoit également une majoration d’indemnité de résidence (3 % du salaire brut de base), la mise à disposition d’un véhicule de fonction ou encore d’un téléphone mobile.

En dépit d’un traitement qui en ferait saliver plus d’un, le directeur du CRT estime ses qualités insuffisamment reconnues. Par chance, ses employeurs partagent cette très haute opinion de leur salarié. Le 8 septembre 2009, quatre mois après la signature du CDI, un avenant réévalue sa rémunération. Nettement : désormais, il percevra 11 832,94 euros bruts par mois.

À ce tarif, James peut donner la pleine mesure de son talent et de son professionnalisme. Il va avoir l’occasion de l’exprimer.

Rémunération sous “observations”

Trois ans se sont écoulés quand on frappe à la porte du comité régional de tourisme. Au numéro 61 de la Canebière, en ce mois d’octobre 2012, personne n’est surpris. Bien élevés, les visiteurs ont prévenu de leur passage. Depuis plusieurs mois. Pierre Meffre (nouveau président, en remplacement de Coppola) a reçu le 16 décembre 2011 un courrier l’en informant. Dans une lettre recommandée du 2 octobre 2012, la patronne de l’Inspection générale des services, qui vient contrôler la gestion du CRT, a ensuite listé les éléments à produire.

Cinq jours durant, les 17, 18, 19, 22 et 29 octobre 2012, Bruno James est aux petits soins avec les fonctionnaires, qu’il guide et accompagne dans ses locaux. Une disponibilité qui lui vaudra en retour des remerciements très urbains des visiteurs.

Mais, si on est entre gens civilisés, le boulot reste le boulot. Et une inspection… une inspection. Forcément, les limiers de l’IGS ne manquent pas de saluer le traitement dont le directeur bénéficie : “une augmentation très conséquente de près de 30 % (28,43 %) de sa rémunération, avantages en nature inclus” (comparée à son dernier salaire au conseil régional), notent-ils. On ne saurait mieux dire.

À la lecture de leur rapport définitif, rendu le 17 avril 2013, on apprend que cette belle générosité est censée compenser la perte du logement de fonction dont l’intéressé bénéficiait. Une justification (du CRT) contestée par les contrôleurs, qui concluent sur cette sentence : “La politique de rémunération fait l’objet d’observations.”

Les petites cachotteries du directeur

Rapport IGS CRT Paca 2008-2012On le voit, le travail des visiteurs d’octobre se veut sans compromission. C’est sans doute pour cette raison que la page de garde de leur rapport est barrée de la mention “Confidentiel”. L’audit est également réputé complet. “L’association (…) a présenté l’ensemble des documents réclamés dans le cadre du présent contrôle”, se félicitent les rédacteurs en page 14. Et de préciser, pour la liste des “documents présentés” : “les contrats de travail et leurs avenants, les curriculum vitæ, les notes de frais, les avantages en nature”… Pourtant, en dépit de ce satisfecit, les inspecteurs ont manqué une information détonnante, qu’ils auraient sans doute appréciée à condition d’en avoir été… informés.

Quelques semaines plus tôt, Bruno James a fait ajouter un nouvel avenant – une obsession… – à son contrat de travail. Cette fois, l’affaire est réglée sur deux pages, et le logo de la région Paca apparaît en petit, en bas à gauche. Cet avenant n° 2 propulse monsieur le directeur général dans une nouvelle dimension. Digne des entreprises du grand capital, puisqu’il s’est fait tailler sur mesure un superbe parachute doré. Le document, dont nous disposons d’une copie, distingue deux cas de figure : en cas de licenciement “à compter de 3 ans d’ancienneté” (autrement dit au moment de la signature de l’avenant), Bruno James touchera “dix-huit fois le montant de la moyenne des salaires bruts perçus depuis l’embauche y compris les gratifications annuelles”. Et, au-delà de “5 ans d’ancienneté”, ce sera “vingt-quatre fois le montant de la moyenne des salaires bruts perçus depuis l’embauche y compris les gratifications annuelles”.

Très généreuse, la clause a de quoi rendre jaloux les fonctionnaires les mieux notés, le droit des collectivités ne prévoyant aucun dispositif de ce type pour ses serviteurs. Il est vrai que les employés du CRT disposent de contrats de droit privé. À cette réserve près – elle est de taille – que le financement quasi exclusif de l’organisme par de l’argent public impose un parallélisme des formes dans la politique salariale et la gestion des ressources humaines.

Un directeur très capital

Les deux signataires (James et Meffre, son président) sont parfaitement conscients de l’exorbitance de cet avantage, puisque le document précise qu’il “se substitue aux indemnités de même nature prévues par la convention collective des organismes de tourisme applicable”. Le contrat d’embauche initial ne prévoyait d’ailleurs qu’une “indemnité correspondant à 12 mensualités calculées sur la base de son dernier mois de salaire ou sur la moyenne des six derniers mois de salaires bruts si celle-ci est plus avantageuse”. Une misère, donc, sur laquelle les fonctionnaires de l’IGS n’auront pas pu se prononcer. Regrettable, évidemment. Guère partageur, Bruno James a fait le nécessaire pour protéger son mirobolant parachute doré.

Les contrôleurs partis contrôler ailleurs, reste un dernier obstacle : pour toucher le pactole le moment venu, monsieur le directeur général doit en faire valider le principe par son conseil d’administration. L’alerte étant passée près, il va dans un premier temps laisser dormir son précieux avenant dans un tiroir fermé à double tour. On n’est jamais trop prudent.

Le premier mais le dernier…

Au bout de vingt-six mois, l’occasion se présente enfin : le 12 février 2015, les administrateurs se retrouvent au siège de l’association après déjeuner. À peine installés, on leur remet quatre pages consacrées aux “questions administratives et financières”, qu’on s’est bien gardé de communiquer en amont. Cette fois, il s’agit d’approuver “la nouvelle rédaction des contrats de travail” des salariés. Une curiosité, puisque le CA n’a en principe à connaître de contrat que celui de son directeur…

Dans le document présenté, les avantages de chaque agent sont listés. Logiquement, on démarre par le haut de la hiérarchie : d’abord le secrétaire général, puis le directeur du marketing, et ainsi de suite. Étonnamment, le cas de Bruno James ne vient qu’à la fin, après les secrétaires et agents de service. Mais l’essentiel est ailleurs : le conseil d’administration valide enfin le beau parachute doré. Dans l’affaire, le plus drôle reste la justification de cette tartuferie : cette inédite validation des contrats a été proposée pour se mettre en conformité avec… les recommandations de l’IGS. Du très grand art, on le voit.

Découvrir la façon dont une association financée quasi exclusivement par la région a assuré le train de vie d’un proche de Michel Vauzelle, au prix de curieuses acrobaties, a de quoi étonner. Surtout si on a de la mémoire : en 2013, un cinglant rapport de la chambre régionale des comptes avait étrillé la politique associative du conseil régional, qui a servi à nourrir des clientèles électorales pendant des années à coup de subventions. Ces pratiques avaient conduit à la condamnation de Sylvie Andrieux, toujours en 2013.

Le procès de l’ex-vice-présidente de Michel Vauzelle, que nous avions suivi, avait laissé aux observateurs l’étrange sentiment que la députée PS avait servi de lampiste pour solder un système qui ne se réduisait nullement aux égarements d’une brebis isolée. À l’époque, son collègue de l’Assemblée nationale était miraculeusement passé entre les gouttes, après avoir été un temps placé sous statut de témoin assisté dans ce dossier d’associations bidon.

L’affaire James rappelle un précédent aux contours similaires : en 2009, le CRT de Bretagne avait été pointé du doigt après des révélations du Canard enchaîné. Nos confrères avaient découvert un parachute doré de 404 000 euros accordé au directeur de l’établissement pour lui faire avaler son licenciement – après vingt-neuf ans de service, tout de même.

Au final, le régisseur préféré de Michel Vauzelle a bien mené sa barque. Récapitulons : des conditions salariales dignes du privé, des documents volontairement cachés à l’Inspection générale des services, un golden parachute validé en sourdine des années après sa signature… En période d’austérité, alors que l’argent public fait défaut, que les dotations de l’État aux collectivités se réduisent drastiquement et que le projet de loi El Khomri envisageait de plafonner les indemnités prud’homales à 15 mois, l’histoire prend un relief singulier… Pendant plus de deux ans, James aura patienté pour que son parachute doré soit validé, prêt à servir en temps utile. Le temps utile, en cette année 2016, l’intéressé semble l’estimer venu, après le changement de majorité à la tête du conseil régional Paca.

En Provence, les marins le savent, naviguer c’est prévoir le sens du vent. En bon gestionnaire, Bruno James a tout prévu : c’est lui qui a fait provisionner les fameux 408 981 euros de “risque structurel” inscrits au budget prévisionnel. On a compris pour quel usage.

Et pour quelles poches.

http://www.lelanceur.fr/paca-lextravagant-parachute-dore-de-lhomme-de-main-de-vauzelle/

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De bons clients pour la télé

Marseille / Affaires / 26 septembre 2015 / Olivier-Jourdan Roulot

Dans Marseille, le jeu du clientélisme, Xavier Monnier tire les cartes de la politique telle qu’on la pratique sur les rives du Vieux-Port. Le journaliste ausculte un système qui a fait du service rendu et de la gestion de micro-clientèles le pilier du jeu démocratique dans la seconde ville de France. Après le livre (Marseille, ma ville, sorti en 2013 aux Arènes), voici le film (à revoir en replay). En attendant le procès.

Au départ, l’affaire semblait mal engagée : commencer un tournage avant d’avoir signé avec un diffuseur reste le plus sûr moyen de se retrouver planté à la sortie, des heures de rush sur les bras. Les producteurs le savent, c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. En France d’ailleurs, perversion du système, les boîtes de prod ont tellement bien assimilé la leçon qu’elles portent (très) mal leur nom. Avant de décrocher le graal, elles ne prennent aucun risque, se contentant de débarquer chez les directeurs de programme pleins de projets (sur lesquels elles n’ont pas misé un kopeck) dans la sacoche, en attendant que, dans le lot, la chaîne finisse par en retenir un. Ensuite, il sera temps de jouer les producteurs, sans avoir investi en amont. Mais bon, c’est un autre sujet…

LIRE: https://medium.com/@oroulot/de-bons-clients-f8ed828b313b

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Corse / terrorisme / 24 mai 2015 / Olivier-Jourdan Roulot

Olivier-Jourdan Roulot

Le procès Orsoni en relâche à Aix (we oblige), petit retour dans le passé avec cet article consacré à une vieille connaissance d’Alain Orsoni, que j’ai publié en 2011 à l’occasion de l’anniversaire des dix ans de son assassinat… Son nom ?

François Santoni, dit l’Iguane, ancien patron du FLNC et rival du « bel Alain ».

¶ C’est un peu comme s’il n’avait jamais existé. Ou comme si on avait jeté un voile pudique sur l’histoire : celle mouvementée et troublée d’un chef de guerre qui a longtemps…

LIRE la suite: https://medium.com/@oroulot/on-l-appelait-l-iguane-a75dd773b5ee

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Edition / polar / 10 mai 2015 / Olivier-Jourdan Roulot

Ce samedi, à Marseille, le grand James Ellroy portait un blazer bleu et des tennis blanches. Je l’ai rencontré en petit comité, l’auteur de L.A Confidential étant en tournée pour la sortie de son 14ème roman. L’occasion de l’entendre évoquer un certain… Bruno Mégret.

Stéphane Ravier, les idées fixes
par Olivier-Jourdan Roulot
29 avril 2015

Il est le héros d’un documentaire diffusé jeudi sur France 3. Devenu un notable de la République, le sénateur-maire FN des 13 et 14èmes arrondissements de Marseille n’en a pas pour autant édulcoré son discours. Bien au contraire.

Le secrétaire départemental du FN dans les Bouches-du-Rhône, terre de mission pour le parti lepéniste (photo OJR)

Officiellement, il n’aime pas l’image que les médias renvoient de lui. Celle d’un dur, d’un extrémiste. « L’image d’un malade mental, m’a-t-il un jour soufflé sans détours, yeux dans les yeux. Pourtant je n’ai pas d’uniforme, je ne suis pas botté ni casqué ». Le tout conclu dans un grand rire. Car Stéphane Ravier aime rire. Et en ce moment il ne s’en prive pas.

De botte et de casque, le patron du FN à Marseille — rôle qu’un Gilbert Collard lui a un temps contesté, avant de s’en retourner bronzer dans son mas gardois — n’en a pas besoin pour dérouler publiquement un discours ….Lire la suite sur https://medium.com/@oroulot/st%C3%A9phane-ravier-les-id%C3%A9es-fixes-95a1b413e95c

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Le défenseur brésilien Hilton avait été traumatisé par son agression (illustrations E. Desbouiges)

Justice / OM / 13 avril 2015 / Olivier-Jourdan Roulot

Pendant des mois, la multiplication des home-jacking avait créé une psychose dans les rangs de l’OM, jusqu’à émouvoir au plus haut sommet de l’Etat et provoquer le départ de stars de l’équipe. Le procès de 5 « visiteurs » vient de s’ouvrir devant la cour d’assises.

De foutus souvenirs. L’histoire qui remonte à la surface, tout le monde voudrait l’oublier à l’Olympique de Marseille. Comme si elle n’avait jamais existé, tant ces évènements extra-sportifs ont perturbé la vie du club : entre janvier 2010 et février 2012, une succession d’agressions violentes met les services de police sur les dents. Pour l’OM, cette série noire est la pire des publicités. Ces attaques répétées ont de quoi effrayer plus d’une recrue potentielle d’une entreprise déjà déclassée sur le plan économique, face aux géants continentaux du football business.

LIRE sur: https://medium.com/@oroulot/l-om-et-les-visiteurs-du-soir-8910fc83eb2

Journaliste entre deux portes, pour regarder de l’autre côté du miroir, en coulisses

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Guérini/Zéribi, Zéribi/Guérini… Deux noms qui incarnent chacun à leur façon ce système clientéliste à bout de souffle dont socialistes et affidés du président du conseil général des Bouches du Rhône s’étaient tous fait une spécialité, pour gérer leurs petits électorats.

Fin d’une époque ?

Écrit par:

LIRE sur https://medium.com/@oroulot/gu%C3%A9rini-plus-dure-est-la-chute-f78404aee219

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