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Un entretien passionnant du Saker avec Paul Craig Roberts : au menu les groupes d’intérêt privés qui détiennent le pouvoir réel aux Etats-Unis (ce que Peter Scott Dale a appelé l’Etat profond) et surtout le risque, aujourd’hui extrême, d’un conflit nucléaire en Europe et au-delà… 

 paul craig roberts

« Il y a longtemps déjà que j’avais envie d’interviewer Paul Craig Roberts. J’ai suivi ses articles et ses https://olivierdemeulenaere.files.wordpress.com/2015/03/saker-falcon-drawing.jpginterviews pendant de nombreuses années et chaque fois que je lisais ce qu’il avait à dire, j’espérais avoir un jour le privilège de l’interviewer sur la nature de l’État profond états-unien et l’Empire. Récemment, je lui ai envoyé un message et je lui ai demandé une interview, ce qu’il a très aimablement accepté. Je lui en suis vraiment reconnaissant.

The Saker

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The Saker :  Il est devenu assez évident pour de nombreuses personnes, sinon pour la plupart, que les États-Unis ne sont pas une démocratie ou une république, mais plutôt une ploutocratie dirigée par une petite élite que certains nomment le 1%.  D’autres parlent de l’État profond. Ma première question est donc la suivante : pourriez-vous s’il vous plaît prendre le temps d’évaluer l’influence et le pouvoir de chacune des entités suivantes, l’une après l’autre. En particulier, pouvez-vous spécifier pour chacune d’elles si elle occupe une position dominante en termes de prises de décision, ou une position moyenne dans la mise en œuvre des décisions dans la structure réelle du pouvoir (elles sont répertoriées sans ordre particulier).

  • Réserve fédérale
  • Grandes institutions bancaires
  • Bilderberg
  • Council on Foreign Relations [Conseil des relations internationales]
  • Skull & Bones [Société secrète de l’université de Yale, NdT]
  • CIA
  • Goldman Sachs et grandes banques
  • Les 100 familles (Rothschild, Rockefeller, famille royale néerlandaise, famille royale britannique, etc.)
  • Lobby israélien
  • Francs-maçons et leurs loges
  • Grandes entreprises: grandes sociétés pétrolières, complexe militaro-industriel, etc.
  • D’autres gens ou organisations non cités ci-dessus?

Qui, quel groupe, quelle entité estimez-vous être vraiment au sommet du pouvoir dans le régime politique actuel aux États-Unis ?

Paul Craig Roberts : Les États-Unis sont gouvernés par des groupes d’intérêts privés et par l’idéologie néoconservatrice qui affirme que l’Histoire a choisi les États-Unis comme le pays exceptionnel et indispensable, qui a le droit et la responsabilité d’imposer sa volonté au monde.

A mon avis, les plus puissants des groupes d’intérêts privés sont :

  • Le complexe militaro-sécuritaire
  • Les 4 ou 5 banques gigantesques, trop grandes pour faire faillite, et Wall Street
  • Le lobby israélien
  • L’agrobusiness
  • Les industries d’extraction (pétrole, mines, bois).

Les intérêts de ces groupes coïncident avec ceux des néoconservateurs. L’idéologie néoconservatrice soutient l’impérialisme financier et militaro-politique, ou son hégémonie.

Il n’y a pas de presse américaine, écrite ou audiovisuelle, qui soit indépendante. Dans les dernières années du régime Clinton, 90% des médias écrits et audiovisuels étaient concentrés dans six méga-sociétés. Pendant le régime Bush, la radio publique nationale a perdu son indépendance. Donc les médias fonctionnent comme un ministère de la Propagande.

Les deux partis politiques, les Républicains et les Démocrates, dépendent des mêmes groupes d’intérêts pour leurs fonds de campagne, donc les deux partis dansent pour le même maître.  La délocalisation des emplois a détruit les syndicats et privé les Démocrates des contributions politiques des organisations syndicales. A l’époque, les Démocrates représentaient les travailleurs et les Républicains les patrons d’entreprises.

La Réserve fédérale est là pour les banques, principalement les grandes. La Réserve fédérale a été créée pour être le prêteur de dernier recours destiné à empêcher que les banques ne fassent faillite à cause d’une ruée aux guichets pour retirer les dépôts. La Fed de New York, qui effectue les interventions financières, a un conseil d’administration constitué des dirigeants des grandes banques. Les trois derniers présidents de la Réserve fédérale étaient des juifs, et l’actuel président est l’ancien directeur de la Banque centrale israélienne. Les juifs sont importants dans le secteur financier, par exemple Goldman Sachs.  Ces dernières années, les secrétaires du Trésor américain et les chefs des agences de régulation financière ont principalement été les cadres bancaires responsables de la fraude et de l’endettement excessif qui a déclenché la dernière crise financière.

Au XXIe siècle, la Réserve fédérale et le Trésor n’ont servi que les intérêts des grandes banques. Cela s’est fait au détriment de l’économie et de la population. Par exemple, les retraités ne touchent aucun intérêt pendant huit ans pour que les institutions financières puissent emprunter sans frais et faire de l’argent.

Peu importe la richesse de certaines familles, elles ne peuvent pas rivaliser avec les groupes d’intérêts puissants, comme le complexe militaro-sécuritaire ou Wall Street et les banques. La richesse établie depuis longtemps peut veiller à ses intérêts et certains, comme les Rockefeller,  ont des fondations activistes qui travaillent très probablement main dans la main avec le National Endowment for Democracy pour financer et encourager diverses organisations non gouvernementales (ONG) pro-américaines dans des pays que les États-Unis veulent influencer ou renverser, comme cela s’est passé en Ukraine. Les ONG sont des cinquièmes colonnes états-uniennes et elles agissent sous des noms comme droits humains, démocratie, etc. Un professeur chinois m’a raconté que la Fondation Rockefeller avait créé une université américaine en Chine et servait à organiser des Chinois opposés au régime. A un moment donné, et peut-être encore, il y avait des centaines d’ONG financées par les États-Unis et l’Allemagne en Russie, peut-être jusqu’à un millier.

Je ne sais pas si les Bilderberg font de même. Il est possible qu’ils soient seulement des gens très riches et qu’ils aient leurs protégés dans des gouvernements qui tentent de défendre leurs intérêts. Je n’ai jamais vu aucun signe des Bilderberg, ou des Mason, ou des Rothschild affectant les décisions du Congrès ou de l’Exécutif.

D’autre part, le Conseil pour les relations étrangères est influent. Ce conseil est formé d’anciens responsables politiques gouvernementaux et d’universitaires impliqués dans la politique étrangère et les relations internationales. La revue du conseil, Foreign Affairs, est le premier forum de politique étrangère. Quelques journalistes en sont aussi membres. Quand j’ai été proposé pour y adhérer, dans les années 1980, j’ai été blackboulé.

Skull & Bones est une société secrète de l’université de Yale. Un certain nombre d’universités ont de telles sociétés. Par exemple, l’université de Virginie en a une, et l’université de Géorgie.  Ces fraternités n’ont pas de places ni de pouvoir gouvernemental. Leur influence se limiterait à l’influence personnelle de leurs membres, qui sont généralement les fils et filles des familles de l’élite. A mon avis, ces fraternités existent pour transmettre ce statut d’élite à leurs membres. Elles n’ont pas de fonctions opérationnelles.

The Saker :  Et les individus ?  Qui sont, selon vous, les gens les plus puissants aux États-Unis aujourd’hui ?  Qui prend la décision stratégique finale, au plus haut niveau ?

Paul Craig Roberts :  Il n’y a en réalité pas de gens puissants en eux-mêmes. Les gens puissants sont ceux qui ont de puissants groupes d’intérêts derrière eux. Depuis que le secrétaire à la Défense a privatisé une grande partie de l’armée en 1991, le complexe militaro-sécuritaire a été extrêmement puissant, et son pouvoir est encore amplifié par sa capacité à financer des campagnes politiques et par le fait que c’est une source d’emploi dans de nombreux États. Les dépenses du Pentagone sont essentiellement contrôlées par des entrepreneurs de la défense.

The Saker :  J’ai toujours cru que, sur le plan international, des organisations comme l’Otan, l’Union européenne ou toutes les autres n’étaient qu’une façade, et que la véritable alliance qui contrôle la planète sont les pays membres du réseau Echelon : États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande, aka AUSCANNZUKUS (ils sont aussi appelés Anglosphère ou les Cinq Yeux), avec les États-Unis et le Royaume-Uni comme partenaires principaux, tandis que le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont les partenaires juniors, ici. Est-ce que ce modèle est correct ?

Paul Craig Roberts : L’Otan était une création des États-Unis prétendument pour protéger l’Europe d’une invasion soviétique. Sa raison d’être a disparu en 1991.  Aujourd’hui, l’Otan offre une couverture à l’agression états-unienne et fournit des mercenaires pour l’Empire américain. La Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie sont de simples États vassaux, tout comme le sont l’Allemagne, la France, l’Italie, le Japon et le reste. Il n’y a pas de partenaires ; seulement des vassaux. C’est l’empire de Washington, et de personne d’autre.

Les États-Unis favorisent l’Union européenne, parce qu’elle est plus facile à contrôler que les différents pays.

The Saker : Il se dit souvent qu’Israël contrôle les États-Unis. Chomsky, et d’autres, affirment que ce sont les États-Unis qui contrôlent Israël. Comment caractériseriez-vous les relations entre Israël et les États-Unis – est-ce que c’est le chien qui remue la queue ou la queue qui fait bouger le chien ?  Diriez-vous que le lobby israélien contrôle totalement les États-Unis ou y a-t-il encore d’autres forces capables de dire non au lobby israélien et d’imposer leur propre programme ?

Paul Craig Roberts :  Je n’ai jamais vu aucune preuve que les États-Unis contrôlent Israël. Toutes les preuves montrent qu’Israël contrôle les États-Unis, mais seulement sa politique au Moyen-Orient. Ces dernières années, Israël ou le lobby israélien a été en mesure de contrôler ou de bloquer les nominations universitaires aux États-Unis ainsi que la titularisation et les nominations de professeurs considérés comme critiques à l’égard d’Israël.  Israël a réussi à bloquer des titularisations et des nominations dans des universités catholiques et d’État. Israël peut aussi bloquer certaines nominations à la présidence et a une grande influence sur la presse écrite et la télévision.  Le lobby israélien a aussi beaucoup d’argent pour les fonds des campagnes politiques et ne manque jamais de limoger les représentants et les sénateurs américains considérés comme critiques à l’égard d’Israël. Le lobby israélien a réussi à atteindre une femme noire, Cynthia McKinney, dans son district électoral noir, et à empêcher sa réélection.  Comme l’a dit l’amiral Tom Moorer, chef des opérations navales et président du Comité des chefs d’état-major interarmées: «Aucun président américain ne peut résister à Israël.» L’amiral Moorer n’a même pas pu obtenir une enquête officielle sur l’attaque meurtrière d’Israël contre l’USS Liberty en 1967.

Quiconque critique la politique d’Israël, même de manière utile, est qualifié d’antisémite.

Dans la politique, les médias et les universités américaines, c’est une accusation mortelle. Vous pourriez aussi bien être frappé par un missile hellfire.

The Saker :  Lesquelles des douze entités de pouvoir dont j’ai fait la liste ci-dessus ont, à votre avis, joué un rôle clé dans la planification et l’exécution du coup monté  du 11 septembre ?  Après tout, il est difficile d’imaginer que cela a été planifié et préparé entre l’investiture de GW Bush et le 11 septembre – cela doit avoir été préparé pendant les années de l’administration Clinton. N’est-il pas vrai que l’attentat d’Oklahoma City était une répétition pour 9/11 ?

Paul Craig Roberts : A mon avis, 9/11 était le produit des néoconservateurs, dont nombre d’entre eux sont des alliés juifs d’Israël, de Dick Cheney, et d’Israël. Son objectif était de fournir le nouveau Pearl Harbour dont les néoconservateurs disaient qu’il était nécessaire pour lancer leurs guerres de conquête au Moyen-Orient.  Je ne sais pas si c’était prévu depuis longtemps, mais Silverstein [propriétaire des tours du World Trade Center, NdT] en faisait visiblement partie et il avait acheté le World Trade Center très peu de temps avant le 11 septembre.

Quant à l’attentat contre le Bâtiment fédéral Alfred P. Murrah, à Oklahoma City, le général Partin, de l’US Air Force, expert en munitions dans ce corps d’armée, a préparé un rapport d’expert prouvant indubitablement que le bâtiment a explosé de l’intérieur et que le camion piégé était un leurre. Le Congrès et les médias ont ignoré ce rapport. Le bouc émissaire, McVeigh,  était déjà désigné, et c’était la seule histoire autorisée.

The Saker :  Pensez-vous que les gens qui dirigent aujourd’hui les États-Unis réalisent qu’ils sont sur une trajectoire de collision avec la Russie, qui pourrait conduire à la guerre thermonucléaire ?  Si oui, pourquoi prendraient-ils un tel risque ? Croient-ils vraiment qu’au dernier moment la Russie va flancher et céder, ou croient-ils réellement qu’ils peuvent gagner une guerre nucléaire ?  N’ont-ils pas peur que dans une conflagration nucléaire avec la Russie ils perdent tout ce qu’ils ont, y compris leur pouvoir et même leur vie ?

Paul Craig Roberts : Je suis aussi perplexe que vous. Je pense que Washington est perdu dans l’orgueil et l’arrogance et qu’il est plus ou moins fou. En outre, il est convaincu que les États-Unis peuvent gagner une guerre nucléaire avec la Russie. Un article paru dans Foreign Affairs vers 2005 ou 2006 arrivait à cette conclusion.  La croyance dans la possibilité de gagner une guerre nucléaire a été stimulée par la foi dans les défenses anti-missiles balistiques. L’argument est que les États-Unis peuvent toucher la Russie tellement fort dans une première frappe préventive que celle-ci ne riposterait pas, de peur d’un second coup.

The Saker :  Comment évaluez-vous l’état de santé présent de l’Empire ?  Pendant de nombreuses années, nous avons vu des signes évidents de déclin, mais il n’y a pas encore d’effondrement visible. Croyez-vous qu’un tel effondrement est inévitable et, si non, comment pourrait-il être évité ?  Verrons-nous le jour où le dollar américain deviendra soudain sans valeur ou un autre mécanisme précipiter la chute de cet Empire ?

Paul Craig Roberts :  L’économie états-unienne a été vidée de sa substance. Il n’y a pas eu de véritable augmentation du revenu familial médian depuis des décennies.  Alan Greenspan, lorsqu’il était président de la Fed, a recouru à l’expansion du crédit à la consommation pour compenser l’absence d’augmentation du revenu des consommateurs, mais la population est maintenant trop endettée pour s’endetter davantage.  Il n’y a donc rien pour stimuler l’économie. Donc il y a eu tellement d’emplois dans la fabrication et les services professionnels négociables, comme l’ingénierie informatique, qui ont été délocalisés à l’étranger, que la classe moyenne a diminué.  Les diplômés de l’université ne peuvent pas avoir un emploi qui leur permette une vie indépendante. Donc ils ne peuvent pas fonder une famille, acheter des maisons, des appareils, des meubles et des accessoires pour la maison. Le gouvernement prend des mesures pour maintenir une inflation basse sans mesurer l’inflation, et un chômage bas sans mesurer le chômage.  Les marchés financiers sont truqués et l’or est maintenu artificiellement en baisse malgré une augmentation de la demande, grâce à la vente à découvert sur les marchés à terme. C’est un château de cartes qui a résisté plus longtemps que je ne le pensais. Apparemment, le château de cartes peut tenir debout jusqu’à ce que le reste du monde cesse de maintenir le dollar US comme réserve.

Peut-être l’empire a-t-il infligé trop de stress à l’Europe en l’impliquant dans un conflit avec la Russie. Si l’Allemagne, par exemple, se retirait de l’Otan, l’empire s’effondrerait, ou si la Russie pouvait avoir l’illumination de financer la Grèce, l’Italie et l’Espagne en échange de leur sortie de l’euro et de l’Union européenne, l’empire subirait un coup fatal.

Ou alors la Russie pourrait dire à l’Europe qu’elle n’aura pas le choix d’épargner les capitales européennes avec des armes nucléaires maintenant qu’elle a rejoint les États-Unis pour lui faire la guerre.

The Saker :  La Russie et la Chine ont fait quelque chose d’unique dans l’histoire et elles sont allées au-delà de la manière traditionnelle de former une alliance : elles ont accepté de devenir interdépendantes – on pourrait dire qu’elles ont convenu d’une relation symbiotique. Croyez-vous que ceux qui sont chargés de l’Empire ont compris le mouvement tectonique qui vient de se produire ou s’enfoncent-ils simplement dans un déni profond parce que la réalité leur fait trop peur ?

Paul Craig Roberts :  Stephen Cohen dit qu’il n’y a tout simplement pas de discussion sur la politique étrangère. Il n’y a pas de débat. Je pense que l’empire pense que cela peut déstabiliser la Russie et la Chine et que c’est la raison pour laquelle Washington a des révolutions de couleur en cours en Arménie, au Kirghizstan et en Ouzbékistan. Comme Washington est déterminé à empêcher la montée d’autres pouvoirs et est perdu dans l’orgueil et l’arrogance, il croit probablement que cela réussira. Après tout, l’Histoire a choisi Washington.

The Saker :  A votre avis, les élections présidentielles ont-elles encore de l’importance et, si oui, quel est votre meilleur espoir pour 2016 ?  J’ai personnellement très peur de Hillary Clinton dont je vois qu’elle est une personne exceptionnellement dangereuse et carrément mauvaise, mais avec l’influence néocon actuelle chez les Républicains, pouvons-nous vraiment espérer qu’un candidat non néocon puisse remporter l’investiture du GOP (Parti Républicain) ?

Paul Craig Roberts :  La seule élection présidentielle qui pourrait avoir de l’importance serait si le président élu avait un fort mouvement derrière lui. Sans un mouvement, le président n’a aucun pouvoir indépendant et personne à désigner qui exécutera ses ordres.  Reagan avait quelque chose comme un mouvement, juste assez pour que nous soyons en mesure de traiter la stagflation malgré l’opposition de la CIA et du complexe militaro-sécuritaire.  En plus, Reagan était très vieux et il venait d’une époque où le président avait du pouvoir et il agissait en conséquence.

The Saker :  Qu’en est-il des forces armées ?  Pouvez-vous imaginer un président du Comité des chefs d’état-major interarmées (JCS) disant : « Non, Monsieur le Président, c’est fou, nous ne le ferons pas » ou attendez-vous des généraux qu’ils obéissent à tous les ordres, y compris le déclenchement d’une guerre nucléaire contre la Russie ?  Avez-vous un espoir quelconque que l’armée des États-Unis puisse intervenir et stopper les fous actuellement au pouvoir à la Maison Blanche et au Congrès ?

Paul Craig Roberts :  L’armée américaine est une créature de l’industrie de l’armement. Le but, en devenant général, est d’être qualifié comme consultant pour l’industrie de la défense ou devenir un cadre dirigeant ou de faire partie du comité d’une entreprise de la défense. L’armée sert de vivier pour des carrières après la retraite, quand les généraux font beaucoup d’argent. L’armée américaine est totalement corrompue. Lisez le livre d’Andrew Cockburn, Kill Chain.

The Saker :  Si les États-Unis marchent délibérément sur le sentier de la guerre avec la Russie – que devrait faire la Russie ?  Est-ce que la Russie devrait céder et accepter qu’être soumis est une option préférable à une guerre thermonucléaire ou devrait-elle résister et donc accepter la possibilité d’une guerre thermonucléaire ?  Croyez-vous qu’une démonstration de force délibérée et forte de la part de la Russie pourrait dissuader une attaque américaine ?

Paul Craig Roberts : Je me suis souvent posé cette question. Je ne peux pas dire que je connais la réponse. Je pense que Poutine est suffisamment humain pour se rendre plutôt que de participer à la destruction du monde, mais Poutine doit répondre à d’autres à l’intérieur de la Russie et je doute que les nationalistes seraient favorables à une reddition.

A mon avis, je pense que Poutine devrait se concentrer sur l’Europe et lui faire prendre conscience que la Russie s’attend à une attaque américaine et qu’elle n’aura pas d’autre choix que de faire disparaître l’Europe en réponse. Poutine devrait encourager l’Europe à sortir de l’Otan afin d’empêcher la Troisième Guerre mondiale.

Poutine devrait aussi s’assurer que la Chine comprend qu’elle est ressentie par les États-Unis comme la même menace que la Russie et que les deux pays ont besoin de s’unir.  Peut-être que si la Russie et la Chine unissaient leurs forces pour une alerte nucléaire, pas la plus élevée, mais à un niveau élevé qui ferait reconnaître la menace américaine et communiquerait cette menace au monde, les États-Unis pourraient être isolés.

Peut-être que si la presse indienne, la presse japonaise, la presse française et allemande, la presse britannique, la presse chinoise et la presse russe commençaient à rapporter que la Russie et la Chine se demandent si elles vont subir une attaque nucléaire préventive de Washington, le résultat serait d’empêcher l’attaque.

Pour autant que je puisse parler de mes nombreux entretiens avec la presse russe, il n’y a pas de conscience russe de la doctrine Wolfowitz. Les Russes pensent qu’il y a une sorte de malentendu sur les intentions russes. Les médias russes ne comprennent pas que la Russie est inacceptable, parce qu’elle n’est pas un vassal des États-Unis. Les Russes croient toutes les conneries occidentales sur la liberté et la démocratie et ils croient qu’ils manquent des deux mais qu’ils font des progrès. En d’autres termes, les Russes n’ont aucune idée qu’ils sont visés pour être détruits.

The Saker :  Quelles sont, à votre avis, les racines de la haine de tant de membres des élites états-uniennes à l’égard de la Russie ?  Est-ce que c’est seulement un vestige de la guerre froide, ou y a-t-il une autre raison à la russophobie quasi universelle au sein des élites états-uniennes ?  Même pendant la guerre froide, il était difficile de savoir si les États-Unis étaient anti-communistes ou antirusses. Y a-t-il quelque chose dans la culture russe, la nation ou la civilisation, qui déclenche cette hostilité et, si oui, qu’est-ce que c’est ?

Paul Craig Roberts : L’hostilité à l’égard de la Russie remonte à la doctrine Wolfowitz :

« Notre premier objectif est d’empêcher la réémergence d’un nouveau rival, que ce soit sur le territoire de l’ancienne Union soviétique ou ailleurs, qui constituerait une menace sur l’ordre [international] équivalente à celle posée auparavant par l’Union soviétique. C’est une considération dominante qui sous-tend la nouvelle stratégie de défense régionale et qui exige que nous nous efforcions d’empêcher toute puissance hostile de dominer une région dont les ressources pourraient, sous contrôle consolidé, suffire à produire l’énergie mondiale. »

Pendant que les États-Unis se concentraient sur leurs guerres au Moyen-Orient, Poutine a redressé la Russie et bloqué l’invasion de la Syrie et le bombardement de l’Iran projetés par Washington.  Le premier objectif de la doctrine néocon a été violé. La Russie devait être remise à l’ordre. C’est l’origine de l’attaque de Washington contre la Russie. Les médias états-uniens et européens dépendants et captifs répètent simplement la menace russe au public, qui est insouciant et mal informé autrement.

Le délit de la culture russe est là aussi – la morale chrétienne, le respect de la loi et de l’humanité, la diplomatie au lieu de la coercition, les mœurs sociales traditionnelles – mais tout ça est à l’arrière-plan. La Russie (et la Chine) sont haïes car elles sont le miroir qui reflète l’hybris de Washington, sa puissance unique et unilatérale. C’est ce miroir qui conduira à la guerre.

Si les Russes et les Chinois ne se préparent pas à une attaque nucléaire préventive de Washington, ils seront détruits.

Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone

Lire aussi :

La Russie menacée de guerre par les Etats-Unis (« Russia under attack »)

Quelques rappels :

Stephen Cohen : La guerre entre l’Otan et la Russie est une réelle possibilité

L’OTAN, un danger pour la paix mondiale (I. Wallerstein)

Michel Raimbaud, ambassadeur de France : « Les Etats-Unis n’ont qu’une logique : celle du chaos »

Etats-Unis : un projet de loi pour renverser Poutine

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Olivier Demeulenaere - Regards sur l'économie

L’Histoire retiendra qu’en septembre 2013 la Russie a évité une guerre mondiale en arrêtant deux missiles de l’OTAN et en offrant à Obama une sortie honorable à la crise des armes chimiques en Syrie. De la domination sans partage des Etats-Unis on a alors basculé dans un système multipolaire plus respectueux de l’équilibre des forces. Tout n’est pas réglé, loin s’en faut. L’Empire aux abois a reporté sa soif d’expansion sur la malheureuse Ukraine et l’agression contre le régime de Bachar-el-Assad s’est poursuivie avec une férocité redoublée au nom de la « guerre contre le terrorisme ». OD

Latuff_2013_Syria_Obama_Hollande_Arab_League[Un article de The Australian Voice traduit par Diane pour Arrêt sur Info]

Les raisons officielles

Nous savons tous que les gouvernements occidentaux, emmenés par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, se sont retournés contre la Russie. Les raisons données par les médias sont nombreuses : la Russie a essayé d’empêcher l’Ukraine de rejoindre…

Voir l’article original 2 208 mots de plus

Olivier Demeulenaere - Regards sur l'économie

otan organisation terroriste atlantique nordImmanuel Wallerstein, chercheur principal de recherche à l’Université de Yale, est l’auteur du Déclin de la puissance américaine : Les Etats – Unis dans un monde chaotique (NewPress).

L’article qui suit a été traduit et commenté par François Asselineau sur le site de l’UPR.

« Renoncer à l’OTAN comme structure serait un premier pas  sur le chemin de la raison et la survie de la planète », dit Wallerstein. On ne peut qu’approuver, tant sont stupéfiantes la folie et la perversité de ceux qui dirigent cette sanglante machine de guerre. Je vous renvoie à la dernière information d’un média allemand sur le sujet : Via la Turquie, l’OTAN alimente en armes et en fournitures l’Etat islamique (Daesh) en Syrie [voir ici la traduction en français]… OD

« La mythologie officielle veut qu’entre 1945 (ou 1946) et 1989 (ou 1991), les Etats-Unis et l’Union soviétique (URSS) se sont affrontés en continu…

Voir l’article original 1 144 mots de plus

Olivier Demeulenaere - Regards sur l'économie

Ainsi que – de façon plus marginale – l’Algérie et le Venezuela. Une thèse que je trouve plus logique et plus cohérente avec les événements géopolitiques en cours que celle de la stratégie anti-pétrole de schisteOD

(Agence Info Libre, 30 novembre 2014)

– « La meilleure manière de casser un pays, c’est de l’intérieur. C’est une occasion inouïe d’essayer d’introduire en Russie une contestation plus une crise économique. Ils espèrent que cette Russie qui jusque-là a mené la valse diplomatique (…) va être littéralement asphyxiée… »

Voir l’article original 110 mots de plus

Olivier Demeulenaere - Regards sur l'économie

plan secret poutine otan

« Les 11 et 12 septembre derniers s’est tenue la réunion d’une organisation dont la plupart des Américains n’ont jamais entendu parler. La couverture des médias grand public était à peu près inexistante.

La réunion s’est tenue à Dushanbe, la capitale du Tadjikistan, un pays que peu d’Occidentaux sauraient situer correctement sur une carte. Mais vous pouvez parier votre dernier rouble que Vladimir Poutine sait exactement où se trouve ce pays. Car le groupe qui s’est réuni là-bas est le bébé du président russe. Il s’agit de l’organisation de coopération de Shanghai, constituée de six états membres : la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, et l’Ouzbekistan.

Voir l’article original 909 mots de plus

Olivier Demeulenaere - Regards sur l'économie

Barroso sans l'UE la Russie n'aurait fait qu'une bouchée de la Bulgarie et des pays baltes(source : Euractiv via Les-crises.fr)

Autre déclaration savoureuse de l’ex-leader maoïste récupéré et reformaté par la CIA :

« En réalité, l’UE est l’entité qui fait preuve du plus de cohérence au niveau de la politique mondiale » (sic).

Rappel :  Vladimir au Club Valdaï : La fin du monde unipolaire

Voir l’article original

Ras-le-bol russe, l’UE à la croisée des chemins

Un article d’Entrefilets.com.

Ras-le-bol russe, l'UE à la croisée des chemins

« Cette fois, les Russes en ont marre. L’interminable campagne d’agressions du Bloc atlantiste, jusqu’à la vulgarité des injures proférées ces derniers jours, ont convaincu Moscou qu’il n’y avait plus rien à espérer de l’Ouest. Le dégel n’est plus à l’ordre du jour. Pourtant connu pour sa pondération, le premier ministre Medvedev l’a signifié en s’interrogeant publiquement sur la «santé mentale» d’Obama après que celui-ci ait osé ranger la Russie dans la catégorie des «menaces contre l’humanité», avec Daesh et l’Ebola (1). Poutine himself a ensuite été jusqu’à lancé un avertissement, certes encore à fleuret moucheté mais néanmoins très clair, sur un risque de conflit nucléaire (2). Sourd et aveugle, le Bloc atlantiste n’a rien compris de ce revirement. La rupture entre les deux géants est pourtant consommée (3). Coincée entre les deux, l’Europe est à la croisée des plus importants chemins de son Histoire.

Trois grandes options

«Toutes les options sont sur la table», aiment à répéter à l’envi les va-t’en guerre de l’Empire. Nous, nous dirions que les options qui restent se réduisent désormais à peau de chagrin.

Constat préliminaire : Les Etats-Unis sont effrayés par leur déclin et la montée en puissance des pays du BRICs. A travers l’agression en cours de la Russie, c’est aussi la Chine qui est visée, une Chine qui vient d’ailleurs de devenir la première puissance économique mondiale (4).

L’agression de la Russie, planifiée bien avant l’Ukraine (5) (campagne de dénigrement dès 2011), n’a jamais eu pour seul objectif que d’empêcher la constitution d’un bloc concurrent Euro-Asiatique qui entraînerait instantanément l’effondrement de la puissance US. La stupidité et la compromission des élites européennes, ajoutées aux troubles calculs allemands (6), ont permis le succès du plan américain jusqu’ici.
Sauf qu’au lieu d’affaiblir la Russie, cette nouvelle donne l’a convaincu de se détourner définitivement de l’Ouest et d’accélérer comme jamais la réorientation de sa politique vers un partenariat complet avec la Chine (7) et les pays du BRICs en général.
Partant, trois grandes options restent sur la table.

Première option, la pire de toute, que nous évacuons d’entrée de jeu un peu par superstition : l’Occident poursuit dans son hystérie jusqu’au-boutiste et la conflagration survient. Les Etats-Unis s’imaginent peut-être que, comme avec la Seconde Guerre mondiale, ils vont pouvoir tirer leurs marrons du feu à moindre coût et emporter la mise en pilotant Trente nouvelles Glorieuses. Sauf que leurs marrons aussi risquent fort d’être irradiés et qu’en vérité, tout a de forte chance de s’arrêter dans un grand éclair blanc pour tout le monde. Fin de la partie.

Deuxième option, le plan US marche, la Russie, ratant sa réorientation vers l’Est, s’effondre à nouveau lamentablement ; la Chine apeurée se soumet d’instinct aux vertus occidentales après quelques coups de parapluie ; et le Bloc atlantiste renait comme un seul homme de ses cendres à la tête du meilleur des mondes avec, tout en haut, juste sous le soleil, un eurodollar qui flamboie pour mille ans.
Vous y croyez ?
Moi non plus.

Troisième option : le plan US échoue, l’Europe se ressaisit ou éclate et la Russie, avec le soutien des pays BRICs, réussit à faire mourir l’Empire dans son lit (8). C’est le basculement «en douceur» des centres de pouvoir de la planète et l’arrivée de l’Asie aux commandes. On peut compter sur le réalisme des Russes et des Chinois pour offrir ensuite une session de repêchage à l’Europe, mais plus l’Europe sera restée solidaire de son geôlier américain dans sa chute, plus l’addition sera salée.

Presque en post scriptum, ont pourrait aussi ajouter une quatrième option, sorte de cadeau Bonus de l’Empire du Chaos, avec un lent pourrissement de toutes les situations dans le plus complet désordre et, à terme, l’effondrement global du Système sans passation de pouvoir aucune.

Toutes les options sont en effet sur la table.
Toutes impliquent un gigantesque séisme ».

Entrefilets.com, le 17 octobre 2014

(1) Medvedev pose la question de la santé mentale d’Obama

(2) L’avertissement de Poutine : “We hope that our partners will realize the futility of attempts to blackmail Russia and remember what consequences discord between major nuclear powers could bring for strategic stability.”

(3) Niet à la coopération contre Daesh

(4) La Chine, désormais première puissance économique mondiale

(5) Enfumage ukrainien: contre-propagande

(6) Les troubles calculs allemands

(7) Vers la création d’un bouclier antimissiles russo-chinois ?

(8) L’empire, le docteur Kübler-Ross et la Syrie

SOURCE: http://olivierdemeulenaere.wordpress.com/2014/10/19/ras-le-bol-russe-lue-a-la-croisee-des-chemins/

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À propos de Olivier Demeulenaere, 49 ans JournalisteindépendantMacroéconomieMacrofinance Questions monétaires Matières premières

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Olivier Demeulenaere - Regards sur l'économie

Ou la vraie raison pour laquelle la Russie et la Syrie sont ciblées en ce moment.

petrodollar-world-war-3

[un article de SCGnews.com traduit par Les Brindherbes engagés]

Une synthèse de très bonne facture pour qui veut comprendre les grands enjeux géopolitiques de notre époque – jusqu’aux développements les plus récents et les plus brûlants. Les habitués du blog s’y sentiront en terrain familier : Le cocktail explosif de pétrole, de gaz et de dollars de l’Empire états-unien va-t-il nous mener à la troisième guerre mondiale ? OD

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Olivier Demeulenaere - Regards sur l'économie

usa guerre chaos tyrannie« L’Empire américain est doublement engagé, au plan économique et monétaire d’une part et au plan stratégique et géopolitique d’autre part, pour tenter de ralentir son déclin, dans une entreprise systématique de destruction de ses adversaires comme de ses supposés « alliés ».

Au plan économique et monétaire, les manipulations domestiques et internationales auxquelles se livrent les USA (via leur Federal Reserve et leurs grandes banques « too big to fail ») sur la plupart des paramètres (statistiques faussées) et des actifs (monnaie, taux d’intérêt, actions, obligations, etc. « dirigés ») ne sont plus à démontrer, de telle sorte qu’il n’y a plus un seul marché libre dans le monde entier dont on puisse connaitre précisément la situation réelle !

Quant au plan stratégique et géopolitique, les USA, visant à empêcher toute alliance entre l’Europe et la Russie (toujours leur obsession du contrôle du « heartland » eurasien !) comme à saboter l’émergence de toute solution pacifique au Moyen…

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