Après plusieurs années de déni, les mensonges de Shell sont enfin révélés au grand jour. Amnesty International a publié plusieurs rapports sur la pollution pétrolière dans le delta du Niger, au Nigéria.
Shell a dû finalement admettre que les chiffres et les arguments qu’elle défendait pour limiter la portée des affirmations d’AI étaient faux.
°°°
Que révèlent les documents judiciaires ?
Shell a dû reconnaître qu’elle avait sous-estimé deux déversements d’hydrocarbures dans la ville de Bodo et que ses oléoducs dans la région étaient vieux et mal entretenus. Des groupes issus de la société civile le disaient depuis des années – en apportant les preuves de ce qu’ils affirmaient – mais c’est la première fois que Shell est obligée de l’admettre.
Shell avoue avoir minimisé l’ampleur de ces déversements – que dit-elle à présent sur les volumes de pétrole déversés ?
Il a fallu une action en justice pour que Shell finisse par admettre que les chiffres qu’elle défendait depuis des années étaient faux. Toutefois, la compagnie n’est pas encore prête à reconnaître les estimations indépendantes de l’ampleur des déversements d’hydrocarbures. Elle n’a pas dit quels volumes de pétrole avaient été déversés, elle a simplement admis qu’une nouvelle enquête était nécessaire. Pendant ce temps, les habitants de Bodo – et beaucoup d’autres qui se trouvent dans la même situation qu’eux mais n’ont pas réussi à aller jusqu’au procès – continuent de lutter pour leur survie dans un environnement dévasté par le pétrole. Shell doit payer et nettoyer dès maintenant.

Ne pourrait-il pas s’agir simplement d’une erreur de la part de Shell ?
Pourquoi Amnesty International affirme-t-elle que la compagnie a menti ?
Amnesty International a fourni à Shell, à maintes reprises, des preuves montrant que la compagnie avait sous-estimé les déversements de Bodo. L’organisation a publié deux rapports contenant de larges preuves de l’ampleur et de l’impact de ces déversements. Shell avait toutes les raisons de savoir que ses données étaient fausses, or elle s’est obstinée à défendre et à répéter des chiffres qui ont aujourd’hui perdu tout crédit.
Amnesty International a fourni à Shell non seulement des preuves de l’ampleur des dégâts à Bodo, mais aussi des éléments révélant les failles de la procédure d’enquête conjointe en général (voir Bad Information: Oil Spill investigations in the Niger Delta).
Ces révélations ouvrent-elles la voie à de nouvelles plaintes contre Shell ? Si oui, combien ?
Le procès qui est en cours concerne deux déversements parmi les milliers qui se sont produits sous la responsabilité de Shell. Pour tous ces déversements, le paiement ou non de dédommagements et le montant des indemnisations ont été décidés en fonction des conclusions des enquêtes conjointes menées sur le terrain, officiellement en collaboration avec la population locale mais en réalité sous le contrôle de Shell. Avec cette action en justice, c’est la première fois qu’une communauté locale parvient à faire admettre à Shell que ses rapports d’enquêtes conjointes contiennent des données erronées, alors que de nombreuses communautés contestent depuis des années la fiabilité de ces rapports.
Les révélations sur l’inexactitude des données figurant dans les rapports d’enquêtes sur les deux déversements de Bodo jettent le doute sur toutes les décisions de Shell relatives à des dédommagements et à des opérations de nettoyage. Cette action en justice concerne 15 000 personnes, mais des centaines de milliers d’autres pourraient maintenant contester la décision de Shell de ne pas les dédommager.
Mobilisation à Port Harcourt © Amnesty International
À combien s’élèvent les indemnités que Shell pourrait maintenant avoir à payer ?
La détermination du montant exact des indemnisations relève des tribunaux – Amnesty International s’intéresse aux dégâts en matière de vies humaines provoqués par la pollution aux hydrocarbures et fait pression sur Shell pour qu’elle s’attaque à ce problème.
Qu’attend Amnesty International de Shell à propos des déversements d’hydrocarbures ?
Amnesty International demande à Shell de :
- nettoyer la région de Bodo et verser une indemnisation juste et suffisante à la population pour les pertes et dommages subis ;
- verser une indemnisation juste et suffisante à toutes les autres populations touchées ;
- reconnaître que sa procédure d’enquête sur les déversements d’hydrocarbures n’est pas satisfaisante et réexaminer les plaintes des communautés qui estiment que le rapport de l’enquête conjointe menée dans leur cas est erroné.
N’est-ce pas au gouvernement nigérian que revient la responsabilité finale de nettoyer ses terres et de protéger ses habitants ?
Le gouvernement nigérian n’applique pas les lois et les règlements qui permettraient de prévenir la pollution et les violations qui en découlent des droits à l’alimentation, à l’eau et à des moyens de subsistance satisfaisants. Il laisse Shell et les autres compagnies pétrolières agir en toute impunité. Amnesty International a appelé à maintes reprises le gouvernement nigérian à renforcer les organismes de surveillance et à réglementer correctement l’industrie pétrolière – notamment en appliquant des sanctions efficaces et en offrant des voies de recours satisfaisantes aux populations.
© Amnesty International
La plupart des déversements d’hydrocarbures ne sont-ils pas dus à des actes de sabotage ou à d’autres activités illégales ?
Deux éléments de réponse ici :
Premièrement, les affirmations de Shell selon lesquelles la majeure partie des déversements de pétrole provient d’actes de sabotage et de vols reposent sur les enquêtes menées dans le Delta du Niger. Or, la procédure d’enquête est entachée d’irrégularités et manque de crédibilité. C’est dans le cadre de cette procédure qu’ont été sous-estimés, comme vient de le reconnaître la compagnie pétrolière, les volumes de pétrole déversés et les zones touchées dans le cadre de deux déversements distincts à Bodo.
De fait, l’influence de Shell est souvent très forte quand il s’agit de déterminer la cause d’un déversement – même lorsqu’un représentant des autorités de surveillance est présent. Étant donné que les compagnies pétrolières sont responsables du paiement des indemnités si la fuite est due à la corrosion ou à une défaillance de leurs équipements, le fait de leur laisser autant de contrôle sur la détermination de la cause des déversements génère un conflit d’intérêt troublant.
Amnesty International a publié des éléments prouvant que Shell avait déjà modifié de façon unilatérale, sans explication ni preuve, la cause d’un déversement, affirmant qu’il était dû à un sabotage alors que l’enquête sur le terrain avait conclu à une défaillance technique. L’organisation a aussi publié des preuves mettant en doute les accusations de sabotage formulées par la compagnie dans d’autres cas.
Deuxièmement, il incombe à la compagnie de mettre en place des mesures pour empêcher le sabotage et l’intrusion de tiers dans les infrastructures pétrolières. Or, Shell n’a pas pris de mesures satisfaisantes en ce sens, et des documents en possession du tribunal britannique révèlent qu’elle savait depuis des années que ses conduites étaient vieilles et dangereuses.
Le sabotage et les activités illégales sont effectivement des problèmes graves dans le Delta du Niger. Amnesty International a recueilli des informations à ce sujet et recommandé des mesures pour y remédier. Toutefois, on ne pourra s’attaquer correctement au sabotage et aux activités illégales que lorsque ces problèmes seront abordés de façon honnête – et pas tant que Shell s’en servira comme outils de relations publiques pour se protéger. La compagnie pétrolière doit reconnaître que la vétusté et le mauvais état de ses oléoducs, ainsi que ses pratiques insatisfaisantes, sont des sources importantes et graves de pollution aux hydrocarbures.

Mais comment Shell aurait-elle pu mettre un terme aux déversements d’hydrocarbures alors que la zone de Bodo lui était interdite d’accès ?
Les éléments recueillis par Amnesty International ne confirment pas les affirmations de Shell selon lesquelles elle ne pouvait pas accéder à la zone. En réalité, la population a imploré la compagnie de venir arrêter la pollution et des militants ont contacté les autorités au nom des habitants en octobre 2008 – et pourtant la fuite n’a été arrêtée qu’en novembre.
En 2008 et 2009, Shell a déclaré aux journalistes et à Amnesty International qu’elle ne pouvait pas se rendre à Bodo car il lui était impossible de traverser la ville de K-Dere. Amnesty International et les ONG nigérianes ont toutefois souligné à maintes reprises qu’il n’était pas nécessaire de traverser K-Dere pour se rendre à Bodo.
Shell affirme maintenant – six ans plus tard – qu’il y avait des problèmes à Bodo même. Cette affirmation est contestée par la population et discréditée par le fait que la compagnie ait attendu si longtemps pour avancer un tel argument. Shell avait précédemment décrit Bodo comme une communauté tranquille, où il lui était facile de travailler.
Un rapport des Nations unies a constaté que Shell était, de façon générale, longue à réagir en cas de déversement de pétrole et qu’il y avait toujours un délai entre le moment où la fuite était signalée et celui où elle était réparée. Cette étude concluait également que les problèmes d’accès (c’est-à-dire le refus des populations de laisser la compagnie venir sur les lieux) n’étaient pas la seule cause expliquant le retard des opérations de nettoyage.
SOURCE: http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Entreprises-et-droits-humains/Actualites/Mensonges-de-Shell-sur-les-deversements-hydrocarbures-au-Nigeria-notre-point-sur-affaire-13223?utm_source=facebook&utm_medium=reseaux-sociaux&utm_campaign=FB-amnestyfr
00000000000000000000000000000